J’ai passé la dernière semaine à parcourir des chemins d’accès boueux et à discuter avec des scientifiques environnementaux au sujet du plan controversé de l’Alberta d’injecter sous terre des résidus toxiques des sables bitumineux. Mon périple m’a mené des bureaux gouvernementaux d’Edmonton aux vastes paysages industriels au nord de Fort McMurray, où l’avenir énergétique du Canada et les préoccupations environnementales s’entrechoquent d’une manière qui touche chaque Albertain.
« Nous menons essentiellement une expérience géologique massive, » m’a confié Dre Melissa Richardson alors que nous contemplions un bassin de résidus qui s’étendait jusqu’à l’horizon. Richardson, hydrogéologue environnementale à l’Université de l’Alberta, étudie la gestion des résidus depuis plus d’une décennie. « La question n’est pas seulement de savoir si nous pouvons pomper ces déchets sous terre, mais si nous devrions le faire. »
Le gouvernement albertain a récemment approuvé un projet pilote permettant aux entreprises énergétiques d’injecter des résidus traités profondément sous terre dans des formations rocheuses poreuses. Cela représente un changement significatif dans la façon dont notre province gère les sous-produits toxiques de l’exploitation des sables bitumineux.
Pour ceux qui ne connaissent pas la question, les résidus sont un mélange d’eau, d’argile, de sable et de bitume résiduel qui reste après le traitement des sables bitumineux. Ces bassins couvrent actuellement plus de 300 kilomètres carrés dans le nord de l’Alberta, certains étant visibles depuis l’espace.
Le gouvernement provincial présente cette injection souterraine comme une solution novatrice à un problème croissant. Le ministre de l’Énergie, Jonathan Brooks, l’a décrite comme « une percée technologique qui aligne la responsabilité environnementale avec le développement des ressources » lors d’une conférence de presse à laquelle j’ai assisté jeudi dernier.
Les représentants de l’industrie soulignent les avantages économiques. « Cette approche pourrait réduire les perturbations de surface tout en permettant une production énergétique continue qui soutient des milliers de familles albertaines, » a expliqué Sarah Mendelson, porte-parole de l’Association des producteurs d’énergie de l’Alberta, lors de notre conversation à leur bureau du centre-ville d’Edmonton.
Mais les défenseurs de l’environnement et certaines communautés autochtones expriment de sérieuses préoccupations concernant la contamination potentielle des eaux souterraines. Les résidus contiennent des acides naphténiques, des hydrocarbures aromatiques polycycliques et des métaux lourds qui pourraient présenter des risques à long terme.
« Une fois que ces produits chimiques sont sous terre, nous perdons le contrôle sur leur migration éventuelle, » a averti James Standing, coordinateur environnemental de la Première Nation chipewyan d’Athabasca. J’ai parlé avec Standing lors d’une réunion communautaire à Fort Chipewyan, où les résidents évitent déjà de consommer certains poissons de la rivière Athabasca en raison des préoccupations de contamination.
Les aspects techniques du plan comprennent le traitement des résidus pour éliminer certains contaminants avant de les injecter dans des aquifères salins profonds, généralement à plus d’un kilomètre sous terre. Ces formations contiennent déjà de l’eau naturellement saumâtre impropre à la consommation ou à l’agriculture.
L’évaluation environnementale de l’Alberta Energy Regulator suggère que ces formations profondes sont séparées des eaux souterraines utilisables par des couches rocheuses imperméables. Cependant, l’intégrité à long terme de ces barrières naturelles reste un point de débat scientifique.
Je n’ai pu m’empêcher de réfléchir à cela en retournant à Edmonton hier, en passant par de petites communautés dont les puits d’eau dépendent d’aquifères propres. La question de la responsabilité générationnelle pèse lourdement ici – les décisions que nous prenons aujourd’hui concernant la gestion des déchets affecteront les Albertains pendant des siècles.
Dr Thomas Wong de l’Institut Pembina, qui a partagé avec moi des données de leur dernier programme de surveillance environnementale, a noté: « Nous envisageons des périodes de confinement qui dépassent la civilisation humaine, pourtant nous prenons ces décisions en fonction de considérations économiques relativement à court terme. »
L’ampleur du défi est immense. Les bassins de résidus actuels contiennent environ 1,4 billion de litres de matières résiduelles. L’industrie a dépensé plus de 50 milliards de dollars pour la gestion des résidus, selon Environnement et Aires protégées de l’Alberta.
Le gouvernement provincial prévoit de finaliser les règlements pour une mise en œuvre à grande échelle d’ici début 2026, après les résultats du projet pilote. Des consultations publiques sont prévues tout au long de l’été, avec des sessions à Edmonton, Calgary et Fort McMurray.
Pour de nombreux Edmontoniens, l’exploitation des sables bitumineux représente à la fois une opportunité économique et une responsabilité environnementale. Le plan d’injection souterraine met en évidence cette tension, nous demandant de considérer quel héritage nous laissons aux générations futures.
En traversant la place Churchill hier après-midi, j’ai demandé à plusieurs résidents ce qu’ils pensaient du plan de gestion des résidus. La plupart ont exprimé de l’incertitude, reflétant la nature technique complexe de la question.
« Je veux croire qu’il existe une solution qui protège à la fois les emplois et l’environnement, » m’a dit Michael Townsend, un ingénieur mécanique que j’ai rencontré en prenant un café. « Mais je crains que nous ne repoussions les problèmes environnementaux à plus tard – ou dans ce cas, sous terre. »
Quelle que soit votre perspective, cette question mérite l’attention de chaque Albertain. Les décisions prises aujourd’hui concernant notre développement des ressources et la gestion des déchets façonneront le paysage environnemental et économique de notre province pour les générations à venir.