Le défilé de la Fierté de Montréal est revenu hier avec une énergie vibrante, remplissant les rues du centre-ville de célébrations tout en envoyant des messages politiques puissants sur les luttes continues pour les droits LGBTQ+.
L’événement annuel, qui marque sa 18e année officielle, a attiré des milliers de participants malgré la pluie matinale qui a finalement cédé place au soleil juste au moment où le cortège commençait. Cette coïncidence n’a pas échappé à Marie Duchesne, une habituée de longue date, qui m’a confié : « Les nuages qui se dissipent au moment où nous commencions à marcher—c’était symbolique, non? Comme l’espoir qui perce à travers les difficultés. »
Le parcours du défilé de cette année le long du boulevard René-Lévesque comptait plus de 120 contingents représentant des organismes communautaires, des commanditaires et des partis politiques. L’atmosphère équilibrait jubilation et activisme, reflétant la double identité de la Fierté comme célébration et manifestation.
« Nous sommes ici pour faire la fête, oui, mais aussi pour rappeler à tous que nos droits demeurent menacés », a expliqué Jean-François Perrier, directeur général du groupe de défense LGBTQ+ Ensemble Montréal. « L’augmentation des crimes haineux ciblant notre communauté au Québec cette année signifie que nous ne pouvons pas séparer la festivité de la lutte. »
Les statistiques du Service de police de Montréal confirment les préoccupations de Perrier, avec une augmentation de 12 % des incidents haineux contre les personnes LGBTQ+ par rapport à l’année précédente. Cette réalité a donné une signification particulière au thème de cette année : « Solidarité sans frontières ».
La dimension internationale était mise en avant, avec plusieurs contingents soulignant les luttes mondiales pour les droits LGBTQ+. Particulièrement émouvant était un groupe de réfugiés LGBTQ+ ukrainiens qui défilaient avec des pancartes reliant leurs expériences à la lutte plus large pour les droits humains.
Le premier ministre François Legault a fait une apparition, bien que son accueil ait été visiblement mitigé—un reflet des tensions persistantes entre le gouvernement provincial et les défenseurs LGBTQ+ concernant certaines politiques affectant les jeunes trans. Interrogé sur cette réaction, Legault a souligné l’engagement de son gouvernement envers l’égalité tout en reconnaissant que « le dialogue continu est nécessaire ».
La mairesse Valérie Plante a reçu des acclamations nettement plus chaleureuses en dansant aux côtés d’artistes drag à l’avant du défilé. « Montréal se tient fermement comme ville sanctuaire pour toutes les personnes LGBTQ+ », a déclaré Plante à la foule. « Notre diversité n’est pas seulement quelque chose que nous tolérons—c’est ce qui nous rend plus forts. »
L’organisation technique du défilé de cette année a montré des améliorations marquées suite aux critiques des années précédentes. Les organisateurs avaient clairement pris au sérieux les préoccupations d’accessibilité, avec des zones de visionnement désignées pour les personnes à mobilité réduite et des interprètes en LSQ postés tout au long du parcours.
En tant que personne qui couvre cet événement depuis plus d’une décennie, j’ai remarqué des changements subtils mais significatifs dans la démographie de la foule. Les familles avec jeunes enfants étaient plus nombreuses que jamais, suggérant que la banalisation de la Fierté continue d’évoluer. Léo, sept ans, présent avec ses deux mères, a résumé simplement son expérience : « C’est la meilleure journée parce que tout le monde est heureux et il y a des bonbons. »
La présence des entreprises est restée importante, avec des grandes banques et des entreprises technologiques déployant d’importants contingents. Cet aspect commercial de la Fierté continue de générer des débats au sein de la communauté, certains se demandant si l’événement s’est écarté de ses racines radicales.
« Nous avons besoin de ces commanditaires pour financer tout ça, c’est sûr », a reconnu Samantha Tremblay, coordinatrice des bénévoles. « Mais nous nous demandons toujours comment équilibrer ce soutien tout en maintenant notre authenticité et notre mission. »
Le défilé a culminé dans un moment émouvant lorsque le contingent « Famille choisie »—représentant des aînés et des jeunes LGBTQ+ marchant ensemble—a reçu une ovation debout des spectateurs. Plusieurs de ces aînés ont vécu des périodes de criminalisation et de discrimination, leur présence servant de puissant rappel des luttes historiques.
« Je n’aurais pas pu imaginer ça quand j’étais jeune », a déclaré Roland Bélanger, 72 ans, essuyant ses larmes. « Voir tous ces gens, tous ces jeunes vivant librement—c’est un miracle. »
La célébration se poursuit toute la semaine avec des tables rondes, des spectacles et des événements communautaires à travers la ville. Bien que le défilé d’hier représente l’aspect le plus visible de la Fierté, les organisateurs soulignent que le travail de construction de l’acceptation et de lutte contre la discrimination se poursuit toute l’année.
Alors que les derniers chars passaient et que les nettoyeurs de rue commençaient leur travail, la nature éphémère du défilé a souligné à la fois le chemin parcouru par Montréal et la vigilance que maintient la communauté. La Fierté ici n’est pas qu’un spectacle coloré—c’est une conversation en constante évolution sur l’identité, l’appartenance et la poursuite continue d’une véritable égalité.
Pour reprendre les mots de Mona DéSoire, artiste drag et co-animatrice du défilé, qui a offert peut-être le résumé le plus juste de la journée : « La Fierté est à la fois notre histoire et notre avenir. Nous célébrons aujourd’hui tout en nous souvenant d’hier et en exigeant mieux pour demain. »