Dans un coin animé de Montréal, un groupe de jeunes autochtones vit une expérience que la plupart d’entre nous tenons pour acquise – l’accès illimité à l’eau potable. « Je me douche tellement », s’exclame Delaney, 17 ans, les yeux brillants d’excitation en décrivant son séjour dans un hôtel du centre-ville où l’eau coule librement de chaque robinet.
Pour ces élèves de la Première Nation de Neskantaga, dans le nord de l’Ontario, ce voyage à Montréal représente une évasion temporaire d’une réalité dévastatrice. Leur communauté est soumise à un avis concernant la qualité de l’eau depuis plus de 25 ans – le plus long de l’histoire canadienne. Beaucoup de ces adolescents n’ont jamais su ce que signifie ouvrir un robinet chez soi et avoir confiance en ce qui en sort.
Le voyage à Montréal s’est concrétisé grâce à un partenariat éducatif entre la Première Nation et des organismes locaux engagés dans l’échange culturel. Ce qui a commencé comme une opportunité d’apprentissage est devenu une expérience puissante mettant en lumière les fortes disparités dans les services essentiels à travers notre pays.
« C’est choquant de penser que cela se passe au Canada », déclare Marie Fournier, une enseignante montréalaise qui a aidé à coordonner la visite. « Ces élèves vivent à quelques heures d’avion de notre ville, mais ils font face à des conditions dignes du tiers-monde en ce qui concerne l’accès à l’eau. »
À Neskantaga, environ 300 résidents dépendent d’une petite installation de traitement d’eau qui n’a pas réussi à fournir de l’eau potable sécuritaire depuis 1995. Les membres de la communauté doivent recueillir de l’eau embouteillée pour boire et cuisiner, tandis que prendre un bain ou faire la lessive signifie rationner soigneusement chaque goutte.
L’itinéraire des élèves comprend des visites des sites emblématiques de Montréal, des centres culturels et des établissements d’enseignement. Cependant, beaucoup disent que le simple plaisir des douches illimitées et de boire directement du robinet a été la partie la plus significative de leur voyage.
« J’aimerais pouvoir ramener ce sentiment à la maison », dit Jordan, 16 ans, en désignant la salle de bain de l’hôtel. « Tout le monde mérite cela. »
Services aux Autochtones Canada rapporte qu’en mai 2025, 33 avis à long terme sur la qualité de l’eau potable restent en vigueur dans tout le pays, malgré les promesses du gouvernement d’y mettre fin. Les critiques soutiennent que les progrès ont été trop lents et le financement insuffisant pour remédier à des décennies de négligence des infrastructures.
Dr. Amanda Cohen, chercheuse en sécurité hydrique à l’Université McGill, explique que la crise va au-delà de l’inconvénient. « L’exposition constante à l’eau contaminée crée de graves problèmes de santé, notamment des infections cutanées, des problèmes gastro-intestinaux et une vulnérabilité accrue aux maladies d’origine hydrique », note-t-elle.
L’impact psychologique est tout aussi dommageable. « Il y a un profond sentiment d’injustice quand on grandit en comprenant que d’autres Canadiens ne font pas face à ces difficultés », explique l’aîné de la communauté, Robert Moonias, qui a accompagné les élèves. « Ces jeunes méritent les mêmes opportunités que n’importe qui d’autre. »
Les Montréalais ont chaleureusement accueilli les élèves en visite. Plusieurs entreprises locales ont fait don de fournitures et d’expériences, tandis que des étudiants universitaires ont organisé des activités d’échange culturel mettant en valeur les traditions autochtones et québécoises partagées.
« Rencontrer ces adolescents a été révélateur », dit Monique Tremblay, qui a organisé un repas traditionnel pour le groupe. « Ils font preuve d’une telle résilience malgré des circonstances qui briseraient beaucoup d’entre nous. »
Les élèves documentent leurs expériences par la photographie et des journaux, prévoyant de partager leurs perspectives à leur retour. Plusieurs ont exprimé leur intérêt à poursuivre éventuellement des carrières en génie environnemental ou en politique – inspirés par leur compréhension directe des inégalités d’infrastructure.
Alors que leur visite d’une semaine touche à sa fin, le contraste entre l’abondance de Montréal et ce qui les attend chez eux devient plus apparent. Pourtant, les élèves gardent espoir que leur génération verra du changement.
« Peut-être qu’un jour j’ouvrirai un robinet à Neskantaga et l’eau sera aussi propre qu’ici », dit Delaney. « En attendant, je me souviendrai de cette sensation et continuerai à me battre pour l’obtenir. »
Pour les Montréalais qui suivent cette histoire, cela sert de puissant rappel des privilèges facilement négligés et de la lutte continue pour l’équité fondamentale à l’intérieur de nos frontières.