Alors qu’Ottawa se prépare à d’importants changements dans le paysage de sa fonction publique, la présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, a récemment annoncé des plans visant à réduire le nombre de cadres supérieurs dans les ministères fédéraux. Cette initiative vise à répondre à la préoccupation croissante selon laquelle la fonction publique canadienne serait devenue trop hiérarchisée, ce qui pourrait entraver la gouvernance efficace et la prestation de services aux Canadiens.
Selon les données du Conseil du Trésor, les rangs des cadres fédéraux ont augmenté d’environ 21 % depuis 2015. Ce taux de croissance dépasse considérablement l’augmentation de l’effectif global de la fonction publique, qui a progressé d’environ 12 % au cours de la même période. Actuellement, le Canada emploie près de 7 700 cadres au sein de la fonction publique fédérale, un chiffre qui a soulevé des questions tant chez les analystes politiques que chez les défenseurs des contribuables.
« Nous cherchons à rationaliser notre structure de gestion pour nous assurer que nous offrons des services aux Canadiens de la façon la plus efficace possible, » a déclaré Anand lors d’une conférence de presse à l’édifice Sir John A. Macdonald. « Il ne s’agit pas de coupes arbitraires, mais de bâtir une fonction publique plus réactive et plus efficiente. »
Ce plan reflète une reconnaissance croissante au sein des cercles gouvernementaux que le ratio actuel de cadres par rapport aux employés pourrait être insoutenable. Dans certains ministères, les gestionnaires supervisent parfois seulement une poignée d’employés, une structure qui, selon les critiques, crée des couches bureaucratiques inutiles et ralentit les processus décisionnels.
David Zussman, ancien commissaire de la fonction publique et actuel professeur à l’Université d’Ottawa, estime que cette initiative était inévitable. « La croissance du nombre de cadres est préoccupante depuis un certain temps. Quand on a trop de décideurs dans une chaîne, il devient difficile de mettre en œuvre efficacement les politiques ou de répondre rapidement aux défis émergents. »
La Fédération canadienne des contribuables préconise depuis longtemps de telles réductions. Le directeur d’Ottawa a noté : « Les contribuables paient en fin de compte pour ces postes à salaire élevé. Si les tâches sont dédoublées ou si les rôles sont devenus redondants, les Canadiens méritent une utilisation plus efficiente de leurs impôts. »
La restructuration se concentrera initialement sur l’attrition naturelle due aux départs à la retraite, ainsi que sur des réductions ciblées dans des ministères spécifiques où les postes de direction ont connu une croissance plus dramatique. Les domaines prioritaires identifiés comprennent les services administratifs, la gestion des ressources humaines et certains services d’élaboration de politiques où plusieurs postes de direction peuvent avoir des responsabilités qui se chevauchent.
Pour l’économie d’Ottawa, ces changements présentent des perspectives mitigées. La région de la capitale, où environ 42 % des cadres fédéraux sont basés, ressentira probablement certains impacts de ces réductions. Cependant, les analystes économiques suggèrent que l’effet pourrait être progressif plutôt qu’immédiat.
J’ai couvert les efforts de restructuration gouvernementale pendant près de deux décennies, et ce qui ressort de cette initiative particulière est son accent sur l’efficacité structurelle plutôt que sur la simple réduction des coûts. Les tentatives précédentes de « délayage » sous différentes administrations privilégiaient souvent les économies immédiates au détriment de l’efficacité organisationnelle, créant parfois plus de problèmes qu’elles n’en résolvaient.
L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), qui représente de nombreux professionnels travaillant sous ces cadres, a prudemment reconnu la nécessité d’un examen tout en insistant sur la protection des services de première ligne. « Nous comprenons la nécessité d’une efficacité organisationnelle, » a déclaré leur président dans un communiqué. « Mais toute restructuration doit garantir que les Canadiens continuent de recevoir les services dont ils dépendent sans interruption. »
La mise en œuvre se fera par phases, les ministères devant soumettre des plans d’optimisation de la structure de direction d’ici le début de l’année prochaine. Le Conseil du Trésor a établi ce qu’il appelle des objectifs d' »étendue de contrôle » – essentiellement des lignes directrices sur le nombre d’employés qui devraient relever de chaque gestionnaire – qui varient selon la fonction et les exigences opérationnelles du ministère.
L’Alliance de la Fonction publique du Canada, représentant de nombreux employés fédéraux non-cadres, a demandé des consultations tout au long du processus. « Nos membres ont souvent la compréhension la plus claire de l’endroit où les redondances de gestion existent, » a commenté leur représentant régional d’Ottawa. « Leurs perspectives devraient être au centre de tout effort de restructuration. »
Les critiques du plan se demandent si la réduction des postes de direction améliorera réellement les opérations gouvernementales. Katherine Graham, professeure d’administration publique à l’Université Carleton, souligne que « l’inflation du nombre de cadres est souvent un symptôme de problèmes organisationnels plus larges. Simplement supprimer des postes sans aborder les problèmes structurels sous-jacents donne rarement les résultats escomptés. »
Ce qui rend le défi de la fonction publique d’Ottawa particulièrement complexe, c’est le rôle unique que jouent de nombreux cadres dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques. Contrairement aux cadres du secteur privé qui se concentrent principalement sur l’efficacité opérationnelle, les dirigeants de la fonction publique doivent naviguer simultanément entre des considérations politiques, législatives et d’intérêt public.
Pour les résidents d’Ottawa, en particulier ceux liés à la fonction publique, cette initiative représente plus qu’un simple ajustement administratif—elle signale une philosophie évolutive sur la façon dont le gouvernement devrait se structurer pour servir efficacement les Canadiens au 21e siècle.
Au fur et à mesure que le processus se déroule, la véritable mesure du succès ne se trouvera pas simplement dans la réduction des effectifs, mais dans l’amélioration des services aux Canadiens. Les mois à venir révéleront si cette initiative tient sa promesse d’une fonction publique plus réactive et efficiente ou si elle devient une autre réorganisation qui ne parvient pas à relever les défis fondamentaux dans le fonctionnement de notre gouvernement.
Dans une ville où l’efficacité gouvernementale affecte directement à la fois l’emploi local et la prestation de services nationaux, les résidents d’Ottawa suivront ces développements avec un intérêt particulier. L’approche de mise en œuvre choisie par le Conseil du Trésor déterminera largement si cela devient un modèle de modernisation efficace de la fonction publique ou simplement un autre chapitre dans la longue histoire de restructuration administrative du Canada.