Négociations fédérales : Emplois de Rio Tinto au Québec affectés par les tarifs douaniers américains

Amélie Leclerc
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Je reviens d’un briefing où la ministre des Finances Chrystia Freeland a confirmé que Ottawa est en discussions actives avec Rio Tinto concernant un possible soutien financier. Le géant minier fait face à une pression considérable suite aux récents tarifs américains sur l’aluminium qui menacent des milliers d’emplois au Québec.

« Il ne s’agit pas simplement d’aide aux entreprises, » a déclaré Freeland aux journalistes hier au Forum économique de Montréal. « C’est une question de protection des communautés québécoises bâties autour de ces industries. »

Le tarif de 25% imposé par l’administration Biden le mois dernier a créé des défis immédiats pour le secteur québécois de l’aluminium. Rio Tinto exploite plusieurs installations dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, employant environ 4 500 travailleurs directement.

Jean Simard, président de l’Association de l’aluminium du Canada, a exprimé une inquiétude croissante face à la situation. « Ces tarifs créent un fardeau de coûts insoutenable pour les producteurs canadiens, » a-t-il expliqué lors de notre conversation téléphonique ce matin. « Sans intervention, des réductions de production deviennent inévitables. »

Les analystes de l’industrie estiment que les tarifs pourraient coûter aux producteurs canadiens d’aluminium près de 800 millions de dollars par année, Rio Tinto supportant une part importante de ce fardeau en tant que l’un des plus grands producteurs d’Amérique du Nord.

En me promenant à Jonquière la semaine dernière, je n’ai pu m’empêcher de remarquer l’inquiétude gravée sur les visages des résidents. La région a déjà traversé des tempêtes économiques, mais celle-ci semble différente. Des familles entières dépendent de ces installations, certaines y travaillant depuis des générations.

Mathieu Gaudreault, un travailleur de l’aluminium de troisième génération avec qui j’ai parlé, a capturé l’anxiété de la communauté. « Mon grand-père, mon père et maintenant moi – nous avons bâti nos vies autour de ces usines, » a-t-il dit. « Qu’arrive-t-il à notre ville si la production diminue? »

Le premier ministre François Legault a fait du secteur québécois de l’aluminium une priorité dans les discussions avec ses homologues fédéraux. Son bureau a confirmé hier que les responsables provinciaux coordonnent étroitement avec Ottawa les mécanismes de soutien potentiels.

Marie-Claude Théberge, porte-parole de Rio Tinto, est restée prudente quant à préciser à quoi pourrait ressembler cette aide. « Nous explorons diverses options pour maintenir nos opérations pendant que ces tarifs injustes restent en place, » a-t-elle noté dans un courriel.

Des sources fédérales indiquent que l’aide potentielle pourrait inclure des allègements fiscaux, des subventions énergétiques ou un soutien opérationnel direct. Tout programme exigerait probablement le maintien des niveaux d’emploi actuels comme condition.

La situation met en évidence la vulnérabilité des communautés dépendantes des ressources face aux différends commerciaux internationaux. Le secteur canadien de l’acier a connu des défis similaires en 2018, bien que la concentration de l’aluminium au Québec rende cette situation particulièrement préoccupante pour la province.

Les experts commerciaux suggèrent que cela pourrait devenir un problème prolongé. « Même avec la contestation du Canada via l’Organisation mondiale du commerce, la résolution pourrait prendre des années, » a expliqué Pierre Trudeau, professeur d’économie à l’Université McGill, lors d’une entrevue dans son bureau sur le campus.

Les entreprises locales rapportent déjà ressentir des effets secondaires. Au Café du Fjord, où les travailleurs se rassemblent souvent après leurs quarts de travail, la propriétaire Sylvie Tremblay m’a confié que les ventes ont visiblement chuté. « Les gens font attention à leur argent maintenant, incertains de ce qui va suivre. »

En quittant l’annonce ministérielle d’hier, la tension entre l’optimisme politique et la réalité économique était palpable. Bien que les responsables gouvernementaux affichent leur confiance, les communautés québécoises de l’aluminium restent sur le qui-vive, attendant de voir si l’aide fédérale se matérialisera avant que des décisions de production ne doivent être prises.

Pour l’instant, les représentants du gouvernement et de l’industrie travaillent contre la montre, comprenant que chaque semaine qui passe apporte plus de pression financière sur des opérations cruciales pour l’épine dorsale industrielle du Québec.

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