Dans un développement crucial pour le paysage judiciaire d’Ottawa, la juge Heather Perkins-McVey a fixé au 7 octobre la date de détermination de la peine pour les organisateurs du Convoi de la liberté, Tamara Lich et Chris Barber. Les deux accusés, qui étaient à la tête des manifestations de 2022 ayant paralysé le centre-ville d’Ottawa pendant près de trois semaines, ont été reconnus coupables de plusieurs chefs d’accusation, notamment de méfait, d’intimidation et d’avoir conseillé à d’autres de violer la loi.
Le convoi qui est arrivé dans notre ville en janvier 2022 a transformé l’enceinte parlementaire habituellement tranquille d’Ottawa en ce que de nombreux résidents ont décrit comme une zone d’occupation. Des milliers de manifestants, accompagnés de centaines de camions et de véhicules, ont bloqué les rues tout en faisant retentir leurs klaxons à toute heure. Les manifestations, initialement centrées sur l’opposition aux obligations vaccinales contre la COVID-19 pour les camionneurs transfrontaliers, se sont rapidement transformées en un mouvement plus large contre les restrictions liées à la pandémie.
« L’impact sur les résidents du centre-ville a été profond, » témoigne Michel Tremblay, qui habite à trois pâtés de maisons de la Colline du Parlement. « Pour ceux d’entre nous qui l’ont vécu directement, le convoi n’était pas simplement une manifestation—il a perturbé notre capacité à travailler, à dormir et à circuler librement dans nos propres quartiers. »
La Couronne réclame une peine d’emprisonnement avec sursis de 30 jours pour Barber et une peine d’emprisonnement significative pour Lich, potentiellement jusqu’à 20 mois. Les procureurs ont souligné le caractère « sans précédent » du convoi et sa perturbation considérable du cœur de la capitale. Les équipes de défense ont répondu en demandant des absolutions conditionnelles, soutenant que leurs clients n’ont fait qu’exercer leur droit démocratique de manifester.
Durant le long procès qui s’est conclu ce printemps, le tribunal a entendu des dizaines de témoins, dont des résidents locaux, des commerçants et des policiers. Les preuves présentées comprenaient de nombreuses publications sur les réseaux sociaux, des messages texte échangés entre organisateurs et des séquences vidéo documentant l’ampleur et l’impact des manifestations.
La Zone d’amélioration commerciale d’Ottawa a signalé des pertes économiques dépassant 44 millions de dollars pendant les trois semaines de protestation, de nombreuses petites entreprises ayant été contraintes de fermer temporairement. La ville elle-même a engagé des coûts d’environ 37 millions de dollars liés aux services policiers, au nettoyage et aux efforts de restauration.
« La sentence établira un précédent important concernant l’équilibre entre le droit de manifester et les droits des communautés touchées par des manifestations prolongées, » note Dr. Jean-Pierre Gagnon, professeur de droit constitutionnel à l’Université d’Ottawa. « Quel que soit le résultat, il influencera probablement la gestion de manifestations similaires à l’avenir. »
Le convoi a finalement pris fin après que le gouvernement fédéral ait invoqué la Loi sur les mesures d’urgence pour la première fois dans l’histoire canadienne, accordant aux autorités des pouvoirs élargis pour déloger les manifestants. Cette décision controversée demeure l’objet de débats et d’enquêtes en cours.
Pour de nombreux résidents d’Ottawa, la sentence à venir représente plus que la simple conclusion d’un processus juridique—il s’agit de responsabilité pour un événement qui a fondamentalement changé leur perception de la sécurité dans la capitale.
« Nous sommes une ville habituée aux manifestations, » affirme Sophie Lavoie, propriétaire d’un petit café au marché By. « Mais ce qui s’est passé durant ces semaines était complètement différent. Il reste encore des traumatismes persistants pour de nombreuses entreprises et résidents du centre-ville. »
L’audience de détermination de la peine en octobre devrait attirer une attention publique considérable, avec probablement des rassemblements de partisans des organisateurs du convoi et de ceux qui se sont opposés aux manifestations devant le palais de justice.
Quelle que soit la décision de la juge Perkins-McVey, elle influencera sans doute les conversations sur les limites de la manifestation, la protection des espaces publics et le difficile équilibre entre la liberté d’expression et le bien-être communautaire—des questions qui continuent de résonner profondément dans notre capitale bien après le départ du dernier camion.