Défi juridique du référendum sur la séparation de l’Alberta entendu à Edmonton

Laura Tremblay
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La salle d’audience de la Cour du Banc du Roi d’Edmonton était inhabituellement bondée hier tandis que les avocats débattaient pour déterminer si les Albertains devraient même avoir le droit de voter sur une séparation du Canada. Assis au dernier rang, j’ai pu sentir la tension palpable – il ne s’agissait pas d’une simple procédure juridique, mais d’un moment qui pourrait définir l’avenir constitutionnel de notre province.

Au cœur de cette affaire se trouve un groupe de citoyens préoccupés qui contestent le gouvernement du Parti conservateur uni de la première ministre Danielle Smith concernant leur projet de mettre l’indépendance de l’Alberta sur le bulletin de vote. L’Alberta Unity Project, dirigé par l’avocat Darrel Rieger, soutient qu’un tel référendum dépasse l’autorité provinciale et mine notre cadre constitutionnel.

« Il ne s’agit pas d’étouffer l’expression démocratique, » a déclaré Rieger au tribunal. « Il s’agit de s’assurer que nos processus démocratiques restent dans les limites de notre Constitution. » Son argument repose sur l’idée que les provinces n’ont tout simplement pas le pouvoir unilatéral d’engager une séparation selon le droit canadien.

La réponse du gouvernement a été tout aussi énergique. Leurs avocats soutiennent que le simple fait de demander aux Albertains leur opinion sur l’indépendance ne viole aucune loi – il s’agit simplement de recueillir des informations sur le sentiment public.

Pendant une pause-café, j’ai parlé avec l’experte constitutionnelle Dr. Emilia Wong de l’Université de l’Alberta, qui a offert une certaine perspective. « Ce qui rend cette affaire fascinante, c’est qu’elle touche à des questions fondamentales sur les limites de l’autorité provinciale, » a-t-elle expliqué, la vapeur s’élevant de sa tasse dans le couloir froid du palais de justice.

Le gouvernement du PUC s’est montré de plus en plus vocal concernant les griefs de l’Alberta envers Ottawa. La « Loi sur la souveraineté » de la première ministre Smith et ses critiques fréquentes des politiques fédérales ont préparé le terrain pour cette question potentielle de référendum.

En retournant à ma place, j’ai surpris des chuchotements animés entre observateurs – certains plaidant passionnément pour le droit de l’Alberta à tracer sa propre voie, d’autres exprimant leur inquiétude quant aux perturbations économiques et sociales que pourrait causer une séparation.

La juge Marion Hayes, qui préside l’affaire, a demandé des mémoires écrits supplémentaires avant de rendre sa décision. « Ce sont des questions constitutionnelles complexes qui nécessitent un examen attentif, » a-t-elle noté avant d’ajourner la procédure d’hier.

Pour les Edmontoniens ordinaires, cette bataille juridique représente plus qu’une théorie constitutionnelle abstraite. Ce matin, chez Farrow Sandwiches sur la 109e Rue, j’ai trouvé des opinions aussi variées que les offres de leur menu.

« Ma famille est ici depuis cinq générations, » a déclaré Ellen McCormack, une enseignante retraitée sirotant son café. « Je ne peux pas imaginer être autre chose que Canadienne, mais je comprends aussi la frustration que beaucoup ressentent face à la façon dont nous sommes traités par Ottawa. »

De l’autre côté de la table, James Desjarlais, travailleur pétrolier, avait un point de vue différent. « Nous envoyons des milliards vers l’est et qu’obtenons-nous en retour? Peut-être est-il temps d’avoir au moins cette conversation, » a-t-il dit, tout en admettant qu’il n’était pas convaincu que la séparation soit la réponse.

Cette contestation judiciaire met en lumière des questions plus profondes sur l’identité provinciale qui ont couvé sous la surface depuis des générations. Les relations de l’Alberta avec le gouvernement fédéral ont souvent été tendues, particulièrement en ce qui concerne le développement des ressources, la fiscalité et la représentation.

Le maire d’Edmonton, Amarjeet Sohi, a précédemment exprimé ses inquiétudes concernant l’incertitude économique que créent de telles discussions sur la séparation. « Nous devons nous concentrer sur des solutions pratiques aux griefs légitimes sans menacer le fondement même de notre nation, » a-t-il déclaré lors d’un événement de la Chambre de commerce le mois dernier.

Les équipes juridiques soumettront leurs arguments finaux d’ici vendredi prochain, et la juge Hayes devrait statuer dans le mois à venir. Quel que soit le résultat, cette affaire représente un moment important dans la conversation continue de l’Alberta sur sa place au sein du Canada.

En retournant à la salle de rédaction, le soleil de fin d’après-midi scintillait sur le dôme de l’Assemblée législative au loin – un rappel de la façon dont nos systèmes provinciaux et fédéraux ont coexisté, parfois difficilement, depuis des générations. La question de savoir si cette relation continuera sous sa forme actuelle pourrait dépendre, en partie, de ce qui se passera dans cette salle d’audience.

Pour l’instant, les Edmontoniens attendent – certains avec espoir, d’autres avec appréhension – de savoir s’ils auront la chance de se prononcer formellement sur l’une des questions les plus importantes de l’histoire de notre province.

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