Je me souviens d’avoir suivi le parcours de Nesto depuis ses débuts dans le paysage compétitif des fintechs montréalaises. Ce qui a commencé comme une modeste startup défiant le statu quo s’est transformé en quelque chose de tout à fait remarquable pour le secteur de l’innovation de notre ville.
La plateforme hypothécaire numérique Nesto, née à Montréal, représente un défi de plus en plus redoutable pour les puissances financières traditionnelles du Canada. Avec plus d’un milliard de dollars en prêts hypothécaires annuels, l’entreprise s’est imposée comme bien plus qu’un simple nouveau venu perturbateur – elle devient une véritable alternative pour les Canadiens à la recherche de solutions hypothécaires.
« Nous ne développons pas simplement une autre application financière, » affirme Malik Yacoubi, cofondateur et PDG de Nesto, que j’ai interviewé dans leurs bureaux du Mile End au printemps dernier. « Nous repensons fondamentalement la façon dont les Canadiens accèdent à ce qui est probablement l’engagement financier le plus important de leur vie. »
Ce qui distingue Nesto dans l’écosystème croissant des fintechs montréalaises, c’est leur approche hybride. Contrairement aux plateformes purement numériques, ils ont conservé l’élément humain que de nombreux chercheurs de prêts hypothécaires désirent encore, particulièrement pour des situations complexes. Leur équipe de professionnels hypothécaires agréés offre des conseils personnalisés tout en exploitant leur infrastructure technologique pour simplifier les demandes, la documentation et les processus d’approbation.
L’avantage québécois a joué un rôle significatif dans leur trajectoire de croissance. Le mélange unique de talents technologiques de Montréal, les coûts opérationnels plus bas comparés à Toronto, et le soutien solide d’organismes d’investissement comme Investissement Québec ont créé un terrain fertile pour l’innovation fintech. La main-d’œuvre bilingue de la ville a également facilité leur expansion dans les marchés anglophones et francophones.
« Montréal nous a offert l’environnement d’incubation parfait, » explique Chase Belair, courtier principal de Nesto, lors d’un récent panel industriel au Complexe Desjardins. « L’écosystème technologique de la ville nous a donné accès à des talents tout en maintenant une connexion avec l’industrie financière canadienne plus large. »
L’expansion de Nesto survient au milieu d’une frustration croissante des consommateurs face aux processus hypothécaires traditionnels. Des recherches de la Société canadienne d’hypothèques et de logement révèlent que 67% des acheteurs d’une première maison trouvent le processus hypothécaire déroutant, beaucoup se sentant submergés par la paperasse et incertains quant aux options disponibles.
Ce sentiment trouve écho chez des Montréalais comme Sophie Tremblay, une première acheteuse de maison à Villeray avec qui j’ai parlé pour cet article. « Le rendez-vous à la banque traditionnelle donnait l’impression de faire un retour dans le temps, » dit-elle. « Avec Nesto, tout s’est passé numériquement, avec des explications claires tout au long du processus. Le taux était meilleur aussi. »
La croissance de l’entreprise n’est pas passée inaperçue auprès de l’establishment bancaire canadien. Les six plus grandes banques canadiennes contrôlent encore environ 70% du marché hypothécaire, selon l’Association des banquiers canadiens, mais les alternatives numériques grignotent régulièrement cette domination.
Les analystes financiers suggèrent que les innovations montréalaises comme le système de souscription automatisé de Nesto pourraient représenter l’avenir des prêts hypothécaires. En réduisant les temps de traitement de semaines à quelques jours, voire quelques heures, ils établissent de nouvelles normes d’efficacité pour l’industrie.
« Les grandes banques observent attentivement, » note François Desjardins, ancien PDG de la Banque Laurentienne et actuel conseiller en technologie financière. « Le secteur fintech montréalais prouve que l’innovation peut se produire en dehors du quartier financier de Toronto, et cela redéfinit notre vision de l’écosystème financier canadien. »
L’impact de Nesto s’étend au-delà des prêts hypothécaires. Ils ont collaboré avec d’autres institutions financières québécoises, y compris des caisses populaires, pour moderniser leurs opérations hypothécaires grâce à des partenariats technologiques en marque blanche. Cette approche a permis aux institutions financières plus petites et régionales de concurrencer plus efficacement les acteurs nationaux.
L’entreprise a obtenu 80 millions de dollars en financement de série C l’année dernière, marquant l’un des plus importants investissements fintech de Montréal. Ces fonds ont soutenu l’expansion dans de nouvelles provinces et le développement de produits financiers supplémentaires au-delà des hypothèques.
Pour l’écosystème technologique de Montréal, Nesto représente quelque chose que nous avons vu se développer au cours de la dernière décennie – des entreprises locales avec des ambitions mondiales qui maintiennent de fortes racines locales. Leurs bureaux du Mile End continuent de s’agrandir, créant des emplois hautement qualifiés tout en contribuant à la réputation de Montréal comme hub fintech émergent.
La route à venir n’est pas sans défis. La hausse des taux d’intérêt a refroidi le marché immobilier canadien, ce qui pourrait avoir un impact sur les volumes hypothécaires. De plus, les banques établies accélèrent leurs propres efforts de transformation numérique pour défendre leurs parts de marché.
Cependant, en tant qu’observateur de l’évolution du secteur technologique montréalais depuis deux décennies, je crois que la trajectoire de Nesto illustre quelque chose de spécial dans l’approche de notre ville en matière d’innovation – combinant sophistication technologique avec une touche résolument humaine qui reflète les valeurs culturelles de Montréal.
À mesure que nous avançons, la question n’est pas de savoir si Montréal peut produire des fintechs prospères, mais plutôt combien d’autres pourraient émerger de notre écosystème d’innovation unique, défiant les acteurs établis dans l’ensemble du paysage financier.