Dans une initiative audacieuse qui répond à la fois à la crise du logement et à l’afflux croissant de demandeurs d’asile, Ottawa a commencé à convertir des immeubles de bureaux vacants du centre-ville en logements temporaires. L’initiative, annoncée hier par le maire Mark Sutcliffe, vise à réaffecter plus de 200 000 pieds carrés d’espace inoccupé au cœur du centre-ville.
“Il s’agit d’utiliser de façon pratique des espaces vides tout en aidant les nouveaux arrivants vulnérables,” a déclaré Sutcliffe lors de la conférence de presse à l’hôtel de ville. “Avec un taux d’inoccupation au centre-ville atteignant un record historique de 17,8%, ces conversions ont du sens pour notre communauté et notre économie.”
Le premier bâtiment en cours de transformation est l’ancienne tour de Transports Canada sur l’avenue Laurier, qui est restée pratiquement vide depuis que les fonctionnaires fédéraux sont passés au télétravail pendant la pandémie. La conversion créera des logements temporaires pour environ 350 demandeurs d’asile, les premières unités devant être prêtes d’ici septembre.
La conseillère municipale Catherine McKenney, qui représente le quartier Somerset du centre-ville, a exprimé son soutien ferme à l’initiative. “Nous faisons face à une double crise: des immeubles de bureaux vides et une pénurie de logements. Cette approche répond aux deux problèmes tout en préservant la dignité de ceux qui cherchent refuge dans notre pays.”
Le projet de 14,6 millions de dollars est financé par plusieurs sources, dont 8,3 millions du Fonds pour accélérer la construction de logements du gouvernement fédéral, 4,2 millions du gouvernement provincial, et le reste provenant des réserves municipales.
Les experts en immigration soulignent que le moment est crucial. Selon Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Ottawa a reçu plus de 5 600 demandeurs d’asile depuis janvier, une augmentation de 34% par rapport à la même période l’année dernière.
“Ces individus et familles passent souvent des mois dans des situations de logement précaires pendant le traitement de leurs demandes,” explique Louisa Taylor, directrice de Réfugié 613. “Avoir un logement temporaire stable permet aux enfants de s’inscrire à l’école et aux parents de se concentrer sur l’intégration, l’apprentissage des langues et les opportunités d’emploi.”
Les plans de conversion comprennent la création de studios et d’appartements d’une chambre autonomes avec des cuisines communes à chaque étage. Les rez-de-chaussée accueilleront des services d’établissement, des cours de langue et des espaces communautaires.
Tout le monde ne soutient pas l’initiative. L’Association d’amélioration des affaires d’Ottawa a exprimé des préoccupations quant aux implications à long terme sur les valeurs immobilières commerciales du centre-ville. “Bien que nous reconnaissions le besoin humanitaire, nous nous inquiétons de retirer définitivement des espaces de bureaux de premier ordre du marché,” a déclaré le directeur exécutif Kevin McHale.
Cependant, des urbanistes soulignent des conversions similaires réussies dans des villes comme Montréal et Toronto. “La pandémie a changé de façon permanente les habitudes de travail,” note l’urbaniste Sarah Jackson de l’Université d’Ottawa. “Convertir certains espaces de bureaux en usage résidentiel aide à créer des centres-villes plus dynamiques et à usage mixte.”
Les résidents locaux avec qui j’ai parlé près de l’avenue Laurier ont montré des réactions mitigées mais généralement positives. “Je préfère voir des gens logés que des bâtiments vides,” a déclaré Michael Chen, qui travaille dans un restaurant à proximité. “Cela pourrait aussi amener plus de clients aux entreprises locales.”
Pour les demandeurs d’asile comme la famille Ahmadi, qui a fui l’Afghanistan l’année dernière, ce logement représente l’espoir. “Nous avons déménagé trois fois en huit mois,” a dit Fatima Ahmadi par l’intermédiaire d’un interprète. “Avoir un endroit stable signifierait que mes enfants pourraient se faire des amis et se sentir installés.”
La ville prévoit d’évaluer d’autres bâtiments pour conversion si le projet initial s’avère fructueux. Les responsables soulignent que ces conversions sont conçues pour être réversibles si la demande de bureaux revient aux niveaux d’avant la pandémie.
Cette initiative survient alors qu’Ottawa fait face à l’un des marchés du logement les plus serrés depuis des décennies. Le loyer moyen d’un appartement d’une chambre a augmenté de 12,3% d’une année sur l’autre selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement, tandis que les taux d’inoccupation restent inférieurs à 2%.
Des organismes communautaires s’associeront à la ville pour fournir des services de soutien. Le Centre catholique pour immigrants et l’Organisation des services aux immigrants d’Ottawa coordonneront la gestion des cas, tandis que la Banque alimentaire d’Ottawa aidera à établir un système de distribution alimentaire.
Alors que notre ville navigue dans ces temps difficiles, cette réutilisation adaptative de l’espace représente une solution pratique, même temporaire, à des besoins humains pressants. Reste à voir si cela deviendra un modèle pour l’urbanisme futur ou demeurera une réponse à des circonstances extraordinaires, mais pour l’instant, cela offre de l’espoir à des centaines de personnes cherchant sécurité et stabilité dans notre capitale nationale.