Sommet 2024 sur l’insécurité alimentaire à Montréal : réponse à une demande record

Amélie Leclerc
7 Min Read

La dure réalité de l’insécurité alimentaire à Montréal a atteint des niveaux sans précédent, les banques alimentaires locales servant maintenant plus de 700 000 enfants mensuellement dans toute la région métropolitaine. Cette statistique inquiétante a occupé le devant de la scène lors du Sommet sur l’insécurité alimentaire de Montréal 2024 d’hier, où j’ai vu des leaders communautaires, des politiciens et des défenseurs se réunir au Palais des congrès pour aborder ce que beaucoup appellent une « urgence silencieuse ».

« Nous n’avons jamais vu des chiffres comme ceux-ci », m’a expliqué Marie-Claude Thibault, directrice générale de Moisson Montréal, alors que nous discutions de la crise entre les séances. « Il y a cinq ans, les enfants représentaient environ 30 % des personnes que nous servions. Aujourd’hui, ce chiffre approche les 40 %, et la tendance ne montre aucun signe de renversement. »

Le sommet, organisé par la Coalition montréalaise pour la sécurité alimentaire, a réuni plus de 300 intervenants pour développer des stratégies concrètes de lutte contre la faim dans notre ville. Ce qui m’a le plus frappé, c’était la diversité des participants – des organisateurs communautaires de base aux cadres d’entreprises, tous unis par l’urgence.

La mairesse Valérie Plante a ouvert les débats avec une évaluation sobre. « L’insécurité alimentaire touche tous les arrondissements de notre ville, mais pas de façon égale », a-t-elle noté. « Nous devons reconnaître que certains quartiers font face à des défis disproportionnés, particulièrement Montréal-Nord, Parc-Extension et certaines parties d’Hochelaga-Maisonneuve. »

Les données présentées par la Direction de santé publique de Montréal ont révélé qu’environ 15,3 % des ménages montréalais connaissent actuellement une forme d’insécurité alimentaire – un chiffre qui n’a cessé d’augmenter depuis 2019. La Dre Mylène Drouin, directrice de la santé publique de Montréal, a souligné comment cette crise affecte bien plus que la simple faim.

« L’insécurité alimentaire est directement liée à des résultats de santé plus médiocres, à des coûts de soins de santé accrus et à une réussite scolaire diminuée », a expliqué la Dre Drouin. « Quand les enfants n’ont pas un accès fiable à une alimentation nutritive, les effets se répercutent sur tous les aspects de leur développement. »

Le sommet a présenté un panel particulièrement émouvant de membres de la communauté qui ont partagé leurs expériences personnelles avec l’insécurité alimentaire. Fatima Bensouda, une mère monoparentale de Côte-des-Neiges, a décrit comment l’inflation a transformé sa relation avec la nourriture.

« Avant, faire l’épicerie était une routine. Maintenant, c’est mathématique – calculer chaque dollar, décider quels repas sauter », a partagé Bensouda. « Mes enfants remarquent quand je ne mange pas avec eux. C’est la réalité que vivent de nombreux parents. »

Les solutions proposées pendant le sommet allaient des interventions immédiates aux changements systémiques à long terme. Jean-François Archambault, fondateur de La Tablée des Chefs, a présenté leur programme élargi de récupération alimentaire, qui redirige maintenant les surplus alimentaires des restaurants et des hôtels vers des organismes communautaires.

« L’année dernière seulement, nous avons récupéré assez de nourriture pour plus de 2 millions de repas à travers le Québec, dont près de la moitié distribuée à Montréal », a noté Archambault. « Mais la récupération seule n’est pas suffisante – nous devons nous attaquer aux causes profondes. »

En effet, les discussions sont fréquemment revenues aux facteurs sous-jacents : l’abordabilité du logement, l’adéquation du salaire minimum et l’impact de l’inflation sur les prix des aliments. Les données de Statistique Canada présentées ont montré que les prix des aliments à Montréal ont augmenté d’environ 23 % depuis 2019, alors que les salaires moyens n’ont augmenté que d’environ 13 % durant la même période.

Le gouvernement du Québec, représenté par la ministre de la Solidarité sociale Chantal Rouleau, a annoncé une enveloppe de financement d’urgence de 15 millions de dollars pour soutenir les initiatives de sécurité alimentaire à travers la province. Cependant, les organismes communautaires ont exprimé leur inquiétude que cela ne représente qu’un pansement temporaire sur une plaie qui s’aggrave.

« L’aide alimentaire d’urgence n’a jamais été conçue pour être une solution permanente », a fait remarquer Pierre Morissette, directeur de l’AQDR-Montréal (Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées). « Pourtant, nous voyons des aînés qui dépendent des banques alimentaires depuis des années maintenant, sans voie vers l’autonomie. »

Le sommet s’est conclu par l’annonce d’une nouvelle initiative collaborative : le Réseau d’action pour la sécurité alimentaire de Montréal, qui coordonnera les efforts entre les agences gouvernementales, les partenaires du secteur privé et les organismes communautaires pour mettre en œuvre une stratégie quinquennale de lutte contre la faim dans notre ville.

En traversant le Marché Jean-Talon ce matin, je ne pouvais m’empêcher de voir l’abondance différemment – les produits colorés, les fromages artisanaux et le pain fraîchement cuit contrastant fortement avec les discussions d’hier. Pour trop de Montréalais, ces plaisirs quotidiens restent des luxes inaccessibles.

En tant que personne qui couvre le paysage culturel et social de Montréal depuis des années, j’ai observé comment l’insécurité alimentaire reste souvent cachée derrière des portes closes, une lutte privée que de nombreuses familles endurent silencieusement. Le sommet a réussi à mettre ces expériences en lumière, nous mettant tous au défi de reconnaître la faim non pas comme un échec individuel mais comme une responsabilité collective.

La véritable mesure du succès de ce sommet sera finalement de savoir si les statistiques préoccupantes présentées hier commenceront à évoluer dans la direction opposée. Pour les 700 000 enfants qui dépendent actuellement de l’aide alimentaire dans notre région, ce changement ne peut pas venir assez tôt.

Partager cet article
Laisser un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *