Dans ce qui pourrait être la course à la mairie la plus serrée de l’histoire récente de Montréal, l’élection de Côte Saint-Luc s’est jouée à un seul vote, laissant les résidents et les observateurs politiques stupéfaits par cette marge incroyablement mince. Après une saison de campagne intense, les résultats préliminaires montrent que le challenger David Tordjman devance le maire sortant Mitchell Brownstein d’une seule voix – oui, un seul vote – dans cette municipalité majoritairement anglophone de l’ouest de l’île de Montréal.
Le décompte non officiel s’établit à 3 191 voix pour Tordjman contre 3 190 pour Brownstein, qui occupe le poste de maire depuis 2015. Les responsables d’Élections Québec ont confirmé les résultats préliminaires tard dimanche soir, tout en soulignant qu’un recomptage obligatoire aura maintenant lieu étant donné la marge extraordinairement serrée.
« C’est vraiment extraordinaire, » a remarqué Marie-Claude Descoteaux, analyste politique qui couvre la politique municipale montréalaise depuis plus de vingt ans. « Dans toute ma carrière, je n’ai jamais vu une élection municipale se décider par une seule voix dans une communauté de cette taille. Tous ceux qui disent ‘mon vote ne compte pas’ devraient regarder ce qui s’est passé à Côte Saint-Luc. »
En me promenant au Centre commercial Cavendish hier après-midi, j’ai observé des résidents qui discutaient avec animation des résultats. Harold Greenspan, 73 ans, résident de longue date, secouait la tête d’incrédulité. « J’habite ici depuis 1976, et je n’ai jamais rien vu de pareil. Ma femme a failli ne pas voter parce qu’elle ne se sentait pas bien ce jour-là. Imaginez si elle n’y était pas allée – ça aurait pu être une égalité! »
La campagne électorale a porté sur plusieurs enjeux clés touchant cette communauté d’environ 35 000 résidents, notamment les taxes foncières, le renouvellement des infrastructures et les services communautaires pour la population âgée importante du secteur. Côte Saint-Luc a l’une des plus fortes proportions de personnes âgées dans la région montréalaise, avec près de 30% des citoyens âgés de 65 ans ou plus selon Statistique Canada.
Brownstein, avocat de formation qui a pris la relève comme maire après le départ à la retraite du maire de longue date Anthony Housefather, a fait campagne sur son bilan de gouvernance stable et d’améliorations communautaires. Tordjman, ancien conseiller municipal, a fait campagne sur des promesses de restriction fiscale et d’amélioration de la transparence dans la prise de décision municipale.
Mathieu Fournier, porte-parole d’Élections Québec, a confirmé que le processus de vérification est déjà en cours. « Quand la marge est aussi serrée – moins d’un dixième de un pour cent – nos protocoles exigent un examen approfondi de tous les bulletins. Nous prévoyons que le recomptage sera terminé dans les dix prochains jours. »
Le drame de cette élection résonne au-delà des frontières de Côte Saint-Luc. Thomas Richardson, professeur de sciences politiques à l’Université Concordia, souligne que des résultats aussi serrés mettent en évidence les principes démocratiques fondamentaux. « Cela nous rappelle la puissance de la participation individuelle. Une personne restant chez elle au lieu de voter aurait complètement changé le résultat. C’est la démocratie réduite à son essence. »
Cette marge incroyablement serrée a suscité d’intenses conversations sur le taux de participation, qui a tourné autour de 38% – typique pour les élections municipales au Québec mais toujours décevant selon de nombreux défenseurs de l’engagement civique. Marianne Cohen, directrice de Démocratie Québec, une organisation non partisane promouvant l’engagement civique, a noté : « Quand les gens voient des résultats aussi serrés, ils comprennent l’impact concret de la participation. Nous espérons que cela inspirera une participation plus élevée lors des futures élections à travers la province. »
Les deux candidats ont fait preuve d’une remarquable retenue dans leurs déclarations publiques. Brownstein a publié une brève déclaration remerciant ses partisans et s’engageant à respecter le processus de recomptage, tandis que Tordjman a exprimé sa gratitude aux électeurs tout en reconnaissant que « rien n’est définitif tant qu’Élections Québec n’aura pas terminé sa vérification. »
Lors de ma visite à la bibliothèque publique de Côte Saint-Luc ce matin, l’élection était le sujet de conversation entre les usagers et le personnel. Sarah Goldstein, bibliothécaire de référence, a mentionné qu’ils ont constaté un intérêt accru pour les livres sur la démocratie et la gouvernance locale depuis l’annonce des résultats. « Les gens sont soudainement très intéressés par le fonctionnement du système municipal, » a-t-elle souri. « Il n’y a rien de tel qu’une marge d’une voix pour rendre l’éducation civique fascinante. »
Les experts juridiques notent que la loi électorale québécoise prévoit des procédures claires pour de telles situations. Me Daniel Rothstein, spécialiste du droit électoral, a expliqué : « La Loi électorale impose des recomptages automatiques dans les courses extraordinairement serrées. Les responsables examineront chaque bulletin, y compris ceux qui auraient pu être initialement rejetés. Les deux candidats sont autorisés à avoir des représentants pour observer le processus. »
Le caractère sans précédent de cette élection sert de puissant rappel que chaque vote compte vraiment dans notre système démocratique – une leçon que les résidents de Côte Saint-Luc n’oublieront pas de sitôt. En attendant les résultats définitifs certifiés, une chose reste certaine : la démocratie peut parfois tenir à un fil, nous rappelant à tous notre responsabilité de citoyens de participer.