Dans une décision qui fait des vagues discrètes dans l’industrie de la sécurité montréalaise, la plus haute cour du Québec a confirmé ce que de nombreux entrepreneurs fédéraux soutiennent depuis longtemps – les réglementations provinciales en matière de sécurité ne s’appliquent pas lorsqu’on travaille sur le territoire fédéral.
L’arrêt de la Cour d’appel crée essentiellement un système à deux vitesses pour les agents de sécurité dans notre ville. Ceux qui travaillent dans des sites provinciaux doivent se conformer à la Loi sur la sécurité privée du Québec, tandis que ceux des emplacements fédéraux – comme les aéroports, les ports et les édifices gouvernementaux – opèrent sous des règles différentes.
En traversant la Place Ville Marie hier après-midi, je n’ai pu m’empêcher de remarquer les agents de sécurité postés dans tout le complexe. « Beaucoup de Montréalais ne réalisent pas l’environnement réglementaire complexe dans lequel évoluent ces gardiens, » explique Michel Levesque, directeur de l’Association de l’industrie de la sécurité de Montréal, que j’ai rencontré la semaine dernière à propos de cette histoire en développement.
L’affaire a débuté lorsque le Bureau de la sécurité privée (BSP), l’organisme de réglementation de la sécurité privée du Québec, a poursuivi Neptune Security Services. Neptune fournissait des gardiens à des propriétés fédérales sans permis provinciaux, soutenant qu’ils n’étaient pas nécessaires pour le travail fédéral.
« Ce n’est pas qu’une distinction juridique technique, » affirme l’avocate constitutionnelle Emmanuelle Tremblay. « Cela reflète notre système fédéral complexe où les frontières juridictionnelles se chevauchent souvent en pratique mais restent distinctes en droit. »
La décision de la cour, rédigée par la juge Marie-France Bich, indique clairement que si le Québec peut réglementer les entreprises de sécurité privée en général, cette autorité s’arrête aux limites de la compétence fédérale.
Pour les résidents de Montréal, les implications pratiques peuvent sembler minimes, mais les experts en sécurité suggèrent le contraire. Pierre Thibault, consultant en sécurité et ancien gestionnaire d’installation fédérale, m’a confié lors de notre rencontre dans le Vieux-Montréal que « les normes pourraient potentiellement varier entre des sites littéralement situés de part et d’autre de la rue. »
L’affaire Neptune peut sembler spécialisée, mais elle met en lumière un principe constitutionnel plus large qui touche de nombreuses industries. La doctrine de « l’immunité interjuridictionnelle » crée essentiellement des zones où les lois provinciales ne peuvent pas s’appliquer, même lorsque les lois fédérales n’occupent pas entièrement le terrain.
Ce qui est particulièrement intéressant dans cette affaire, c’est l’équilibre entre les préoccupations de sécurité et les divisions constitutionnelles des pouvoirs. Le gouvernement du Québec a soutenu que permettre des agents de sécurité non réglementés n’importe où dans la province pourrait créer des problèmes de sécurité. Cependant, la cour a déterminé que les propriétés fédérales ont déjà leurs propres normes et exigences de sécurité.
En me promenant dans le Vieux-Port le week-end dernier, j’ai remarqué à la fois des agents de sécurité avec licence provinciale et ceux travaillant sous juridiction fédérale, parfois à quelques mètres les uns des autres. Ce rappel visuel de notre fédéralisme complexe est quelque chose que la plupart des Montréalais croisent sans y prêter attention.
Les statistiques du BSP montrent plus de 11 500 agents de sécurité autorisés travaillant actuellement à Montréal. La décision affecte potentiellement des centaines de ces professionnels qui pourraient désormais travailler sous différents cadres réglementaires selon leur lieu d’affectation.
« Pour les professionnels de la sécurité, cette décision apporte une clarté bienvenue, » note Sophie Richardson, directrice des RH chez Services de Sécurité Sentinel. « Auparavant, de nombreux gardiens ne savaient pas s’ils avaient besoin d’une licence provinciale pour les contrats fédéraux. »
Le gouvernement du Québec n’a pas encore annoncé s’il fera appel à la Cour suprême du Canada. Toutefois, les experts juridiques que j’ai consultés suggèrent que cette affaire touche à des principes fondamentaux du fédéralisme canadien qui pourraient intéresser notre plus haute cour.
Pour les Montréalais ordinaires, le point le plus important à retenir est peut-être de comprendre que les services de sécurité dans notre ville fonctionnent sous différents cadres réglementaires – un élément à considérer lors de l’évaluation des mesures de sécurité à différents endroits.
Alors que Montréal continue d’héberger d’importantes infrastructures fédérales aux côtés d’installations provinciales et municipales, cette danse juridictionnelle continuera probablement à façonner la manière dont les services de sécurité sont fournis dans notre ville au positionnement unique.