Les syndicats des CÉGEPs montréalais protestent contre le ministre de l’Éducation et exigent sa démission

Amélie Leclerc
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Le paysage académique montréalais a connu une turbulence significative hier alors que des centaines d’enseignants et de personnel de soutien des cégeps se sont rassemblés devant les bureaux du ministre de l’Éducation du Québec, Bernard Drainville, leurs voix unifiées pour réclamer sa démission au milieu d’une frustration croissante concernant les réformes éducatives et les conditions de travail.

La manifestation, organisée par le conseil régional montréalais de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), a réuni des membres de plusieurs établissements de l’île, créant une marée de pancartes et de slogans passionnés le long du boulevard René-Lévesque au centre-ville de Montréal.

« Nous avons atteint un point de rupture, » a expliqué Marie-Claire Thériault, professeure de sciences humaines au Collège Dawson qui participait à la manifestation. « Le ministre Drainville a maintes fois échoué à aborder les vrais défis auxquels notre système collégial fait face, préférant la posture politique au dialogue constructif avec ceux d’entre nous qui sommes dans les salles de classe chaque jour. »

En cause, plusieurs politiques controversées introduites par le ministère de Drainville au cours de la dernière année, notamment des changements proposés aux normes des programmes, une surveillance administrative accrue, et ce que les représentants syndicaux décrivent comme des réponses « inadéquates » aux pénuries de personnel qui ont laissé de nombreux départements débordés.

La manifestation survient quelques semaines après que les négociations entre le gouvernement provincial et les syndicats du secteur de l’éducation aient atteint une impasse, les enseignants rejetant ce qu’ils ont qualifié d’offres insuffisantes concernant les ajustements de charge de travail et la rémunération.

« Quand on parle de réussite étudiante, il faut reconnaître qu’elle dépend d’éducateurs qui ne sont pas épuisés et surchargés, » a déclaré Jean-Philippe Vaillancourt, président de la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep (FEC-CSQ). « Ce qu’on constate, c’est un ministre qui ne saisit pas la réalité quotidienne dans nos établissements. »

Particulièrement contestée est la récente directive du ministre concernant les pratiques d’évaluation standardisées, que de nombreux éducateurs considèrent comme une atteinte à l’autonomie pédagogique qui a longtemps été une pierre angulaire du système collégial québécois.

La protestation ne s’est pas limitée aux préoccupations du corps enseignant. Le personnel de soutien, y compris les techniciens de laboratoire, les bibliothécaires et le personnel administratif, a rejoint la manifestation en solidarité, soulignant comment les politiques ministérielles affectent l’ensemble de l’écosystème éducatif.

« Quand le ministre Drainville coupe dans les ressources ou impose de nouveaux fardeaux administratifs, ce ne sont pas seulement les enseignants qui en ressentent l’impact, » a noté Sylvie Lapointe, technicienne de laboratoire au Collège de Maisonneuve depuis plus de vingt ans. « Toute l’infrastructure de soutien qui rend possible une éducation de qualité devient tendue. »

Les étudiants, bien que n’organisant pas officiellement la manifestation, ont montré leur soutien en nombre important. « Notre éducation ne concerne pas seulement les bâtiments et les livres—elle concerne les personnes qui guident notre apprentissage, » a dit Alexandre Côté, étudiant en deuxième année de sciences sociales au Collège Vanier qui a rejoint la manifestation. « Quand nos profs se battent pour de meilleures conditions, ils se battent aussi pour notre éducation. »

Le ministère de l’Éducation a répondu à la manifestation par une brève déclaration indiquant que le ministre Drainville « demeure engagé au dialogue avec tous les partenaires de l’éducation » et que « plusieurs des préoccupations exprimées sont abordées dans le cadre des négociations en cours. »

Cette réponse a immédiatement suscité les critiques des leaders syndicaux, qui l’ont qualifiée de méprisante face à la gravité de la situation. « Si le ministre valorisait vraiment le dialogue, nous ne serions pas dans la rue aujourd’hui, » a répliqué Vaillancourt. « Les paroles doivent être suivies d’actions concrètes. »

La manifestation montréalaise reflète des tensions plus larges dans le secteur de l’éducation québécoise, où les récentes réformes ont généré une controverse considérable. Le mois dernier, des manifestations similaires ont eu lieu à Québec et à Sherbrooke, suggérant un mouvement à l’échelle provinciale qui prend de l’ampleur.

La position unique de Montréal en tant que foyer de cégeps francophones et anglophones ajoute une autre dimension à la protestation. Les enseignants des deux communautés linguistiques ont exprimé des préoccupations communes concernant l’orientation de la politique éducative, créant une rare solidarité à travers les divisions traditionnelles.

Alors que la pluie commençait à tomber dans l’après-midi, les manifestants sont restés déterminés, leur résolution peut-être mieux captée par Marie-Hélène Bonin, professeure d’anglais au Collège Ahuntsic: « Nous sommes des éducateurs—la persévérance est dans notre ADN. Nous continuerons à défendre nos étudiants et notre profession jusqu’à ce qu’un changement significatif se produise. »

Reste à savoir si cette manifestation influencera la politique ministérielle, mais son message était sans équivoque: la communauté collégiale montréalaise exige d’être entendue, et la pression sur le ministre Drainville ne montre aucun signe d’apaisement.

Alors que l’année académique progresse, la relation entre le ministère de l’Éducation du Québec et les syndicats des cégeps restera probablement tendue à moins que des mesures significatives vers la réconciliation ne soient prises. Pour l’instant, l’appel à la démission du ministre reste un indicateur frappant de la profondeur du fossé qui s’est creusé.

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