La montée du mercure à Montréal pousse les familles à chercher désespérément des cours de natation, mais plusieurs se retrouvent le bec à l’eau. Une pénurie critique de piscines publiques sur l’île a créé une tempête parfaite qui laisse les parents frustrés et les moniteurs de natation inquiets pour la sécurité aquatique.
« On n’a jamais vu des listes d’attente comme ça », explique Jean Tremblay, coordonnateur aquatique au Centre communautaire de Côte-des-Neiges. « L’été dernier, on avait peut-être 20 enfants en attente. Cette année? Plus de 200. On n’a tout simplement pas assez d’espace aquatique ni de moniteurs qualifiés. »
Le problème découle d’une combinaison de facteurs qui s’accumulent depuis des années. Selon un récent rapport de Sport Québec, Montréal a vu cinq piscines publiques fermer pour des réparations majeures au cours des trois dernières années, et seulement deux ont rouvert. Ajoutez à cela les retards de construction liés à la pandémie et les coûts croissants d’entretien des piscines, et vous obtenez ce que plusieurs appellent un « désert de natation » dans plusieurs quartiers.
J’ai visité la piscine Maisonneuve dans Hochelaga-Maisonneuve mardi dernier, où des parents faisaient la queue pendant plus d’une heure dans l’espoir d’obtenir des places pour la session d’automne. Marie Lapointe, mère de trois enfants, a exprimé sa frustration après avoir été refoulée.
« Mon plus jeune doit apprendre à nager avant nos vacances au chalet l’été prochain », m’a-t-elle dit pendant que ses enfants jouaient à proximité. « Maintenant, je dois traverser la ville jusqu’à Verdun deux fois par semaine. C’est une heure dans le trafic à chaque trajet. »
Le problème dépasse la simple inconvénience. L’Hôpital de Montréal pour enfants a signalé une augmentation de 23 % des visites d’urgence liées à l’eau l’été dernier par rapport aux chiffres d’avant la pandémie. Dr Claude Garneau, médecin urgentiste pédiatrique, établit un lien direct avec la pénurie de cours.
« Les compétences de base en natation sauvent des vies », souligne Dr Garneau. « Quand les enfants manquent ces années d’apprentissage cruciales entre 4 et 6 ans, ils développent souvent une anxiété face à l’eau qui peut les suivre jusqu’à l’âge adulte. »
La situation est tout aussi difficile pour les nageurs compétitifs. Le Club Aquatique de Montréal, qui a produit des talents olympiques par le passé, a été forcé de réduire ses heures d’entraînement de 30 % cette saison.
« Nos jeunes athlètes s’entraînent à 5h du matin parce que c’est le seul créneau disponible », explique l’entraîneure-chef Sophie Deschamps. « Certaines familles ont simplement abandonné parce que l’horaire n’est pas compatible avec l’école. »
Le problème reflète un défi d’infrastructure plus large auquel notre ville fait face. Les centres récréatifs construits dans les années 1970 montrent des signes d’usure, avec des systèmes mécaniques défaillants et des coûts de réparation qui dépassent les budgets municipaux. L’arrondissement du Plateau-Mont-Royal estime à lui seul avoir besoin de 12 millions de dollars pour mettre ses deux piscines vieillissantes aux normes.
Le membre du comité exécutif de Montréal responsable des sports et loisirs, Marc Tremblay, reconnaît le problème mais évoque les défis de financement.
« Nous comprenons la frustration », a déclaré Tremblay lors de la réunion du conseil le mois dernier. « La réalité est que la reconstruction d’une piscine publique intérieure coûte aujourd’hui entre 15 et 20 millions de dollars. Nous travaillons avec le gouvernement provincial pour créer un fonds dédié aux infrastructures aquatiques. »
En attendant des solutions politiques, les organismes communautaires font preuve de créativité. Le YMCA s’est associé à plusieurs hôtels pour offrir des cours de natation les fins de semaine dans leurs installations. Le programme innovant, appelé « Splash Hôtel », a ouvert 120 nouvelles places, mais c’est à peine suffisant face aux quelque 5 000 personnes en attente à l’échelle de la ville.
En tant que Montréalaise de toujours qui a appris à nager à la piscine Baldwin maintenant fermée, je trouve particulièrement décourageant de voir des enfants privés de cette compétence essentielle. Quand j’ai grandi à Ville-Émard, notre piscine locale était le centre social de l’été – un endroit où j’ai non seulement appris à nager, mais aussi développé ma confiance et noué des amitiés avec des jeunes de tout le quartier.
La ville promet trois nouveaux centres aquatiques d’ici 2027, mais pour des parents comme Marie Lapointe, c’est trop peu, trop tard.
« Mes enfants seront adolescents d’ici là », soupire-t-elle. « Certaines choses ne peuvent pas attendre les cycles budgétaires. »
Alors que Montréal continue de se promouvoir comme une ville familiale, cette pénurie croissante de piscines représente un défi important pour cette image – et plus important encore, pour la sécurité et le bien-être de nos plus jeunes citoyens.