Alors que la poussière retombe sur la récente annonce choc de TikTok Canada, le paysage culturel de Toronto fait face à une perturbation majeure. Le géant des médias sociaux a confirmé hier qu’il mettait fin à tous ses partenariats artistiques canadiens—incluant ses collaborations de longue date avec le Festival international du film de Toronto (TIFF) et les Prix Juno—à l’approche de sa fermeture planifiée.
En parcourant la rue King hier, où les salles du TIFF s’animeront bientôt, l’impact de cette décision était palpable. Les organisateurs du festival semblaient visiblement préoccupés devant le TIFF Bell Lightbox, où des réunions d’urgence se tiendraient en continu depuis l’annonce.
« Cela représente un manque à gagner considérable alors que le festival débute dans à peine deux mois, » a révélé Sarah Martinez, coordinatrice des commandites du TIFF, lors d’une entrevue impromptue sur le trottoir. « TikTok a joué un rôle crucial pour connecter notre programmation avec les jeunes publics depuis 2021. »
Le départ imminent de la plateforme découle de la Loi sur les nouvelles en ligne, qui oblige les plateformes numériques à rémunérer les éditeurs canadiens pour le contenu partagé sur leurs sites. Plutôt que de s’y conformer, TikTok a annoncé en juin qu’elle cesserait ses activités canadiennes d’ici le 31 octobre.
Les experts du secteur estiment la commandite de TikTok au TIFF à environ 750 000 $ par an, bien que les chiffres officiels demeurent confidentiels. Ce partenariat était devenu de plus en plus visible ces dernières années, avec l’expérience tapis rouge estampillée TikTok attirant l’attention des festivaliers et créant un précieux élan sur les réseaux sociaux.
L’Académie canadienne des arts et des sciences de l’enregistrement fait face à des défis similaires avec ses Prix Juno, où TikTok jouait un rôle essentiel dans les stratégies d’engagement du public.
« Les plateformes numériques sont devenues indispensables pour connecter les artistes émergents avec de nouveaux publics, » a expliqué Jacqueline Thomas, spécialiste du marketing numérique chez Coalition Music à Toronto. « Ce retrait crée un vide important dans la façon dont nous mettons en valeur le talent canadien pendant la saison des récompenses. »
Hier après-midi, à Dundas Square, j’ai observé plusieurs créateurs TikTok filmant du contenu pour promouvoir les prochains événements du TIFF—beaucoup ignorant que leur plateforme disparaîtrait bientôt du paysage numérique canadien.
Le Conseil des arts de l’Ontario rapporte que les commandites d’entreprises représentent environ 22 % du financement des grands festivals artistiques dans la province. Ce retrait signale potentiellement une vulnérabilité plus large dans l’écosystème de financement des événements culturels.
« Nous voyons déjà plusieurs organisations torontoises qui s’empressent de trouver des commanditaires de remplacement, » a noté William Chen, analyste principal au Développement économique de Toronto. « Le défi est de trouver des partenaires qui peuvent égaler à la fois la contribution financière et l’engagement crucial auprès des jeunes que TikTok fournissait. »
L’industrie cinématographique de Toronto a contribué à plus de 2,5 milliards de dollars à l’économie locale en 2023, selon les données municipales, le TIFF en étant la pièce maîtresse annuelle. Le festival attire typiquement plus de 480 000 participants et génère environ 200 millions de dollars d’activité économique.
Dans son communiqué, TikTok a souligné que bien que la plateforme « valorise profondément les communautés créatives du Canada », l’entreprise « ne peut poursuivre ses activités commerciales, y compris les commandites, face à l’incertitude réglementaire. »
Le timing ne pourrait être pire pour le TIFF, qui célèbre son 50e anniversaire en septembre. Les représentants du festival ont refusé de fournir des détails sur leurs plans d’urgence, mais ont assuré que la programmation ne serait pas affectée.
En retournant à mon bureau à travers le Quartier des spectacles, je n’ai pu m’empêcher de remarquer l’ironie des panneaux publicitaires TikTok encore bien visibles—des publicités pour une plateforme qui va bientôt disparaître de notre écosystème numérique.
Pour la communauté culturelle torontoise, ce développement soulève de sérieuses questions sur les modèles de financement durables dans un paysage numérique de plus en plus fragmenté. Plusieurs leaders du secteur ont appelé à une intervention gouvernementale pour prévenir des perturbations similaires à l’avenir.
« Nous avons besoin de cadres politiques plus clairs qui soutiennent à la fois les créateurs de contenu canadiens et les plateformes qui les amplifient, » a argumenté Priya Sharma, directrice de Digital First, un groupe de défense des médias basé à Toronto. « Cette situation met en lumière l’équilibre précaire entre réglementation et innovation. »
À l’approche de la célébration du 50e anniversaire du TIFF, le festival fait face à un défi inattendu : remplacer non seulement les dollars de commandite, mais aussi le canal d’engagement numérique que TikTok fournissait. Pour une ville fière de ses institutions culturelles, le compte à rebours est lancé pour trouver des solutions avant que les tapis rouges ne soient déroulés en septembre.