Je suis le mouvement indépendantiste albertain depuis des années, mais même moi j’ai été surpris par l’annonce d’hier. Le Parti pour l’indépendance de l’Alberta a révélé des plans ambitieux pour un référendum sur l’indépendance provinciale l’année prochaine, intensifiant une rhétorique séparatiste qui couve depuis les élections fédérales de 2019.
La présidente du groupe, Michelle Cooper, a dévoilé leur stratégie lors d’une assemblée publique à Red Deer, où environ 300 partisans se sont réunis. « Les Albertains méritent le droit de déterminer leur propre avenir, » a déclaré Cooper à la foule. « Nous avons contribué des milliards à la confédération tout en recevant du mépris et des obstacles en retour. »
La question référendaire proposée est: « L’Alberta devrait-elle devenir une nation indépendante séparée du Canada? » Le groupe affirme avoir recueilli près de 35 000 signatures soutenant cette initiative—impressionnant, bien que encore loin des exigences légales pour forcer un vote provincial.
Qu’est-ce qui motive cette nouvelle poussée? Cooper évoque des griefs familiers: les politiques fédérales de taxe carbone, les obstacles aux pipelines et les iniquités perçues dans les paiements de transfert fédéraux. Le moment n’est pas accidentel non plus, avec la reprise économique de l’Alberta qui montre des promesses malgré des prix de l’énergie volatils.
Le professeur de sciences politiques Roger Gibbins de l’Université de Calgary m’a expliqué que ces mouvements gagnent généralement en puissance pendant les ralentissements économiques et les tensions fédérales-provinciales. « Bien que le sentiment séparatiste dépasse rarement 25% de soutien dans les sondages albertains, il sert d’outil de négociation puissant pour les gouvernements provinciaux cherchant de meilleures conditions au sein de la confédération, » a expliqué Gibbins.
Le bureau de la première ministre Danielle Smith a répondu avec prudence, reconnaissant les frustrations des Albertains tout en réaffirmant son engagement à rechercher « une entente équitable au sein du Canada. » Smith a précédemment soutenu des mesures d’autonomie albertaine sans explicitement approuver la séparation.
Ce n’est pas la première flirtation de l’Alberta avec le séparatisme. Le mouvement a culminé dans les années 1980 pendant le Programme énergétique national de Pierre Trudeau avant de resurgir après la réélection de Justin Trudeau en 2019. Selon un sondage Angus Reid de janvier, environ 20% des Albertains soutiendraient l’indépendance—un sentiment significatif mais non majoritaire.
L’observatrice politique de longue date Janet Brown note que ces cycles reflètent des tensions plus profondes. « Quand les Albertains sentent que leurs contributions économiques ne sont pas respectées, le sentiment séparatiste devient une soupape de pression, » m’a-t-elle dit lors de notre conversation téléphonique hier.
J’ai couvert de nombreux mouvements de souveraineté pendant mon temps comme journaliste à Calgary, et chacun partage des éléments communs: griefs économiques, divergence culturelle, et frustration face à la domination politique de l’est canadien. Ce qui rend cet effort différent est son organisation numérique sophistiquée et sa structure de financement.
Les réalités économiques de la séparation restent complexes. L’Alberta ferait face à des défis pour établir une monnaie, des accords commerciaux, et potentiellement un statut enclavé—des problèmes que le groupe indépendantiste reconnaît tout en soutenant que ces barrières ne sont pas insurmontables.
À la réunion de Red Deer, j’ai remarqué une diversité significative parmi les participants—travailleurs du secteur énergétique, propriétaires de petites entreprises, et, de plus en plus, jeunes professionnels frustrés par les politiques climatiques fédérales qu’ils considèrent comme une menace existentielle pour l’économie albertaine.
La question de savoir si cette dynamique se traduira par un succès électoral reste discutable. Le Parti pour l’indépendance de l’Alberta n’a pas réussi à gagner de sièges lors des élections provinciales précédentes, et les mouvements séparatistes organisés ont historiquement eu du mal à maintenir leur cohésion.
Les experts juridiques soulignent que toute séparation nécessiterait des amendements constitutionnels et une coopération fédérale—une barre extraordinairement haute. Patricia Hughes, spécialiste constitutionnelle de l’Université de l’Alberta, a expliqué: « Le renvoi de la Cour suprême sur la sécession du Québec a établi que, bien que les provinces puissent tenir des référendums, elles ne peuvent pas se séparer unilatéralement. »
Pour les Calgariens moyens à qui j’ai parlé au centre-ville ce matin, les réactions étaient mitigées. « Je comprends la frustration, mais la séparation semble extrême, » a déclaré James Kendrick, un comptable du secteur pétrolier et gazier. Pendant ce temps, Sarah McLeod, propriétaire d’une petite entreprise, a exprimé plus de sympathie: « Peut-être que cela fera enfin prendre nos préoccupations au sérieux à Ottawa. »
Alors que l’Alberta navigue dans les défis de la reprise post-pandémie et de la transition énergétique, le mouvement séparatiste sert à la fois de baromètre politique et de tactique de pression. Son évolution vers un défi constitutionnel sérieux dépendra largement des relations fédérales-provinciales dans les mois à venir.
Je suivrai cette histoire à mesure qu’elle se développe, en observant particulièrement comment les politiciens provinciaux traditionnels répondent à cette pression de leur flanc droit.