Alors qu’Ottawa se prépare à accueillir la très attendue table ronde fédérale-autochtone de la semaine prochaine avec le nouveau ministre des Finances Mark Carney, les dirigeants autochtones de tout le pays ont reçu l’instruction de soumettre leurs questions à l’avance—une démarche procédurale qui suscite des réactions mitigées parmi les représentants des Premières Nations.
La rencontre, prévue pour le 18 juillet au Centre Shaw, marque le premier engagement majeur de Carney avec les leaders autochtones depuis sa prise de fonction le mois dernier. Selon des documents obtenus par LCN, le gouvernement fédéral a demandé à tous les chefs participants de fournir leurs questions avant la date limite de demain pour « assurer un dialogue productif et une bonne gestion du temps« .
La cheffe Melanie Gladstone de la Nation Kanien’kehá:ka a qualifié cette exigence de soumission préalable de « préoccupante mais pas surprenante » lors de notre conversation d’hier. « Nous avons déjà vu ce scénario. Cela donne l’impression d’une consultation tout en permettant aux fonctionnaires d’élaborer des réponses soigneusement préparées plutôt que de s’engager dans un véritable dialogue, » a-t-elle expliqué en examinant les documents d’information dans son bureau près de la Colline du Parlement.
L’ordre du jour de la réunion, partagé avec les participants la semaine dernière, met fortement l’accent sur les partenariats économiques, le développement des ressources et ce que le gouvernement appelle les « cadres de prospérité mutuelle ». Carney, dont la nomination a suscité une attention considérable compte tenu de son expérience dans la finance internationale, s’est publiquement engagé à « réinitialiser les relations » avec les communautés autochtones.
Un porte-parole de Services aux Autochtones Canada a défendu le processus de soumission des questions comme une « pratique standard pour les réunions ministérielles de haut niveau » et a souligné que « les discussions spontanées seront toujours les bienvenues ». Cependant, ils ont confirmé que les questions soumises à l’avance recevraient la priorité pendant la session limitée à quatre heures.
Pour le chef William Constant de la Nation crie de Fisher River, qui voyagera depuis le Manitoba pour y assister, le format reflète des frustrations persistantes. « Ils veulent nos questions à l’avance, mais nous n’avons toujours pas reçu d’informations détaillées sur leurs nouveaux modèles de partenariat économique, » m’a-t-il confié lors de notre conversation téléphonique. « Il est difficile de formuler des questions pertinentes lorsque nous travaillons avec des informations incomplètes. »
La réunion arrive à un moment crucial. Statistique Canada a récemment rapporté que le chômage dans les communautés autochtones reste environ 2,7 fois plus élevé que la moyenne nationale, tandis que les déficits d’infrastructure dans de nombreuses réserves continuent de s’aggraver. Parallèlement, plusieurs grands projets de développement des ressources d’une valeur collective de plus de 40 milliards de dollars attendent des décisions réglementaires qui nécessitent une consultation significative des Autochtones.
Le bureau de Carney a publié hier une déclaration indiquant que le ministre des Finances « se réjouit d’entendre directement les leaders autochtones sur leurs priorités et défis économiques ». La déclaration ajoutait que cette réunion initiale « jetterait les bases d’un nouveau cadre de réconciliation économique » à développer au cours des prochains mois.
La secrétaire parlementaire aux Relations autochtones, la députée Julie Desjardins, a défendu le format lors d’une rencontre avec des journalistes sur la Colline du Parlement mardi. « Le ministre Carney s’engage à un dialogue respectueux et productif. Les questions préalables nous aident à aborder les préoccupations les plus pressantes dans notre temps limité, » a-t-elle expliqué.
J’ai visité le Centre Shaw hier, où le personnel préparait déjà la Grande Salle de bal pour cette réunion de haut profil. Les mesures de sécurité sont renforcées, avec du personnel supplémentaire de la GRC visible autour du périmètre lors de ma visite.
Tous les leaders autochtones ne voient pas le format négativement. La Grande Cheffe Martha Snowbird m’a dit qu’elle apprécie l’approche structurée. « Cela oblige les deux parties à venir préparées. J’ai soumis des questions sur les lacunes de financement d’infrastructure de notre communauté et j’attends des réponses claires, » a-t-elle déclaré lors de notre rencontre à son hôtel d’Ottawa.
Ce qui reste flou, c’est en quoi la vision économique de Carney diffère des approches gouvernementales précédentes. Ses récents discours ont mis l’accent sur la « croissance inclusive » et le « développement durable », mais des changements de politique spécifiques n’ont pas encore été articulés.
Pour contextualiser, la dernière réunion similaire en 2023 s’est terminée avec des résultats mitigés. Plusieurs chefs ont quitté la salle en signe de protestation contre ce qu’ils ont décrit comme des « résultats prédéterminés », tandis que d’autres ont signé des protocoles d’entente pour des initiatives de développement économique.
Le centre-ville d’Ottawa connaîtra probablement une activité accrue la semaine prochaine, plusieurs organisations autochtones prévoyant des séances d’information et des événements culturels parallèlement à la réunion officielle. L’Assemblée des Premières Nations a annoncé un sommet économique concurrent à l’hôtel Westin tout proche, créant ce que la cheffe Gladstone décrit comme « des conversations parallèles sur notre avenir économique ».
Alors que les préparatifs se poursuivent, une chose est certaine : la relation entre le gouvernement fédéral et les communautés autochtones continue d’évoluer, la réconciliation économique prenant de plus en plus le devant de la scène dans la conversation nationale sur l’avenir du Canada.