Profilage Racial par la Police de Montréal: Incident d’AVC Confondu avec Conduite en État d’Ivrese

Amélie Leclerc
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Un incident troublant impliquant la police de Montréal a ravivé les préoccupations concernant le profilage racial après que des agents ont confondu une urgence médicale avec un cas de conduite avec facultés affaiblies. Mardi dernier en soirée, Marie-Claude Bourgault, une femme noire de 58 ans et travailleuse respectée dans le domaine de la santé communautaire, présentait des symptômes d’AVC alors qu’elle rentrait chez elle après son quart de travail lorsque la police l’a interceptée près de l’avenue du Parc.

Selon les témoins et les membres de sa famille, Bourgault montrait des signes évidents d’une urgence médicale – discours confus, affaissement facial et désorientation – symptômes que les policiers ont erronément attribués à l’intoxication. Plutôt que d’appeler immédiatement une assistance médicale, les agents ont procédé à un test de sobriété que Bourgault a naturellement échoué en raison de son état.

« Ils n’arrêtaient pas de lui demander si elle avait bu, ignorant ses tentatives d’expliquer que quelque chose n’allait pas, » a déclaré Jean-Philippe Bourgault, son fils qui est arrivé sur les lieux après avoir reçu un appel inquiétant de sa mère quelques instants avant qu’elle ne soit arrêtée. « Il a fallu près de 45 minutes avant que quelqu’un appelle enfin une ambulance. »

Les professionnels de la santé de l’Hôpital Général de Montréal ont confirmé que Bourgault souffrait d’un AVC ischémique, pour lequel un traitement rapide est crucial. Dr Emmanuelle Tremblay, neurologue à l’hôpital, sans commenter spécifiquement ce cas, a souligné que « les 60 à 90 premières minutes suivant les symptômes d’AVC sont critiques pour une intervention efficace et pour prévenir des dommages permanents. »

Cet incident s’inscrit dans une tendance inquiétante documentée dans une récente étude indépendante commandée par la Ville de Montréal, qui a révélé que les citoyens noirs étaient 4,2 fois plus susceptibles d’être interpellés par la police que les résidents blancs. Le rapport, publié par des chercheurs du Centre de recherche sur les relations raciales de l’Université McGill, a examiné plus de 12 000 interventions policières entre 2019 et 2022.

Fo Niemi, directeur exécutif du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), a exprimé sa frustration face à ce problème persistant. « Nous avons vu promesse après promesse de meilleure formation et sensibilisation, pourtant ces incidents persistent. Quand des urgences médicales sont criminalisées sur la base de préjugés raciaux, nous sommes face à un échec systémique qui peut littéralement coûter des vies. »

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a publié une brève déclaration reconnaissant qu’une enquête a été lancée. « Nous prenons au sérieux toutes les allégations de partialité et nous examinons la conduite des agents dans cet incident, » a déclaré la lieutenante Sandrine Lamarche, porte-parole du SPVM. « Nos agents reçoivent une formation pour reconnaître les urgences médicales, et nous examinons pourquoi les protocoles n’ont pas été suivis dans ce cas. »

La mairesse Valérie Plante a abordé l’incident lors de la conférence de presse d’hier, le qualifiant de « profondément préoccupant » et promettant un examen approfondi. « Chaque Montréalais mérite d’être traité avec dignité et équité par notre service de police. Quand cela ne se produit pas, nous avons besoin de responsabilité et de changements concrets. »

Bourgault se remet actuellement chez elle après trois jours d’hospitalisation. Sa famille a déposé une plainte officielle auprès du Commissaire à la déontologie policière du Québec et envisage d’autres actions juridiques.

Les défenseurs de la santé communautaire soulignent que ce cas met en évidence l’intersectionnalité des inégalités raciales et sanitaires. « Les Montréalais noirs font face à un double fardeau, » explique Dr Marlène Jean-Baptiste de l’Association médicale québécoise des personnes noires. « Non seulement il existe des disparités documentées dans les résultats de soins de santé, mais le stress supplémentaire du profilage racial potentiel lors d’urgences médicales aggrave ces problèmes. »

Le service de police de Montréal a mis en place une formation obligatoire sur les préjugés implicites en 2020 suite à plusieurs incidents très médiatisés et à l’accablante étude indépendante. Cependant, les critiques soutiennent que le module de formation de quatre heures est insuffisant et manque de mécanismes d’évaluation appropriés.

Alors que cette histoire continue de se développer, elle sert de rappel brutal que malgré des années de dialogue et de promesses de réforme, la lutte de Montréal contre le racisme systémique au sein de ses institutions demeure un problème urgent nécessitant plus que des solutions superficielles.

Pour Bourgault et sa famille, les conséquences de ces défaillances systémiques ont failli être fatales. « Je n’arrête pas de penser à ce qui aurait pu se passer si mon fils n’était pas arrivé, » a confié Bourgault à LCN lors d’une brève entrevue depuis son domicile. « Auraient-ils fini par reconnaître que j’avais besoin d’aide médicale, ou aurais-je fini dans une cellule au lieu d’un hôpital? Ce sont des questions que personne ne devrait avoir à se poser en 2025. »

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