Sommet sur l’insécurité alimentaire à Montréal aborde la crise

Amélie Leclerc
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La scène gastronomique vibrante de Montréal masque souvent une réalité troublante à laquelle de nombreux résidents font face quotidiennement. Hier, j’ai assisté à un rassemblement sans précédent au Grand Quai du Vieux-Port où plus de 250 organisateurs communautaires, responsables de banques alimentaires et représentants gouvernementaux se sont réunis pour le tout premier Sommet sur l’insécurité alimentaire de Montréal.

L’urgence était palpable lorsque Rémi Tremblay, directeur de Moisson Montréal, a ouvert les discussions avec des statistiques alarmantes. « Nous observons une augmentation de 33 pour cent de l’utilisation des banques alimentaires sur l’île depuis l’an dernier, » a-t-il partagé lors de notre brève conversation entre les sessions. « Cela représente près de 320 000 Montréalais qui ne savent pas d’où viendra leur prochain repas. »

Ce qui m’a le plus frappé, c’est l’évolution démographique des personnes cherchant de l’aide. Marie-Claude Paradis de la Mission Bon Accueil a souligné: « Nous servons maintenant des familles qui travaillent mais qui n’arrivent simplement pas à étirer leurs paies assez loin avec la hausse des coûts de logement et de nourriture. » Son organisation a connu une augmentation de 40 pour cent des familles avec au moins un parent employé qui demandent une aide alimentaire d’urgence.

Le sommet ne se contentait pas de mettre en lumière les problèmes. Tout au long de l’événement d’une journée, des approches innovantes ont émergé de collaborations inattendues. Le chef local Jean-Philippe Tastet a partagé son initiative en partenariat avec des épiciers pour transformer des produits invendus mais parfaitement comestibles en repas communautaires. « Le mois dernier seulement, nous avons redirigé près de quatre tonnes de nourriture qui auraient fini dans des sites d’enfouissement, » a-t-il expliqué lors d’un panel sur la réduction du gaspillage alimentaire.

La ministre québécoise de la Solidarité sociale, Chantal Rouleau, a assisté au sommet, reconnaissant la responsabilité gouvernementale tout en annonçant un investissement de 15 millions de dollars dans des programmes communautaires de sécurité alimentaire. « Cette crise nécessite une action immédiate, mais aussi des changements structurels à long terme, » a-t-elle déclaré durant son allocution.

Cependant, certains défenseurs communautaires ont exprimé leur scepticisme face aux solutions temporaires. « Les banques alimentaires n’ont jamais été conçues pour être des institutions permanentes, » a fait remarquer Sophie Grenier, organisatrice communautaire de la Coalition Faim Zéro. « Nous devons nous attaquer aux causes profondes: salaire minimum inadéquat, pénurie de logements abordables et meilleurs systèmes de soutien social. »

L’impact de l’inflation sur l’accessibilité alimentaire est devenu un thème central. Selon les données présentées par des chercheurs de l’Université McGill, les prix des épiceries à Montréal ont augmenté de près de 19 pour cent depuis 2021, alors que les revenus médians n’ont augmenté que de 6 pour cent durant la même période.

Le résultat le plus prometteur a peut-être été le lancement du Réseau de sécurité alimentaire de Montréal, une nouvelle plateforme collaborative permettant aux organisations de partager des ressources, coordonner leurs efforts et amplifier leur impact collectif. « Nous avons fonctionné en silos pendant trop longtemps, » a expliqué Pierre Moreau, coordinateur du réseau. « Cette plateforme nous aidera à travailler plus intelligemment ensemble. »

À la fin du sommet, les participants se sont divisés en groupes de travail concentrés sur des défis spécifiques – de la lutte contre les déserts alimentaires dans des quartiers comme Montréal-Nord à l’expansion des initiatives d’agriculture urbaine à travers l’île.

En retournant à mon bureau à travers le Marché Jean-Talon après l’événement, je n’ai pu m’empêcher de remarquer le contraste frappant entre l’abondance des étalages alimentaires et la réalité discutée quelques heures plus tôt. Les couleurs vibrantes et les arômes du marché – normalement une source d’inspiration pour mes reportages culturels – portaient maintenant une signification plus complexe.

Le sommet représente une première étape importante, mais le véritable défi réside dans la transformation des conversations d’hier en actions concrètes. Pour les centaines de milliers de Montréalais vivant l’insécurité alimentaire, les solutions ne peuvent pas arriver assez vite.

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