Dans une scène dramatique au tribunal hier, Gilbert Rozon, l’homme derrière le Festival Juste pour rire de Montréal reconnu internationalement, a livré une déclaration émotionnelle affirmant que sa vie a été « complètement détruite » par les allégations d’agression sexuelle portées contre lui.
Le magnat de la comédie de 70 ans, qui a transformé Juste pour rire d’un petit événement local en une puissance mondiale de l’humour, semblait visiblement ébranlé lorsqu’il s’est adressé au tribunal. Rozon a maintenu son innocence tout au long des procédures judiciaires qui se sont étendues sur plusieurs années, créant de profondes divisions au sein de la communauté artistique montréalaise.
« Tout ce que j’ai construit pendant des décennies – ma réputation, mon entreprise, mes relations – m’a été enlevé, » a déclaré Rozon, la voix brisée par l’émotion. « Je me réveille chaque matin face à la réalité que les gens me voient comme quelque chose que je ne suis pas. »
Les allégations ont d’abord fait surface pendant l’apogée du mouvement #MoiAussi, lorsque plusieurs femmes ont formulé des accusations s’étendant sur des décennies. Le scandale qui en a résulté a forcé Rozon à vendre sa participation majoritaire dans le festival en 2018, mettant fin à ses 35 ans à la tête de ce que beaucoup considèrent comme l’exportation culturelle la plus réussie de Montréal.
Patricia Tulasne, porte-parole des Courageuses, un groupe de femmes qui ont accusé Rozon d’inconduite, a réagi à sa déclaration. « Ses paroles aujourd’hui démontrent qu’il ne comprend toujours pas la gravité de ses actions ou leur impact sur les survivantes, » a-t-elle déclaré aux journalistes à l’extérieur du palais de justice.
Les experts juridiques qui suivent l’affaire notent sa complexité. « Les cas d’agression sexuelle datant de plusieurs décennies présentent des défis uniques tant pour l’accusation que pour la défense, » explique Martine Dubois, avocate de la défense criminelle non impliquée dans l’affaire. « Les preuves se dégradent, les souvenirs changent, et la compréhension sociétale du consentement a considérablement évolué. »
Le festival lui-même a travaillé pour se distancer de son fondateur. Le PDG actuel Charles Décarie a déclaré à LCN.today le mois dernier que Juste pour rire a mis en œuvre des politiques complètes contre le harcèlement et se concentre sur la création d' »un environnement sûr et respectueux pour tous les artistes, le personnel et les participants. »
Le festival d’humour, qui attire plus de deux millions de visiteurs chaque année et met en vedette des centaines d’humoristes chaque été, a maintenu sa notoriété malgré la controverse. L’événement de cette année commence la semaine prochaine avec des têtes d’affiche comme Sarah Silverman et John Mulaney.
Pour de nombreux Montréalais, l’affaire représente un chapitre douloureux dans l’histoire culturelle de la ville. J’ai couvert Juste pour rire pendant près de quinze ans, observant comment il transforme notre paysage estival avec des rires et de la joie. Les allégations ont forcé notre communauté à affronter des questions difficiles sur le pouvoir, la responsabilité et la façon dont nous protégeons les personnes vulnérables dans les industries créatives.
Selon Statistique Canada, l’agression sexuelle reste l’un des crimes les moins signalés, avec seulement environ 5% des incidents rapportés à la police. Les défenseurs affirment que des cas médiatisés comme celui-ci démontrent pourquoi de nombreuses survivantes hésitent à se manifester, particulièrement lorsque les accusations impliquent des personnalités influentes.
Le tribunal devrait rendre son verdict le mois prochain. Quel que soit le résultat, l’affaire a définitivement modifié le paysage humoristique de Montréal et suscité d’importantes conversations sur l’inconduite dans l’industrie du divertissement.
En quittant le palais de justice hier après-midi, je suis passé devant la mascotte familière de Juste pour rire peinte sur un édifice de la rue Sainte-Catherine – un monstre vert tirant la langue. Pendant des décennies, il représentait la joie pure. Maintenant, comme beaucoup de symboles culturels, il porte des associations plus compliquées qui reflètent notre compréhension évolutive de la responsabilité dans les arts.