Dans une salle d’audience bondée à Ottawa aujourd’hui, les leaders du mouvement de protestation du convoi, Tamara Lich et Chris Barber, ont reçu des peines conditionnelles, marquant un chapitre important dans l’un des épisodes les plus clivants de l’histoire canadienne récente.
La juge Heather Perkins-McVey a rendu sa décision après des mois de procédures judiciaires, condamnant les deux accusés à des peines qui leur permettent d’éviter l’incarcération s’ils respectent des conditions strictes. Cette décision reflète l’équilibre recherché par le tribunal entre responsabilité et proportionnalité pour les manifestations de février 2022 qui ont paralysé le centre-ville d’Ottawa pendant des semaines.
« Les scènes dans notre centre-ville ressemblaient davantage à une occupation qu’à une manifestation, » a souligné la juge Perkins-McVey, s’adressant à la galerie comble. « Cependant, le tribunal doit considérer à la fois la nature des infractions et les antécédents des accusés. »
Lich, devenue le visage public du « Convoi de la liberté« , est apparue stoïque tout au long de la procédure, hochant occasionnellement la tête à ses partisans dans la salle. Barber, debout à côté d’elle, est resté impassible pendant la lecture des conditions.
La protestation, qui a commencé comme une opposition aux mandats de vaccination contre la COVID-19 pour les camionneurs transfrontaliers, s’est transformée en un mouvement plus large contre les restrictions liées à la pandémie. Pendant près de trois semaines, des centaines de véhicules ont bloqué les rues d’Ottawa tandis que des milliers de manifestants créaient ce que les résidents ont décrit comme une situation intolérable.
Le chef de la police d’Ottawa, Eric Stubbs, s’exprimant à l’extérieur du palais de justice, a souligné que la sentence envoie un message sur les limites des droits de manifestation. « Il existe une ligne claire entre la manifestation légale et la perturbation dont nous avons été témoins. Cette décision reconnaît cette distinction. »
De nombreux résidents du centre-ville ont exprimé des sentiments mitigés quant au résultat. Sarah Leblanc, qui habite près de la Colline du Parlement, m’a confié qu’elle ressent encore l’impact émotionnel de ces semaines. « Je ne pouvais pas dormir avec les klaxons qui retentissaient toute la nuit. Mes enfants avaient peur de sortir. Bien que je croie au droit de manifester, ce qui s’est passé n’était pas qu’une simple manifestation. »
L’impact économique reste un sujet de discussion parmi les commerçants locaux. Selon l’Association d’amélioration des affaires d’Ottawa, les entreprises du centre-ville ont perdu environ 13 millions de dollars pendant les manifestations. Le Centre Rideau, seul, forcé de fermer pendant près de trois semaines, a signalé des pertes dépassant 3 millions de dollars.
James Robertson, défenseur de la communauté, estime que la sentence reflète l’approche canadienne de la justice. « Il ne s’agit pas de vengeance, mais de responsabilité tout en permettant la réhabilitation. C’est fondamentalement canadien. »
Les manifestations du convoi ont déclenché la toute première invocation de la Loi sur les mesures d’urgence par le gouvernement de Justin Trudeau, une décision controversée qui continue de se répercuter dans la politique canadienne. La Commission sur l’état d’urgence, dirigée par le juge Paul Rouleau, a par la suite jugé justifié le recours à la Loi par le gouvernement, tout en notant d’importantes défaillances policières dans la réponse initiale.
La réaction parlementaire s’est divisée selon des lignes familières. Les députés conservateurs ont qualifié la peine de trop sévère, tandis que les membres libéraux et néo-démocrates ont généralement soutenu la décision du tribunal. Cette division politique reflète la polarisation qui a défini le discours canadien depuis la pandémie.
Les experts juridiques voient des implications plus larges dans la décision d’aujourd’hui. Jennifer Quaid, professeure de droit à l’Université d’Ottawa, explique: « Cette affaire établit d’importants précédents concernant les limites de la manifestation dans la démocratie canadienne. Le tribunal a reconnu le droit de manifester tout en affirmant que l’occupation indéfinie de l’espace public dépasse ces droits. »
Pour les résidents d’Ottawa, la décision d’aujourd’hui peut offrir une certaine clôture, bien que les divisions persistent. Les initiatives de guérison communautaire se poursuivent dans toute la ville, les associations de quartier organisant des dialogues visant à reconstruire la confiance.
Debout sur la rue Sparks après le verdict, les édifices du Parlement visibles au loin, le poids de ces événements flotte encore dans l’air automnal. Ayant couvert la politique d’Ottawa pendant près de deux décennies, j’ai rarement vu notre ville si profondément affectée par un seul événement.
Alors que la foule se dispersait à l’extérieur du palais de justice, je n’ai pu m’empêcher de remarquer à la fois le soulagement et la tension sur les visages des passants. Certains étaient festifs, d’autres consternés. Ottawa poursuit son chemin vers la réconciliation avec ce chapitre difficile, une conversation à la fois.
La saga juridique n’est peut-être pas tout à fait terminée, les avocats de la défense ayant indiqué qu’ils envisagent un appel. Entre-temps, les leçons de ces trois semaines de février continuent d’alimenter les discussions sur la nature de la manifestation, les limites de la désobéissance civile et la résilience des communautés en crise.
 
					 
		 
		 
		