En parcourant les quartiers de Toronto cette semaine, on remarque un changement indéniable dans l’atmosphère autour des divers lieux de culte de notre ville. Les voitures de police circulent plus fréquemment autour des synagogues, des agents se tiennent vigilants devant les mosquées pendant les heures de prière, et le personnel de sécurité effectue des contrôles de sacs plus minutieux dans les centres communautaires.
« Nous avons augmenté notre présence visible dans toutes les institutions religieuses du Grand Toronto, » confirme la surintendante Pauline Gray de la police de Toronto lors du point presse d’hier. « C’est une mesure proactive pour assurer que chacun se sente en sécurité en pratiquant sa foi pendant cette période difficile. »
Cette sécurité renforcée fait suite aux tensions croissantes au Moyen-Orient qui ont tragiquement eu des répercussions dans nos communautés locales. Pas plus tard que le week-end dernier, la synagogue Beth Shalom à North York a signalé des graffitis inquiétants sur ses murs extérieurs, tandis que le Centre islamique Al-Taqwa a reçu des appels téléphoniques menaçants.
Le rabbin David Goldstein de Beth Shalom me confie que ces mesures de sécurité suscitent des émotions mitigées. « Nous sommes reconnaissants pour la protection, mais attristés qu’elle soit nécessaire, » dit-il en ajustant sa kippa alors que nous parlons à l’extérieur de sa synagogue où une voiture de police stationne à proximité. « Notre congrégation compte des survivants de l’Holocauste. Voir la police postée devant des édifices religieux ravive des souvenirs difficiles. »
La Police régionale de York a déployé des unités spécialisées dans les lieux de culte à travers Vaughan, Richmond Hill et Markham – des secteurs avec d’importantes populations juives et musulmanes. Leur Unité d’engagement communautaire effectue des visites quotidiennes auprès des leaders religieux.
« Nous ne prenons aucun risque, » affirme l’agent Wei Chen de la PRY. « Nos officiers ont reçu une formation supplémentaire pour reconnaître et répondre aux incidents motivés par la haine. » Chen note que les crimes haineux signalés dans le GTA ont augmenté de 37% par rapport à la même période l’an dernier, selon les données préliminaires de la police.
À la Société islamique de Toronto, les prières du vendredi incluent désormais des briefings de sécurité. L’imam Hassan Mahmood partage que la fréquentation a initialement chuté quand les tensions ont éclaté à l’étranger, mais les membres de la communauté reviennent progressivement. « La présence policière visible aide, mais nous formons également nos propres bénévoles aux protocoles de sécurité de base, » explique Mahmood.
La protection accrue s’étend au-delà des communautés juives et musulmanes. Les gurdwaras sikhs, les temples hindous et les églises desservant les chrétiens du Moyen-Orient ont tous vu des mesures de sécurité renforcées.
Le Conseil interconfessionnel de Toronto a joué un rôle déterminant dans la coordination des efforts de réponse. Leur réunion d’urgence mardi dernier a rassemblé des leaders de huit traditions religieuses pour développer une approche unifiée. La présidente du Conseil, la révérende Diane Jackson, souligne que « la division est exactement ce que veulent les extrémistes. Nous sommes déterminés à rester unis. »
En me promenant dans Thorncliffe Park, je remarque que les membres de la communauté prennent aussi les choses en main. Devant la mosquée principale du quartier, de jeunes bénévoles en gilets fluorescents patrouillent le périmètre pendant les heures de prière. Faisal Qadir, 22 ans, me dit qu’il a rejoint l’équipe de sécurité bénévole il y a trois semaines. « Ma mère était nerveuse à l’idée d’assister aux prières, » dit-il. « Maintenant, j’arrive tôt pour aider tout le monde à se sentir plus en sécurité. »
Le coût financier de ces mesures de sécurité est considérable. Le gouvernement fédéral a récemment annoncé un fonds d’urgence de 3,5 millions de dollars pour aider les institutions religieuses à améliorer leurs systèmes de sécurité. Cependant, le conseiller municipal de Toronto Anthony Perruzza estime qu’il faut faire plus. « Certaines congrégations plus petites ont du mal à se permettre des équipements de sécurité de base comme des caméras et des systèmes d’alarme, » note-t-il lors de notre conversation téléphonique.
Bien que la présence policière offre une réassurance, les leaders communautaires soulignent qu’une sécurité durable passe par l’éducation et la solidarité. Le Conseil scolaire du district de Toronto a mis en place des ressources supplémentaires dans le programme de lutte contre la haine, et des groupes interconfessionnels ont organisé des services de prière conjoints.
La Dre Samantha Lee, qui étudie les conflits religieux à l’Université de Toronto, apporte du contexte: « Ce que nous voyons à Toronto reflète des modèles mondiaux. Quand les conflits internationaux s’intensifient, les communautés locales en subissent souvent les contrecoups. La clé est de bâtir la résilience par des relations intercommunautaires avant que les crises ne surviennent. »
Alors que mon reportage me mène à travers la ville, je suis frappé tant par l’inquiétude que par le courage. Devant la synagogue Beth Sholom, j’observe une famille musulmane qui apporte des fleurs au rabbin Goldstein – un petit geste de solidarité qui en dit long.
« C’est le Toronto que nous connaissons, » dit Goldstein, en embrassant Mohammed Khalil, qui a apporté les fleurs avec ses deux enfants. « Nous refusons d’importer la haine de l’étranger. »
Les responsables policiers indiquent que les mesures de sécurité renforcées resteront en place dans un avenir prévisible, avec des ajustements tactiques basés sur des évaluations continues des risques. Pour les fidèles de Toronto, cette nouvelle normalité implique une planification supplémentaire – arriver plus tôt pour s’adapter aux contrôles de sécurité et rester vigilant.
Alors que le soleil se couche sur la ville, j’observe un groupe de leaders interconfessionnels rassemblés devant l’hôtel de ville, leurs différents vêtements religieux créant une tapisserie de traditions. Ils planifient une marche pour la paix à l’échelle de la ville pour le week-end prochain – un témoignage de la résilience de Toronto face aux tensions mondiales.
En ces temps d’incertitude, les diverses communautés religieuses de notre ville démontrent que la solidarité peut être notre mesure de sécurité la plus forte.