Les couloirs de l’École de musique Schulich de l’Université McGill sont tombés dans un silence inhabituel cette semaine alors que la nouvelle de la suspension indéfinie du programme de Baccalauréat en éducation musicale s’est répandue. Cette décision, annoncée dans le cadre de mesures plus larges de réduction budgétaire, a provoqué une onde de choc dans la communauté culturelle dynamique de Montréal.
« C’est comme retirer un instrument essentiel d’un orchestre, » réfléchit Marie-Claude Deschamps, une ancienne diplômée qui enseigne maintenant la musique à l’École Joseph-François-Perrault. « Ce programme forme les meilleurs éducateurs musicaux du Québec depuis des générations. »
La suspension survient au milieu d’une série de réductions du financement provincial aux universités québécoises, McGill faisant face à des décisions financières particulièrement difficiles. L’administration universitaire a cité un déficit budgétaire de 13 millions de dollars comme nécessitant plusieurs évaluations de programmes dans différents départements.
En traversant le bâtiment Schulich hier après-midi, j’ai rencontré de petits groupes d’étudiants réunis en conversation chuchotée. Beaucoup ont exprimé non seulement leur déception mais aussi une véritable inquiétude pour l’avenir de l’éducation musicale au Québec.
« Nous n’apprenons pas seulement à enseigner des gammes et des rythmes, » explique Thomas Bergeron, un étudiant de troisième année qui fera partie de la dernière cohorte à compléter le programme. « Nous apprenons à inspirer la prochaine génération de musiciens et d’amateurs de musique. Cette perte se fera sentir dans les classes du primaire et du secondaire à travers la province pendant des années. »
L’approche distinctive du programme combinait une formation musicale rigoureuse avec des techniques pédagogiques spécialisées. Les étudiants recevaient une instruction complète dans les méthodologies d’enseignement classiques et contemporaines tout en maintenant des normes de performance élevées.
Dr. Eleanor Richards, directrice de l’éducation musicale à McGill, m’a parlé de la position unique du programme dans le paysage culturel québécois. « Nos diplômés n’enseignent pas seulement la musique—ils préservent notre patrimoine musical tout en favorisant l’innovation. Beaucoup deviennent des ambassadeurs culturels de Montréal et du Québec sur la scène mondiale. »
L’École de musique Schulich est depuis longtemps considérée comme l’une des principales institutions musicales d’Amérique du Nord. Son programme d’éducation préparait spécifiquement les étudiants à l’environnement éducatif unique du Québec, incluant une formation spécialisée pour les contextes d’immersion française.
La réponse communautaire a été rapide et vocale. L’Association des éducateurs de musique du Québec a lancé une pétition qui a recueilli plus de 3 000 signatures en seulement 48 heures. Plusieurs musiciens montréalais de renom, y compris des membres de l’Orchestre symphonique de Montréal, ont exprimé leur soutien public pour le rétablissement du programme.
« Ce n’est pas simplement une question académique, » note Jean-Michel Lapointe, président de l’Association des professeurs de musique du Québec. « L’éducation musicale façonne l’identité culturelle, assure le développement cognitif essentiel des enfants et maintient les riches traditions musicales du Québec. »
Lors du rassemblement impromptu d’hier soir au Café Santropol—un repaire de longue date pour les étudiants en musique de McGill—j’ai observé quelque chose de remarquable. Malgré leur inquiétude, les étudiants se sont organisés pour créer un groupe de défense visant à démontrer la valeur du programme aux administrateurs universitaires et aux responsables provinciaux.
Les réalités financières auxquelles font face les universités québécoises sont indéniablement difficiles. Le porte-parole du ministère de l’Éducation, Claude St-Pierre, a confirmé que les universités de toute la province sont invitées à identifier « des programmes à faible inscription ou à faibles résultats d’emploi » pour une restructuration potentielle.
Cependant, les défenseurs soulignent des recherches montrant que les diplômés en éducation musicale ont des taux d’emploi constamment élevés au Québec, près de 87% trouvant des postes dans leur domaine dans les six mois suivant l’obtention de leur diplôme.
« Cette suspension semble à courte vue, » dit la professeure émérite Denise Lupien, qui a enseigné dans le programme pendant plus de deux décennies. « L’éducation musicale n’est pas un luxe—elle est fondamentale pour notre système éducatif et notre identité culturelle. »
L’impact s’étend au-delà du campus de McGill. Les écoles locales qui accueillaient traditionnellement des stagiaires du programme font maintenant face à l’incertitude concernant cette ressource précieuse. Le directeur d’école primaire Robert Lecavalier de NDG a exprimé son inquiétude: « Ces stagiaires apportent une énergie fraîche et des méthodes d’enseignement contemporaines à nos cours de musique. Nos élèves bénéficient énormément de leur présence. »
En quittant le bâtiment Schulich hier, un petit ensemble s’exerçait dans l’une des salles—un rappel poignant de ce qui est en jeu. La musique flottait dans le couloir, une bande sonore douce-amère de cette situation en développement.
L’administration a indiqué que les étudiants actuels pourront terminer leurs diplômes, mais aucune nouvelle admission ne sera traitée. Les représentants de McGill ont déclaré que la suspension du programme sera réexaminée dans trois ans, bien que beaucoup craignent que les suspensions temporaires ne deviennent souvent permanentes.
Dans une ville dont l’identité est profondément liée à son patrimoine musical—du festival de jazz de renommée internationale à sa scène classique dynamique—la perte d’éducateurs musicaux dévoués représente plus qu’un simple remaniement académique. Cela touche au cœur même de l’avenir culturel de Montréal.
Pour l’instant, la musique continue, mais beaucoup se demandent qui enseignera à la prochaine génération à jouer.