La scène devant l’École Saint-Albert-le-Grand hier après-midi dépeignait un tableau frappant de la frustration croissante des parents à travers Montréal. Alors que les températures chutaient et qu’une légère neige saupoudrait le sol, plus de 70 parents et enfants se sont rassemblés, leur souffle collectif visible dans l’air froid tandis qu’ils scandaient « Éducation en danger! » et « Nos enfants méritent mieux! »
Ce n’était pas qu’un simple rassemblement communautaire. C’étaient des parents poussés à bout par ce qu’ils décrivent comme des compressions budgétaires « dévastatrices » dans le système d’éducation montréalais. Leurs pancartes artisanales racontaient l’histoire de classes perdant leur personnel de soutien, de programmes spéciaux qui disparaissent et d’enfants pris au milieu de décisions politiques.
« La classe de ma fille a perdu son spécialiste en lecture le mois dernier, » a expliqué Catherine Tremblay, mère de deux enfants et organisatrice de la manifestation. « Maintenant, 27 élèves, dont quatre avec des troubles d’apprentissage, doivent progresser avec un seul enseignant. C’est impossible. »
Selon les données de la Fédération des comités de parents du Québec, les écoles montréalaises font face à environ 100 millions de dollars de réductions budgétaires cette année scolaire. Le ministère de l’Éducation a présenté ces ajustements comme des « mesures de rééquilibrage nécessaires, » mais pour les parents sur le terrain, l’impact est tout sauf équilibré.
Marie-Claude Picard, dont le fils fréquente un programme spécialisé pour les élèves atteints de TDAH, a retenu ses larmes en décrivant les récents changements. « Ils ont fusionné deux classes et éliminé un poste d’aide. Mon fils est rentré la semaine dernière en disant qu’il n’avait pas pu se concentrer de la journée. Nous nous sommes tant battus pour qu’il reçoive un soutien adéquat, et maintenant c’est… parti. »
La manifestation a réuni des familles d’origines diverses des quartiers montréalais – une coalition notable dans une ville souvent divisée par la langue et la géographie. Les slogans en anglais et en français alternaient à travers les mégaphones, avec des pancartes dans les deux langues exigeant « Réinvestissement maintenant » et « L’éducation n’est pas un luxe. »
Des représentants des commissions scolaires ont reconnu la situation difficile. Jean Bernier, commissaire pour le Centre de services scolaire de Montréal, a assisté au rassemblement en solidarité. « Nous sommes pris entre les mandats gouvernementaux et les besoins réels de nos écoles, » a admis Bernier. « La formule de financement actuelle ne tient pas compte des défis uniques auxquels font face les écoles urbaines avec des populations diversifiées. »
Le groupe de défense de l’éducation Je protège mon école publique a publié des résultats la semaine dernière montrant que 83% des écoles montréalaises ont réduit les services d’éducation spécialisée cette année, tandis que 71% signalent des classes plus nombreuses. Ces statistiques donnent du poids à ce que les parents constatent de première main.
La manifestation d’hier fait suite à des actions similaires à Laval et Québec plus tôt ce mois-ci. Les parents organisateurs disent qu’ils coordonnent leurs efforts pour faire pression sur le gouvernement avant les annonces budgétaires provinciales prévues en mars.
Pour Sophie Lemieux, dont les jumeaux fréquentent la troisième année à l’École Saint-Albert-le-Grand, la manifestation représente plus qu’une opposition aux compressions budgétaires. « Il s’agit de savoir quel genre de société nous voulons être, » a-t-elle déclaré, en ajustant les foulards de ses enfants contre le froid. « Est-ce que nous valorisons l’avenir de nos enfants ou non? Parce qu’en ce moment, on a l’impression que l’éducation est traitée comme une dépense plutôt qu’un investissement. »
Le ministère de l’Éducation a répondu aux demandes de commentaires par une déclaration soulignant que les dépenses en éducation du Québec ont augmenté globalement au cours des cinq dernières années. Cependant, les critiques font remarquer que ces augmentations n’ont pas suivi le rythme de l’inflation ni les besoins croissants des populations étudiantes diversifiées.
Les parents manifestants réclament le rétablissement immédiat des postes supprimés, une révision complète de la formule de financement de l’éducation et une consultation significative avec les familles avant les décisions futures.
Alors que l’après-midi s’estompait et que les familles commençaient à se disperser, l’ambiance restait déterminée plutôt que défaite. Les parents ont échangé leurs coordonnées, planifié des actions futures et promis de continuer à défendre les besoins éducatifs de leurs enfants.
« Nous ne disparaîtrons pas, » a affirmé fermement Tremblay en ramassant les pancartes. « Au contraire, nous ne faisons que commencer. Nos enfants méritent mieux. »
Pour les familles montréalaises qui voient les ressources éducatives de leurs enfants diminuer, cette manifestation représente un mouvement croissant qui refuse d’accepter les mathématiques budgétaires aux dépens de la qualité de l’éducation. Alors que l’hiver s’installe sur la ville, leur détermination semble ne faire que s’intensifier.