Sous un ciel gris de novembre, des centaines de Montréalais passionnés se sont rassemblés hier devant les bureaux du ministère de l’Éducation du Québec sur la rue Fullum, leurs voix s’élevant en protestation unifiée contre les compressions massives du gouvernement en éducation. Alors que les températures frôlaient le point de congélation, la détermination des parents, enseignants et étudiants brûlait d’indignation face à ce que plusieurs ont qualifié « d’attaques sans précédent » contre le système d’éducation québécois.
« J’enseigne depuis 22 ans, et je n’ai jamais vu des compressions aussi sévères, » m’a confié Marie Desjardins, son souffle visible dans l’air froid tandis qu’elle tenait une pancarte faite à la main où l’on pouvait lire « Nos enfants méritent mieux ». Desjardins enseigne à l’École Saint-Barthélemy dans Villeray, où, selon elle, le nombre d’élèves par classe a déjà augmenté alors que des postes de personnel de soutien ont disparu.
La manifestation survient en réponse à l’annonce du gouvernement de la Coalition Avenir Québec le mois dernier, exigeant que les centres de services scolaires retranchent 250 millions de dollars de leurs budgets en plein milieu de l’année scolaire. Ces compressions s’ajoutent aux réductions précédentes totalisant près de 400 millions de dollars dans le secteur de l’éducation plus tôt en 2024.
Au milieu de la foule, j’ai remarqué des familles avec de jeunes enfants juchés sur les épaules, des étudiants universitaires distribuant des dépliants, et des aînés qui se décrivaient comme des « défenseurs de l’éducation ». Ce rassemblement diversifié reflétait le caractère unique et bilingue de Montréal, avec des slogans alternant naturellement entre le français et l’anglais.
Simon Marchand, porte-parole de la Coalition pour une éducation publique de qualité, s’est adressé à la foule avec un mégaphone qui crépitait occasionnellement dans le froid. « Quand ils coupent dans l’éducation, ils coupent dans notre avenir, » a-t-il déclaré sous des applaudissements enthousiastes. « Ce ne sont pas seulement des chiffres sur une feuille de calcul – ce sont des impacts réels sur de vrais enfants. »
Selon les chiffres publiés par l’Association des enseignants de Montréal, les compressions élimineront environ 700 postes dans les écoles québécoises, incluant des techniciens en éducation spécialisée, des psychologues et du personnel de soutien en classe. Les écoles des quartiers vulnérables devraient être touchées de façon disproportionnée.
En tant qu’observateur de longue date des mouvements sociaux montréalais, j’ai assisté à d’innombrables manifestations dans ces rues, mais celle d’hier portait une charge émotionnelle particulière. Des parents serraient les mains de leurs enfants tout en décrivant les impacts concrets déjà ressentis dans les salles de classe.
« Ma fille est dyslexique, et les heures de son orthopédagogue viennent d’être réduites de moitié, » a expliqué Samantha Chen, venue de Dorval avec sa fille de 9 ans. « Maintenant, elle reçoit de l’aide une fois par semaine au lieu de deux. En quoi est-ce un progrès? »
Le ministre de l’Éducation Bernard Drainville a défendu les compressions comme une gestion fiscale nécessaire en période économique difficile, déclarant la semaine dernière que « des efficiences administratives » minimiseraient les impacts sur les élèves. Cette position a été vigoureusement rejetée par les manifestants, qui ont souligné le surplus de 1,9 milliard de dollars du Québec annoncé en juin.
Le professeur en sciences de l’éducation de l’Université McGill, Dr. Thomas Lamarche, présent à la manifestation, m’a confié que les compressions reflètent des priorités mal alignées plutôt qu’une nécessité économique. « La recherche démontre constamment que l’investissement dans l’éducation génère des rendements économiques significatifs à long terme, » a-t-il expliqué. « Couper dans l’éducation pour équilibrer les budgets est extraordinairement à courte vue. »
La manifestation est demeurée pacifique pendant ses trois heures de durée, bien que les tensions aient monté lorsque les manifestants ont tenté de remettre une pétition comptant plus de 75 000 signatures aux responsables du ministère, qui ont d’abord refusé de la recevoir. Après des négociations entre les organisateurs de la manifestation et le personnel de sécurité, un représentant a finalement émergé pour accepter le document.
La créativité caractéristique de Montréal était pleinement affichée, avec un groupe d’élèves du secondaire performant « des funérailles pour l’éducation » complètes avec un cercueil en carton. Des parents poussaient des poussettes décorées de pancartes demandant: « Y aura-t-il des ressources quand ils atteindront l’âge scolaire? »
L’Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec a annoncé des plans pour intensifier les actions si le gouvernement ne change pas de cap, incluant d’éventuelles grèves tournantes débutant en janvier. La présidente du syndicat, Heidi Yetman, a déclaré à la foule: « Ce n’est que le début de notre résistance. »
Alors que la manifestation se dispersait en début d’après-midi, les participants échangeaient leurs coordonnées et planifiaient des rencontres communautaires de suivi. L’investissement émotionnel était palpable – il ne s’agissait pas simplement de désaccords politiques mais de préoccupations profondément personnelles concernant l’avenir des enfants.
En marchant à travers le Mile End par la suite, je suis passé devant l’École Saint-Enfant-Jésus, où des œuvres d’art colorées des élèves ornaient les fenêtres à côté d’un avis récemment affiché concernant la réduction des heures d’ouverture de la bibliothèque. Cette juxtaposition semblait parfaitement capturer le moment: la créativité sans limites des enfants face à la dure réalité des limitations de ressources.
Pour une ville qui s’est longtemps enorgueillie de son innovation éducative et de son inclusivité, la manifestation d’hier représentait plus qu’une opposition aux compressions budgétaires – elle incarnait la lutte continue de Montréal pour définir quel type de société nous voulons construire pour la prochaine génération.
Ce qui se passera ensuite demeure incertain, mais une chose était claire à partir de la manifestation d’hier: les Montréalais n’accepteront pas silencieusement ce qu’ils perçoivent comme une érosion des opportunités éducatives de leurs enfants. Comme le soulignait une pancarte particulièrement poignante: « Quand l’éducation coûte cher, essayez l’ignorance ».