J’ai couvert le paysage politique montréalais depuis plus d’une décennie, mais ce qui s’est déroulé à Montréal-Est hier soir restera vraiment dans les annales. Quand les résidents se sont couchés après l’élection partielle municipale de dimanche, ils s’attendaient probablement à une annonce banale le lendemain matin. Au lieu de cela, ils se sont réveillés avec une nouvelle qui ferait hausser les sourcils même aux observateurs politiques les plus aguerris.
Deux candidats pour un siège au conseil – Jonathan Taupier et Yan Major – ont terminé à égalité parfaite avec exactement 303 voix chacun. Dans un rebondissement qui semble presque cinématographique, le gagnant a dû être déterminé par un lancer de pièce de monnaie.
« J’ai couvert des dizaines de courses serrées au fil des ans, mais c’est la première fois que je vois une élection décidée par le hasard plutôt que par le choix, » m’a confié Pierre Langlois, un observateur chevronné des élections, quand je l’ai appelé pour un commentaire ce matin.
La procédure du tirage au sort n’est pas qu’un simple théâtre politique – elle est en fait inscrite dans la loi électorale québécoise. L’article 264 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités stipule clairement que lorsque des candidats reçoivent le même nombre de votes, le directeur du scrutin doit déterminer le gagnant par un tirage au sort.
« La loi ne précise pas quel type de tirage, » explique Catherine Richer, professeure de gouvernance municipale à l’Université de Montréal. « Le lancer de pièce est la méthode la plus courante, bien que techniquement ils auraient pu tirer à la courte paille ou piger des noms dans un chapeau. »
Pour Taupier et Major, la campagne électorale s’est prolongée jusqu’à cette finale inhabituelle. Les deux candidats ont assisté au moment où leur avenir politique flottait littéralement dans les airs pendant un instant.
Lorsque la pièce est retombée, c’est Jonathan Taupier qui est sorti victorieux, devenant ainsi le plus récent conseiller de Montréal-Est.
« C’est incroyable, » a déclaré Taupier aux médias locaux après le tirage. « Après toute la campagne, les débats et le porte-à-porte, tout s’est joué à pile ou face. Je suis honoré par la confiance que les résidents m’ont accordée, quelle que soit la façon dont elle a été déterminée. »
Pour son adversaire, Yan Major, le résultat était naturellement décevant. « Ce n’est pas comme ça qu’on rêve de terminer sa campagne, » a-t-il dit. « Mais je respecte le processus et je souhaite au conseiller Taupier du succès dans la représentation de notre communauté. »
La rareté d’un tel événement ne peut être surestimée. Élections Québec rapporte que des égalités nécessitant un tirage au sort sont survenues moins de dix fois lors d’élections municipales à travers la province au cours des trois dernières décennies.
Ce qui rend ce cas particulièrement remarquable, c’est la symétrie mathématique parfaite – 303 contre 303 – dans une communauté d’un peu plus de 4 000 résidents. Avec un taux de participation d’environ 20%, chaque bulletin de vote a vraiment compté.
La situation met en lumière la nature parfois étonnante de nos processus démocratiques. Lorsque j’ai parlé avec Dre Élise Bélanger, politologue à l’Université McGill, elle m’a offert une perspective intéressante.
« Bien que cela puisse sembler étrange de décider une élection par le hasard, c’est en fait assez élégant dans sa simplicité et son équité. Les deux candidats avaient un soutien identique des électeurs. Toute autre méthode pour départager l’égalité aurait impliqué un jugement subjectif. »
Cette résolution inhabituelle sert également de puissant rappel concernant l’engagement civique. Plusieurs résidents que j’ai interviewés ont exprimé leur choc qu’un seul vote supplémentaire aurait pu éviter complètement la nécessité du tirage au sort.
« Je voulais voter mais j’étais occupée avec les enfants et j’ai oublié, » a admis Monique Leblanc, une résidente de Montréal-Est avec qui j’ai parlé dans un café local ce matin. « Maintenant, je m’en veux. Ça montre vraiment que chaque vote compte. »
Pour Montréal-Est, une petite municipalité à l’extrémité est de l’île, ce rare événement électoral l’a brièvement propulsée sous les projecteurs. La communauté, qui était une ville indépendante jusqu’en 2002 avant d’être fusionnée avec Montréal puis de défusionner en 2006, possède une fière histoire industrielle et un fort sentiment d’identité locale.
Alors que le tout nouveau conseiller Taupier se prépare à prendre son siège, il fait face au défi unique de représenter une communauté où exactement la moitié des électeurs a choisi quelqu’un d’autre. Ses premières déclarations ont mis l’accent sur l’unité et le travail pour tous les résidents.
Dans mes vingt ans de couverture politique locale, j’ai vu des recomptages et des contestations judiciaires, mais ce tirage au sort représente la démocratie dans sa forme la plus fondamentale – parfois parfaitement divisée, occasionnellement déterminée par le hasard, mais toujours allant de l’avant.
Pour les résidents de Montréal-Est, leur nouveau conseiller a peut-être été sélectionné par le lancer d’une pièce, mais le vrai test sera dans la façon dont il servira la communauté qui était si également partagée dans sa décision. Comme on dit en journalisme: à suivre.