Dans un développement important pour les fonctionnaires fédéraux d’Ottawa, la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique a récemment statué que les syndicats ne peuvent pas exiger des espaces de bureau fournis par l’employeur dans les édifices gouvernementaux. Cette décision découle d’un différend entre l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) et le Conseil du Trésor, redéfinissant ainsi le fonctionnement des syndicats au sein des milieux de travail fédéraux dans la capitale.
La décision répond au grief déposé par l’AFPC contre le Conseil du Trésor après avoir perdu son espace de bureau au siège d’Emploi et Développement social Canada. L’arbitre Bryan Gray a déterminé que ni la convention collective ni la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral ne garantissent d’espace syndical dans les immeubles gouvernementaux.
« Cette décision change fondamentalement la façon dont les représentants syndicaux interagissent avec les membres, » affirme Marianne Hladun, vice-présidente exécutive régionale de l’AFPC. « Notre présence dans ces édifices a été essentielle pour traiter rapidement et efficacement les problèmes en milieu de travail. »
La décision survient dans un contexte de tensions croissantes entre les syndicats fédéraux et le gouvernement, alors qu’environ 155 000 fonctionnaires à Ottawa s’adaptent aux modalités de travail post-pandémiques. Plusieurs ministères ont mis en place des modèles de travail hybrides exigeant 2 à 3 jours de présence au bureau par semaine.
Jennifer Carr, présidente de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, a exprimé ses préoccupations quant aux implications de cette décision. « L’accès à un espace adéquat pour des conversations confidentielles avec les membres est essentiel pour aborder les problèmes en milieu de travail, y compris les plaintes de harcèlement et de discrimination, » m’a confié Carr lors de notre entretien au siège de l’IPFPC.
Les responsables du Conseil du Trésor soutiennent que la décision s’aligne avec les efforts de modernisation. « Les ministères doivent optimiser l’utilisation des espaces de travail tout en assurant des relations de travail efficaces, » a expliqué un porte-parole, précisant que d’autres options de rencontre demeurent disponibles pour les consultations entre syndicats et membres.
Katherine Lapalme, avocate spécialisée en droit du travail à Ottawa, suggère que cette décision reflète l’évolution des dynamiques de travail. « Alors que les bureaux gouvernementaux se transforment avec des modèles de travail hybrides, les concepts traditionnels d’espaces physiques dédiés sont reconsidérés pour toutes les fonctions, » a-t-elle expliqué.
Pour les fonctionnaires fédéraux comme Michel Dubois, analyste à Statistique Canada, ce changement soulève des préoccupations pratiques. « Parfois, on a besoin de conversations immédiates et privées avec son représentant syndical sur des questions sensibles. Les réunions virtuelles ne sont pas toujours appropriées pour ces discussions, » a-t-il partagé lors d’un forum communautaire sur les enjeux de la fonction publique la semaine dernière.
La décision affecte plus que l’AFPC. L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, l’Association canadienne des employés professionnels et d’autres syndicats représentant les fonctionnaires fédéraux d’Ottawa doivent maintenant reconsidérer leurs stratégies d’engagement auprès des membres.
Certains ministères ont proposé des solutions temporaires, notamment des salles de réunion réservables pour les consultations syndicales. Cependant, les dirigeants syndicaux soutiennent que ces alternatives n’offrent pas la présence constante nécessaire à une représentation efficace.
La décision soulève des questions plus larges sur les droits en milieu de travail dans l’environnement fédéral en évolution. Alors que les bureaux gouvernementaux d’Ottawa continuent d’imposer le retour au bureau, les représentants syndicaux font face à des défis supplémentaires pour rester en contact avec des membres de plus en plus dispersés.
Caroline Richardson, experte en administration publique de l’Université d’Ottawa, note que cela représente un changement significatif dans les relations de travail. « Historiquement, la présence syndicale sur place a été considérée comme fondamentale pour une représentation efficace en milieu de travail. Cette décision remet en question cette tradition et pourrait également influencer les pratiques du secteur privé, » a observé Richardson lors d’un récent symposium sur la gestion du secteur public.
Le Conseil du Trésor a souligné que cette décision n’empêche pas les syndicats de représenter leurs membres, mais clarifie que l’espace permanent fourni par l’employeur n’est pas une exigence légale. « Les ministères maintiennent des canaux de communication ouverts avec les agents négociateurs tout en gérant de façon responsable les ressources publiques, » indique leur déclaration.
Pour le centre-ville d’Ottawa, où de nombreux édifices gouvernementaux sont concentrés, cette décision coïncide avec les discussions en cours sur l’utilisation des espaces de bureau. Avec le travail hybride réduisant l’occupation globale, certains ont suggéré de réaffecter les immeubles gouvernementaux sous-utilisés pour le logement ou les services communautaires.
Comme je l’ai observé en couvrant la fonction publique d’Ottawa depuis plus de quinze ans, cette décision reflète la tension entre les pratiques traditionnelles de travail et l’évolution des attentes concernant l’espace physique. La pandémie a accéléré les changements déjà en cours dans notre façon de concevoir les bureaux, y compris les espaces alloués aux diverses fonctions en milieu de travail.
Les représentants de l’AFPC indiquent qu’ils explorent différentes options, notamment des arrangements de location potentiels pour des espaces de bureau près des principaux édifices gouvernementaux. « Nous restons engagés à offrir une représentation accessible à nos membres malgré les défis, » a souligné Hladun.
Pour l’instant, les fonctionnaires fédéraux d’Ottawa continuent de s’adapter aux réalités post-pandémiques tandis que les représentants syndicaux élaborent de nouvelles stratégies d’engagement sans garantie d’espace de bureau. L’impact à long terme de cette décision sur les relations de travail reste à déterminer, mais elle marque certainement un changement significatif dans le fonctionnement des syndicats au sein de la fonction publique fédérale.