Dans le cœur du Plateau Mont-Royal, où la chaleur estivale se reflète sur les maisons en rangée colorées, Marianne Dubois pousse son chariot de recyclage le long de la rue Saint-Denis. Affectueusement surnommée « La Dame des déchets » par les résidents du quartier, cette enseignante retraitée de 63 ans est devenue une véritable icône du voisinage depuis six mois.
« Ça a commencé par simplement ramasser des détritus lors de mes promenades matinales, » me confie Marianne en séparant soigneusement une bouteille en plastique d’une poubelle à proximité. « Puis je me suis dit, pourquoi ne pas donner plus de sens à ce geste? »
Ce qui a débuté comme un engagement personnel pour la propreté du quartier s’est transformé en l’une des initiatives communautaires les plus touchantes de Montréal. Marianne collecte maintenant des recyclables dans cinq quartiers, convertissant les consignes en dons pour le Refuge Pour Chats de Montréal, un refuge local sans euthanasie qui lutte contre la surpopulation.
« Le mois dernier, nous avons récolté un peu plus de 1 200 $, » dit-elle fièrement. « Chaque cinq sous compte quand il s’agit de nourrir 300 animaux en attente d’un foyer. »
L’initiative a touché une corde sensible chez les Montréalais. Les fins de semaine, la mission solitaire de Marianne se transforme en événements communautaires qui attirent des dizaines de bénévoles. Des étudiants de l’Université McGill forment un contingent régulier, établissant des points de collecte sur tout le campus.
« Nous voyons ce que fait Marianne comme l’intersection parfaite entre l’activisme environnemental et la protection des animaux, » explique Sophie Chen, présidente de la Société environnementale de McGill. « Elle montre comment des actions simples peuvent résoudre plusieurs problèmes à la fois. »
Selon Recyc-Québec, l’agence provinciale de recyclage, seulement environ 65 % des contenants recyclables finissent réellement dans les filières de recyclage appropriées. L’initiative de Marianne détourne non seulement les matériaux des sites d’enfouissement, mais utilise l’argent des consignes pour un usage communautaire immédiat.
Jean-Philippe Martineau, directeur du Refuge Pour Chats de Montréal, affirme que le timing ne pourrait être meilleur. « L’été apporte toujours une vague d’animaux abandonnés. Les dons de Marianne nous ont aidés à élargir notre fonds médical d’urgence pour les cas les plus vulnérables. »
Le refuge a récemment utilisé des fonds de l’initiative de recyclage pour sauver un chat tigré gravement blessé trouvé près du Parc La Fontaine. Désormais nommé « Bouteille », ce félin en convalescence est devenu la mascotte officieuse de la campagne de nettoyage.
« Les gens sont touchés par les histoires, » explique Marianne. « Quand les bénévoles voient exactement comment leur travail se traduit en soins pour des animaux comme Bouteille, cela crée une motivation puissante. »
Les commerces locaux ont remarqué l’initiative. Le Café Olimpico et plusieurs autres établissements du Mile End conservent maintenant leurs recyclables spécifiquement pour les collectes du samedi de Marianne. La microbrasserie Messorem Bracitorium de Saint-Henri donne toutes les consignes de bouteilles provenant de leur salle de dégustation.
« Nous produisons beaucoup de contenants vides, » explique le brasseur Thomas Schweitzer. « Savoir qu’ils aident les animaux locaux tout en réduisant les déchets a parfaitement du sens pour nous et nos clients. »
L’initiative n’a pas été sans défis. Marianne a d’abord fait face au scepticisme de certains résidents inquiets de la voir collecter dans les bacs publics. L’arrondissement du Plateau Mont-Royal a résolu ce problème en lui fournissant un permis spécial et une veste d’uniforme distinctive qui identifie son rôle officiel dans la communauté.
« Maintenant les gens me saluent et parfois même m’applaudissent, » rit-elle. « Mes voisins pensaient que j’étais juste la folle qui fouillait dans le recyclage. Maintenant, ils gardent leurs bouteilles pour moi. »
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a récemment mis en avant ce programme lors d’une réunion du conseil sur les initiatives environnementales communautaires. « C’est exactement le genre d’action citoyenne qui rend notre ville spéciale, » a-t-elle noté. « Cela montre comment la responsabilité environnementale et l’entraide communautaire peuvent fonctionner ensemble. »
Ce succès a inspiré des efforts similaires à Verdun et NDG, où les résidents ont adapté le modèle de Marianne pour soutenir d’autres causes locales.
La climatologue Dr. Émilie Fortin de l’Université de Montréal souligne que ces initiatives hyperlocales ont une signification qui dépasse leur impact immédiat. « Quand les communautés voient des résultats tangibles d’actions environnementales, cela crée un élan pour des changements à plus grande échelle dans les comportements et les politiques. »
Alors que les touristes estivaux remplissent les rues du Vieux-Montréal, certains se joignent aux marches de nettoyage improvisées que Marianne organise via les réseaux sociaux. « Les visiteurs adorent participer à quelque chose d’authentiquement local, » explique-t-elle. « Ils découvrent notre système de recyclage, nos défis de bien-être animal, et ils vivent le vrai Montréal. »
Pour Marianne, l’attention croissante reste secondaire par rapport au travail quotidien. Je l’accompagne pour la dernière partie de son itinéraire matinal, l’observant trier soigneusement les matériaux avec des mains gantées, saluant les voisins en français comme en anglais.
« Les animaux ne peuvent pas attendre de grands changements politiques ou des systèmes parfaits, » me dit-elle, en plaçant délicatement un jouet pour chat récupéré dans son sac personnel pour le nettoyer et le donner. « Ils ont besoin d’aide aujourd’hui, et nos rues ont besoin d’attention aujourd’hui. Alors nous faisons ce que nous pouvons, là où nous sommes, avec ce que nous avons. »
Pour rejoindre les efforts de nettoyage de La Dame des déchets ou en savoir plus sur le Refuge Pour Chats de Montréal, les résidents peuvent contacter leur bureau d’arrondissement ou visiter le site web du refuge.
Alors que Montréal continue de faire face à des défis de gestion des déchets et de bien-être animal, Marianne Dubois prouve que parfois les solutions les plus efficaces viennent de citoyens ordinaires qui refusent simplement de passer devant les problèmes sans agir.