Les plaines tranquilles au sud de Calgary sont devenues l’épicentre d’une bataille juridique qui s’intensifie et qui oppose la souveraineté d’une Première Nation aux ambitions de développement provinciales. La semaine dernière, la Nation Siksika a déposé une contestation juridique contre la décision de l’Alberta d’autoriser l’exploration de charbon et l’exploitation minière potentielle sur des terres qu’ils considèrent comme sacrées sur le plan culturel et environnemental.
Je couvre les conflits liés au développement des ressources depuis plus d’une décennie, mais cette affaire se distingue tant par son timing que par ses implications. En me tenant hier sur la crête balayée par le vent qui surplombe la zone de développement potentiel, le contraste entre le paysage intact et ce qui pourrait devenir une exploitation industrielle était saisissant.
« Il ne s’agit pas simplement de charbon ou d’argent, » m’a confié le Chef Ouray Crowfoot lors de notre entretien au bâtiment administratif de Siksika. « Ce sont nos territoires ancestraux qui revêtent une importance culturelle et spirituelle considérable pour notre peuple. La province a pris cette décision sans consultation significative. »
La contestation juridique, déposée devant la Cour du Banc du Roi de l’Alberta, vise l’approbation par le gouvernement provincial des activités d’exploration de Montem Resources, une entreprise australienne. La société prévoit de développer le projet Tent Mountain, qui s’étend sur environ 1 700 hectares près du col Crowsnest.
Ce qui rend cette affaire particulièrement remarquable, c’est l’affirmation de Siksika que l’Alberta n’a pas respecté son obligation constitutionnelle de consultation avant d’autoriser des activités qui pourraient modifier de façon permanente ces terres historiquement importantes. L’équipe juridique de la nation a présenté des preuves de sites funéraires, de lieux de cérémonie et d’anciens campements qui pourraient être perturbés.
Dr. Eldon Yellowhorn, archéologue autochtone de l’Université Simon Fraser non directement impliqué dans l’affaire, explique l’importance de la situation : « De nombreux sites sacrés n’ont pas toujours de marqueurs ou de monuments visibles. Leur importance est transmise par les histoires orales et les connaissances traditionnelles, c’est pourquoi une consultation appropriée est cruciale avant toute perturbation du sol. »
Le différend révèle également l’équilibre complexe entre le développement économique et la protection de l’environnement qui définit l’Alberta moderne. Le gouvernement provincial a défendu le développement des ressources comme essentiel à la croissance économique, le ministre de l’Énergie Brian Jean ayant déclaré le mois dernier que « le développement responsable des ressources demeure une pierre angulaire de l’avenir économique de l’Alberta. »
Cependant, les évaluations environnementales commandées par Siksika ont identifié des menaces potentielles pour la santé des bassins versants. Les sources qui pourraient être affectées par les opérations minières alimentent des systèmes hydriques dont la nation dépend pour ses pratiques traditionnelles et l’usage communautaire.
« Nous examinons des risques sérieux pour la qualité de l’eau qui pourraient persister pendant des générations, » explique Corey Healy, coordinateur des évaluations environnementales de Siksika. « Une fois que ces systèmes sont contaminés par des sous-produits miniers, la réhabilitation devient extrêmement difficile et coûteuse. »
Ce qui ressort particulièrement dans cette affaire, c’est comment elle reflète des tensions plus larges entre l’autorité provinciale et les droits autochtones à travers le Canada. La Cour suprême a affirmé à plusieurs reprises l’obligation de consulter, notamment dans la décision historique Tsilhqot’in, mais la mise en œuvre reste incohérente d’une province à l’autre.
Ayant couvert des différends similaires de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve, j’ai observé que les provinces définissent souvent la « consultation adéquate » différemment des communautés autochtones concernées. La contestation de Siksika pourrait potentiellement établir des précédents plus solides sur ce que doit impliquer une consultation significative en Alberta.
Montem Resources, quant à elle, maintient que ses plans de développement comprennent d’importantes protections environnementales. La porte-parole de l’entreprise, Jennifer McCallum, a déclaré par courriel que « le projet Tent Mountain respectera les normes environnementales les plus élevées tout en créant environ 190 emplois dans une région qui connaît des défis économiques. »
Pour Siksika, cependant, la question transcende les avantages économiques. Le conseiller de la Nation, Samuel Crowfoot, a souligné que la communauté n’est pas catégoriquement opposée au développement mais exige un véritable partenariat. « Nous sommes des gens orientés vers les affaires, mais tout développement doit respecter nos droits, notre patrimoine culturel et notre rôle de gardiens de ces terres. »
La province dispose de 30 jours pour déposer une réponse à cette contestation juridique. Le ministère des Relations avec les Autochtones de l’Alberta a refusé de commenter spécifiquement le litige, mais a fourni une déclaration selon laquelle « l’Alberta reste engagée à travailler avec les communautés autochtones tout en soutenant le développement responsable des ressources. »
Cette affaire émerge dans le contexte de la décision controversée de l’Alberta en 2020 d’abroger la politique charbonnière de la province, qui protégeait les zones sensibles de certains types d’exploitation minière depuis 1976. Bien que la réaction du public ait forcé le rétablissement de ces protections, le scepticisme demeure quant aux intentions à long terme du gouvernement concernant le développement du charbon.
Alors que cette contestation juridique se déroule, elle représente plus qu’un simple différend sur les ressources. Pour Calgary et le sud de l’Alberta, elle soulève des questions fondamentales sur la façon dont nous équilibrons les opportunités économiques avec les droits autochtones et la protection de l’environnement – des questions qui façonneront l’avenir de notre région pour les générations à venir.