Titre : Révocation de la taxe sur les services numériques à Ottawa dans le changement de budget fédéral

Sara Thompson
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Le projet de loi budgétaire le plus récent du gouvernement fédéral marque la fin officielle de la controversée Taxe sur les Services Numériques (TSN) d’Ottawa, un geste qui signale un changement important dans l’approche canadienne concernant l’imposition des géants technologiques. L’abrogation, enfouie dans les profondeurs du projet de loi omnibus de 739 pages déposé hier, abandonne effectivement ce qui était autrefois vanté comme un outil de revenus essentiel visant à équilibrer les règles du jeu entre les sociétés numériques étrangères et les entreprises canadiennes.

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a défendu cette décision lors d’une conférence de presse au Théâtre national de la presse, la qualifiant de « compromis nécessaire » reflétant les nouvelles réalités économiques. « Bien que nous demeurions engagés envers une imposition équitable, le paysage international a considérablement changé depuis que la TSN a été proposée pour la première fois, » a déclaré Freeland.

La Taxe sur les Services Numériques, initialement annoncée en 2019, aurait imposé une taxe de 3% sur les revenus générés par les grandes entreprises technologiques provenant des utilisateurs canadiens. La taxe ciblait des géants numériques comme Google, Facebook et Amazon, qui ont longtemps été critiqués pour leur capacité à tirer des profits substantiels des consommateurs canadiens tout en payant un minimum d’impôts sur les sociétés.

Marie Leblanc, résidente d’Ottawa et propriétaire d’une petite entreprise, a exprimé sa frustration face au revirement du gouvernement. « Ces grandes entreprises technologiques font des milliards grâce aux Canadiens pendant que nos entreprises locales luttent pour rester compétitives. Maintenant, elles obtiennent un autre laissez-passer gratuit, » m’a-t-elle confié lors d’un forum communautaire au Centre-ville hier.

Cette décision fait suite à un lobbying intense des représentants de l’industrie technologique et des responsables commerciaux américains. Le bureau du représentant américain au commerce avait précédemment menacé d’imposer des tarifs de représailles si le Canada mettait en œuvre la taxe unilatéralement, arguant qu’elle ciblait injustement les entreprises américaines.

Le professeur Michael Richardson de l’École de politique publique et d’administration de l’Université Carleton considère cette décision comme politiquement pragmatique mais potentiellement problématique. « Cela représente une opportunité de revenus significative abandonnée à un moment où les finances fédérales sont déjà sous pression, » a expliqué Richardson. « Le défi maintenant devient de trouver des moyens alternatifs pour assurer que ces sociétés contribuent équitablement à l’assiette fiscale canadienne. »

Le Directeur parlementaire du budget avait estimé que la TSN générerait environ 4,2 milliards de dollars en revenus sur cinq ans. Le document budgétaire indique que ces fonds projetés seront désormais compensés par des « mesures de revenus alternatives » sans préciser les détails.

Le critique des finances du NPD, Daniel Blaikie, a critiqué l’approche du gouvernement pendant la période des questions. « Une fois de plus, ce gouvernement a choisi les intérêts des entreprises plutôt que ceux des contribuables canadiens, » a déclaré Blaikie. « Ils ont permis à de puissants lobbyistes de dicter la politique fiscale canadienne. »

L’abrogation aligne le Canada plus étroitement avec un nouveau cadre global d’imposition minimale élaboré par l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE). Ce cadre vise à garantir que les sociétés multinationales paient au moins 15% d’impôts dans les pays où elles opèrent, indépendamment de leur présence physique.

Cependant, Alison Drake, experte en politique fiscale de la Fondation canadienne de fiscalité, a exprimé son scepticisme quant à l’approche de l’OCDE. « Bien que l’impôt minimum global représente un progrès, il reste incertain s’il capturera la valeur complète que ces entreprises numériques extraient du marché canadien, » a déclaré Drake lors d’une entrevue téléphonique.

La législation budgétaire comprend également des dispositions ordonnant à l’Agence du revenu du Canada de développer des mécanismes de surveillance améliorés pour les transactions numériques, suggérant que le gouvernement pourrait poursuivre des approches alternatives à l’imposition de l’économie numérique à l’avenir.

Pendant ce temps, à Pré Tunney hier, un groupe de représentants du secteur technologique célébrait la nouvelle. « Cette décision reconnaît la complexité de l’économie numérique et permet une approche plus nuancée de l’imposition, » a déclaré Jennifer Harris, porte-parole du Conseil canadien d’innovation numérique.

Pour le secteur technologique d’Ottawa, qui a connu une croissance constante ces dernières années, les réactions étaient mitigées. « Nous soutenons une imposition équitable mais reconnaissons également que l’incertitude réglementaire peut freiner l’investissement, » a noté Alex Morgan, PDG de DataSync, une startup de logiciels basée à Ottawa, lors d’une table ronde de l’industrie à Bayview Yards.

Le débat reflète des tensions plus larges sur la façon dont les gouvernements du monde entier luttent pour adapter les cadres fiscaux traditionnels à l’économie numérique de plus en plus sans frontières. Avec l’abandon officiel de la TSN, l’approche du Canada pivote maintenant vers la coopération internationale plutôt que l’action unilatérale.

Alors que le Parlement commence à débattre de la législation budgétaire la semaine prochaine, l’abrogation de la TSN risque de faire l’objet d’un examen continu de la part des partis d’opposition et des groupes de défense préoccupés par l’équité fiscale. La question de savoir si les approches alternatives captureront efficacement les revenus des géants numériques reste une question ouverte qui façonnera le paysage fiscal d’Ottawa pour les années à venir.

Le changement affecte particulièrement les municipalités comme Ottawa qui ont vu le commerce de détail local lutter contre la concurrence numérique. La conseillère municipale Catherine McKenney a souligné cette préoccupation: « Quand les grandes entreprises ne contribuent pas équitablement, cela affecte ultimement notre capacité à financer des services locaux essentiels. »

Alors que l’hiver s’installe sur la capitale, le débat sur la TSN peut avoir officiellement pris fin, mais les questions plus larges concernant l’imposition de l’économie numérique et la contribution des entreprises aux finances publiques restent très présentes dans la conversation politique d’Ottawa.

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