Cela fait plusieurs mois que je suis l’augmentation de la désinformation politique générée par l’intelligence artificielle, et ce qui se passe actuellement dans l’Ouest canadien exige notre attention immédiate. Hier, j’ai reçu plusieurs messages de résidents inquiets de Calgary concernant des vidéos circulant sur les réseaux sociaux, mettant en scène ce qui semblait être des politiciens locaux tenant des propos absurdes.
Après avoir enquêté sur ces vidéos, je peux confirmer qu’elles sont entièrement synthétiques – du contenu sophistiqué généré par IA, conçu pour induire les électeurs en erreur avant les prochaines élections.
Les vidéos montrent des répliques étrangement convaincantes de politiciens de tout le spectre politique, délivrant des messages qu’ils n’ont jamais réellement prononcés. Un clip fabriqué présente un haut responsable albertain qui semble préconiser des augmentations « secrètes » de la taxe carbone – une déclaration qu’il a vigoureusement niée avoir faite.
Cette tendance ne se limite pas à notre province. Selon un rapport récent du Centre de la sécurité des télécommunications, le Canada a connu une augmentation de 72% de la désinformation politique générée par IA ciblant les provinces de l’Ouest au cours des six derniers mois.
« Ces hypertrucages représentent la menace la plus sophistiquée à l’intégrité électorale que nous ayons rencontrée », explique Dre Sarah Chen, directrice de l’Institut de démocratie numérique à l’Université de Calgary. « La technologie a tellement progressé que le citoyen moyen aurait d’énormes difficultés à distinguer ces faux des vidéos authentiques. »
Ce qui est particulièrement préoccupant pour les Calgariens, c’est la localisation de ces attaques. Les créateurs ne ciblent pas seulement des figures nationales, mais calibrent leur désinformation pour exploiter les tensions régionales spécifiques concernant la politique énergétique, l’autonomie provinciale et l’immigration.
J’ai parlé avec Michel Thornton, expert en cybersécurité au Centre canadien pour la cybersécurité, qui a souligné un modèle troublant : « Les vidéos semblent conçues pour exacerber les divisions politiques existantes, particulièrement en Alberta et en Saskatchewan. Nous avons retracé plusieurs campagnes à des acteurs étrangers tentant d’influencer la politique provinciale. »
Durant mes 15 années à couvrir la politique de Calgary, j’ai été témoin de diverses tactiques de désinformation, mais rien n’approche la sophistication de ce que nous voyons aujourd’hui. La technologie d’IA crée des mouvements de lèvres parfaitement synchronisés, des expressions faciales naturelles et des modèles vocaux indiscernables des vrais politiciens.
Élections Canada et les organismes électoraux provinciaux ont lancé des campagnes d’urgence de sensibilisation du public, mais ils mènent une bataille difficile. Une fois que ces fausses vidéos se propagent via les réseaux sociaux, les efforts de démystification peinent à atteindre le même auditoire.
Jasmine Singh, entrepreneuse locale en technologie, a développé une extension de navigateur qui signale le contenu politique potentiellement généré par IA. « Nous utilisons une combinaison d’analyse de métadonnées et de vérification par blockchain pour aider les utilisateurs à identifier les vidéos suspectes », m’a confié Singh lors de notre entretien dans son bureau d’Inglewood. « Mais la technologie seule ne peut pas résoudre ce problème – nous avons besoin d’éducation à la littératie numérique. »
La défense la plus efficace reste des habitudes critiques de consommation médiatique. Vérifiez les informations via les canaux officiels avant de les partager, consultez plusieurs sources d’information fiables, et soyez particulièrement sceptique face au contenu politique émotionnellement chargé, surtout lorsqu’il confirme vos convictions existantes.
La semaine dernière, j’ai assisté à un atelier de littératie numérique à la Bibliothèque publique de Calgary où les participants ont appris des compétences pratiques pour repérer les hypertrucages. La salle comble témoignait de l’inquiétude croissante de la communauté concernant cette question.
« Ce qui m’a le plus inquiétée, c’était de découvrir combien de ces vidéos j’avais déjà vues sans remettre en question leur authenticité », a admis Éléanore Grayson, une enseignante retraitée qui participait à l’atelier.
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes a proposé de nouvelles réglementations obligeant les plateformes de médias sociaux à mettre en œuvre des protocoles de vérification plus stricts, mais ces mesures ne seront pas mises en place avant plusieurs mois.
Entre-temps, le Service de police de Calgary a établi une unité dédiée enquêtant sur les cas les plus nuisibles d’hypertrucages liés aux élections, bien que les poursuites restent difficiles en vertu des lois actuelles.
À l’approche de la saison électorale, rester vigilant quant à nos sources d’information n’a jamais été aussi crucial. Pour nous, Calgariens, qui nous enorgueillissons de prendre des décisions éclairées, cette nouvelle frontière de désinformation présente un défi sans précédent pour notre processus démocratique.
Les vidéos ciblant notre région représentent quelque chose au-delà du spin politique ordinaire – elles constituent une attaque directe contre notre capacité à distinguer les faits de la fiction. Et cela devrait préoccuper chaque électeur de Calgary, indépendamment de son affiliation politique.