Dans ce que plusieurs observateurs qualifient de manœuvre politique calculée, le chef conservateur Pierre Poilievre a publiquement exprimé son soutien aux organisateurs du Convoi de la liberté quelques jours seulement avant leur condamnation à Ottawa. Ce geste a ravivé les débats concernant les manifestations de 2022 qui ont paralysé le centre-ville d’Ottawa pendant des semaines.
« C’étaient des Canadiens ordinaires frustrés par l’ingérence gouvernementale, » a déclaré Poilievre hier à l’extérieur de la Colline du Parlement. « Ils méritent d’être entendus, pas punis pour avoir exercé leurs droits démocratiques. »
Le moment choisi n’est pas passé inaperçu. Les organisateurs du convoi, Tamara Lich et Chris Barber, font face à leur condamnation demain après avoir été reconnus coupables de méfait, d’intimidation et d’avoir conseillé à d’autres de violer la loi pendant l’occupation de trois semaines qui a coûté des millions aux entreprises d’Ottawa et perturbé la vie des résidents.
Le maire Mark Sutcliffe a exprimé son inquiétude quant à la réouverture des blessures communautaires. « Les résidents d’Ottawa ont vécu un véritable traumatisme pendant ces semaines. Nous sommes encore en train de guérir, » a-t-il déclaré aux journalistes à l’hôtel de ville ce matin.
L’occupation du convoi a créé une perturbation extraordinaire dans la capitale canadienne. Les véhicules d’urgence avaient du mal à naviguer dans les rues bloquées tandis que les résidents enduraient des klaxons constants, du harcèlement et l’odeur des vapeurs de diesel. Les commerces du centre-ville ont signalé des pertes dépassant 3 millions de dollars selon les chiffres de l’Association d’amélioration des affaires d’Ottawa.
Dre Emilie Taman, professeure de droit à l’Université d’Ottawa, suggère que les commentaires de Poilievre reflètent un calcul politique. « Il y a une valeur stratégique à maintenir la solidarité avec la base du convoi en vue du prochain cycle électoral, » a-t-elle expliqué. « Mais cela aliène potentiellement les électeurs modérés qui se souviennent du chaos. »
Le chef conservateur a constamment caractérisé la manifestation comme une expression politique légitime tout en minimisant les signalements de harcèlement, de drapeaux confédérés et d’appels au renversement du gouvernement documentés pendant l’occupation.
L’ancien chef de police d’Ottawa, Peter Sloly, qui a démissionné pendant la crise, a refusé de commenter les remarques de Poilievre, mais a noté: « Les événements de février 2022 ont nécessité une intervention policière sans précédent et finalement la première invocation de la Loi sur les mesures d’urgence. »
Le soutien de Poilievre contraste fortement avec la position du premier ministre Justin Trudeau. « Les Canadiens méritent des leaders qui défendent les institutions démocratiques, pas ceux qui les sapent, » a déclaré Trudeau en réponse aux commentaires de Poilievre.
La controverse souligne les divisions politiques persistantes concernant l’héritage du convoi. Pour certains, il représente une protestation légitime contre les restrictions pandémiques. Pour d’autres, particulièrement les résidents d’Ottawa, il reste une perturbation traumatisante de l’ordre civique.
Mariam Alshaikli, résidente du centre-ville, se souvient encore de s’être sentie piégée dans son appartement. « Ils ne se battaient pas pour ma liberté. Ils m’ont enlevé ma liberté de dormir, de marcher en sécurité dans mon quartier, de vivre sans peur, » a-t-elle déclaré.
L’opinion publique reste divisée. Un récent sondage d’Abacus Data montre que 38% des Canadiens voient le convoi positivement, tandis que 52% ont des opinions négatives—des chiffres qui se divisent nettement selon les lignes politiques.
Alors que les organisateurs du convoi se préparent pour leur condamnation demain, les commentaires de Poilievre garantissent que l’héritage de la manifestation demeure un champ de bataille actif dans la politique canadienne—un champ où les expériences vécues des résidents d’Ottawa s’estompent parfois derrière le positionnement partisan.