Mois du patrimoine asiatique : les entreprises montréalaises célèbrent les entrepreneurs locaux

Amélie Leclerc
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Alors que Montréal célèbre le Mois du patrimoine asiatique ce mai, j’ai exploré comment les entrepreneurs canado-asiatiques locaux intègrent leurs identités culturelles dans le paysage commercial de notre ville. En me promenant hier après-midi dans le Village Shaughnessy, l’énergie vibrante était palpable – un beau témoignage de la façon dont la célébration culturelle s’étend bien au-delà des festivités traditionnelles.

L’air frais du printemps portait le parfum des baos fraîchement cuits à la vapeur de la Maison Bao, où le propriétaire Lin Wei accueillait les clients avec le même sourire chaleureux que j’ai appris à apprécier lors de mes visites hebdomadaires. « Les recettes de ma grand-mère ne sont pas que de la nourriture, » m’a confié Wei tout en pliant soigneusement un dumpling. « Ce sont des histoires de résilience qui ont voyagé de Shanghai à Montréal. Quand les clients goûtent notre cuisine, ils vivent le parcours de ma famille.« 

Ce sentiment fait écho dans toute la communauté d’affaires canado-asiatique de Montréal. Selon l’Association québécoise des entrepreneurs asiatiques, on constate une augmentation de 34% des entreprises détenues par des Asiatiques dans toute la ville au cours des cinq dernières années, avec une croissance particulièrement forte dans les secteurs de l’alimentation, de la technologie et du design.

Pour Joyce Kim, fondatrice de la boutique Hanbok Modern sur la rue Saint-Denis, le Mois du patrimoine asiatique offre l’occasion de montrer comment l’esthétique traditionnelle coréenne peut être réimaginée pour la vie montréalaise contemporaine. « Je ne vends pas simplement des vêtements, » m’a expliqué Kim en ajustant un présentoir mettant en valeur des interprétations modernes de vêtements traditionnels coréens. « Je crée un pont entre les mondes culturels.« 

La boutique de Kim représente une tendance croissante parmi les entrepreneurs canado-asiatiques qui trouvent des façons innovantes d’honorer leur patrimoine tout en créant des expériences distinctement montréalaises. Sa collection de printemps incorpore des matériaux de fabricants textiles québécois, créant des pièces qui représentent véritablement la fusion culturelle.

L’importance de ces entreprises va au-delà de la contribution économique. La Dre Victoria Ng du Département de sociologie et d’anthropologie de l’Université Concordia souligne leur importance culturelle. « Ces espaces servent d’ambassadeurs culturels informels, » a-t-elle expliqué lors de notre conversation dans son bureau surplombant le centre-ville. « Ils créent des points d’entrée accessibles pour que les Montréalais s’engagent avec les cultures asiatiques au-delà du tourisme superficiel.« 

Cet échange culturel semble de plus en plus vital dans notre climat actuel. Le Centre de recherche-action sur les relations raciales rapporte que les incidents anti-asiatiques à Montréal ont augmenté de 300% pendant la pandémie, rendant particulièrement significative la visibilité et la construction communautaire par l’entrepreneuriat.

Le propriétaire du restaurant Golden Rice Bowl sur le boulevard Saint-Laurent, James Chang, en a été témoin directement. « Pendant la pandémie, certains clients réguliers ont commencé à venir deux fois par semaine au lieu d’une, » a-t-il partagé alors que nous étions assis à sa table préférée dans un coin. « Ils m’ont dit qu’ils voulaient montrer leur soutien. La nourriture est devenue une façon de dire ‘nous sommes solidaires’.« 

Le Festival du patrimoine asiatique de Montréal, qui se déroule tout au long du mois de mai, met en valeur ces entreprises à travers des circuits gastronomiques, des marchés éphémères et des événements de réseautage d’affaires. La directrice du festival, Mei Lin, prévoit plus de 15 000 participants cette année, une augmentation significative par rapport aux célébrations précédentes.

« Nous voyons plus de Montréalais non-asiatiques participer que jamais auparavant, » a noté Lin lors de la cérémonie d’ouverture du festival à la Place des Arts le week-end dernier. « Il y a une curiosité et une appréciation authentiques qui vont au-delà de l’exotisme. Les gens veulent une connexion authentique.« 

Cette connexion authentique est précisément ce qu’Anh Nguyen cultive au Café Saigon Memories à Côte-des-Neiges. Le petit café ne sert pas seulement du café vietnamien – il sert de la mémoire. Des photographies de Saigon des années 1970 tapissent les murs, et Nguyen partage souvent avec les clients intéressés des histoires sur l’arrivée de sa famille à Montréal en 1979.

« Quand j’ai ouvert ce café il y a dix ans, je craignais que les Montréalais n’apprécient pas la force amère du café vietnamien correctement préparé, » a ri Nguyen en me montrant la méthode de préparation traditionnelle avec le filtre phin. « Maintenant, j’ai des clients nés au Québec qui enseignent aux nouveaux venus comment le boire correctement!« 

Les institutions financières ont remarqué la croissance de ce secteur d’activité. La Banque Canadienne Impériale de Commerce a récemment lancé une initiative spéciale offrant du mentorat et des options de financement spécifiquement pour les entrepreneurs canado-asiatiques au Québec. Selon leur directeur provincial, les demandes provenant de Montréal ont augmenté de 27% au cours de la dernière année.

Pour les jeunes entrepreneurs comme Sophie Wong, qui a récemment ouvert l’agence de marketing numérique East-West Strategies dans le Mile End, ces soutiens sont cruciaux. « En tant que Canado-Chinoise de troisième génération, je navigue quotidiennement entre plusieurs identités, » m’a expliqué Wong alors que nous nous rencontrions dans son espace de bureau minimaliste. « Mon approche commerciale mélange la philosophie orientale de création de relations avec les stratégies de marketing occidentales. Cette dualité est mon avantage concurrentiel.« 

L’agence de Wong aide spécifiquement les entreprises traditionnelles du Quartier chinois et de Little Manila à établir une présence numérique, créant un beau cycle de soutien communautaire. Le mois dernier, son équipe a aidé la Pâtisserie Harmonie, âgée de 47 ans, à établir son premier site web et sa stratégie de médias sociaux, ce qui a entraîné une augmentation de 40% de la clientèle plus jeune.

Alors que notre ville continue d’évoluer vers une mosaïque culturelle de plus en plus diverse, ces entreprises représentent quelque chose de profond sur l’identité de Montréal. Elles nous rappellent que la célébration culturelle ne se limite pas aux mois désignés ou aux festivals – elle se produit quotidiennement à travers d’innombrables échanges significatifs par-dessus les comptoirs, dans les cabines d’essayage et aux tables des cafés.

J’ai quitté ma conversation avec Joyce Kim hier en emportant à la fois un foulard magnifiquement conçu et ses derniers mots: « À Montréal, nous ne préservons pas simplement la culture comme des pièces de musée. Nous la vivons, l’adaptons et la partageons. C’est ça, la vraie célébration.« 

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