Lors d’un débat animé à l’hôtel de ville hier, les conseillers municipaux se sont affrontés au sujet d’un projet de règlement controversé qui créerait des zones tampons autour de certains établissements pour restreindre les activités de manifestation. Cette mesure, surnommée officieusement le « règlement bulle » par certains critiques, a divisé les membres du conseil selon des lignes idéologiques tout en soulevant d’importantes questions sur la liberté d’expression par rapport à la sécurité publique.
Le règlement proposé établirait des zones d’exclusion de 50 mètres autour des hôpitaux, cliniques de santé, écoles, bibliothèques et garderies, interdisant les manifestations susceptibles d’intimider ou de harceler les personnes accédant à ces services. Le maire Mark Sutcliffe a exprimé son soutien à cette mesure lors de la réunion du comité d’hier.
« Nous devons trouver un équilibre entre le droit de manifester et la garantie que les résidents vulnérables puissent accéder aux services essentiels sans faire face à l’intimidation », a déclaré Sutcliffe. « Il ne s’agit pas de limiter la liberté d’expression mais de créer un accès sécuritaire aux installations critiques. »
Cependant, plusieurs conseillers ont exprimé une forte opposition à la proposition. Le conseiller Shawn Menard l’a qualifiée d’« abus législatif » et s’est demandé si les lois existantes n’étaient pas déjà suffisantes pour faire face aux comportements problématiques.
« Nous avons déjà des lois contre le harcèlement et l’intimidation. Ceci ajoute une autre couche qui pourrait potentiellement criminaliser l’expression démocratique légitime », a soutenu Menard lors du débat de trois heures au Comité des services communautaires.
La proposition découle de préoccupations croissantes concernant les manifestations ciblant les établissements de santé pendant la pandémie et les manifestations plus récentes devant les écoles concernant les politiques d’identité de genre. Selon les données présentées par le personnel municipal, la Police d’Ottawa a reçu 47 appels liés à des manifestations dans ces établissements au cours de la seule année écoulée.
Dr Elizabeth Richardson, médecin-chef à l’Hôpital d’Ottawa, a témoigné en faveur de cette mesure. « Les travailleurs de la santé et les patients ont signalé se sentir menacés lorsqu’ils doivent traverser des lignes de manifestation. Certains patients ont même retardé leurs soins », a-t-elle déclaré au comité.
Des experts en libertés civiles ont soulevé des signaux d’alarme concernant la constitutionnalité du règlement. Cara Zwibel de l’Association canadienne des libertés civiles a participé virtuellement pour mettre en garde les membres du conseil contre d’éventuelles contestations en vertu de la Charte.
« Bien que l’objectif de protéger les personnes vulnérables soit louable, des restrictions aussi larges risquent de porter atteinte aux droits constitutionnellement protégés à la réunion pacifique et à l’expression », a déclaré Zwibel. « Les tribunaux ont généralement exigé des preuves que des mesures moins restrictives ont d’abord été envisagées. »
Le projet de règlement s’inspire d’une législation similaire en Colombie-Britannique et de la « Loi sur l’accès sécuritaire aux services d’avortement » de l’Ontario, qui a établi des zones tampons autour des cliniques d’avortement. Cependant, la proposition d’Ottawa étend ce concept à un éventail beaucoup plus large d’installations.
La conseillère Catherine McKenney, qui a initialement présenté la motion l’automne dernier, a défendu cette approche. « Ce n’est pas sans précédent. D’autres juridictions ont mis en œuvre des protections similaires, et elles ont résisté aux contestations juridiques lorsqu’elles étaient étroitement conçues avec des objectifs clairs de sécurité publique. »
Plusieurs résidents ont partagé leurs expériences personnelles pendant la période de commentaires publics. Sarah Khalil, parent d’un enfant à l’école élémentaire Centretown, a décrit s’être sentie menacée en amenant sa fille à l’école lors de récentes manifestations.
« Ma fille de six ans ne devrait pas avoir à traverser un parcours d’adultes qui crient avec des pancartes graphiques juste pour se rendre dans sa classe », a déclaré Khalil. « Il y a une différence entre la libre expression et l’intimidation ciblée. »
Du côté opposé, Greg Thompson, représentant une coalition de groupes de défense communautaire, a mis en garde contre les conséquences involontaires. « Aujourd’hui, ce sont peut-être des manifestations avec lesquelles vous êtes en désaccord qui sont restreintes, mais demain, ce pourrait être des causes que vous soutenez », a-t-il averti.
Le service juridique de la ville a reconnu que le règlement ferait probablement face à des contestations judiciaires s’il était adopté, mais a maintenu qu’il pourrait être défendu s’il était correctement mis en œuvre. Me David White, avocat de la ville, a souligné que l’application se concentrerait sur le comportement plutôt que sur le contenu du discours.
« Le règlement n’interdit pas l’expression d’un point de vue particulier », a expliqué White. « Il restreint les endroits où certaines activités peuvent avoir lieu, similaire aux règlements sur le bruit ou le zonage. »
Le conseil municipal au complet devrait voter sur cette mesure le mois prochain, la plupart des observateurs prédisant une décision serrée. Entre-temps, partisans et opposants ont lancé des campagnes populaires pour influencer les conseillers indécis.
Couvrant la politique municipale depuis près d’une décennie maintenant, j’ai rarement vu des questions générer ce niveau de débat passionné. Le résultat établira probablement un précédent important sur la façon dont Ottawa équilibre les libertés fondamentales avec les préoccupations de sécurité communautaire dans les espaces publics.
La question de savoir si cela représente une protection raisonnable des personnes vulnérables ou un abus de pouvoir gouvernemental sera finalement décidée non seulement par un vote du conseil, mais potentiellement par des contestations judiciaires ultérieures qui pourraient remodeler le paysage des droits de manifestation à travers le pays.