Dans ce qui est considéré comme un moment décisif pour les soins de santé des femmes au Canada, une coalition d’Ottawa militant pour la santé des femmes intensifie ses efforts pour obtenir un financement accru dans le prochain budget fédéral. Le groupe, représentant divers prestataires de soins de santé et organisations de défense des patientes, a soumis une proposition détaillée à la ministre des Finances Chrystia Freeland la semaine dernière.
« Depuis trop longtemps, la recherche et les services de santé des femmes ont reçu un financement disproportionnellement faible par rapport aux initiatives générales de soins de santé », déclare Dre Amina Patel, directrice du Collectif pour la santé des femmes d’Ottawa. « Le budget 2024 représente une occasion de corriger ce déséquilibre historique. »
La proposition de la coalition demande spécifiquement 175 millions de dollars sur cinq ans pour établir une Initiative nationale de recherche sur la santé des femmes, avec une partie importante allouée aux institutions de recherche basées à Ottawa. Ils soutiennent que cet investissement comblerait des lacunes critiques dans la compréhension des conditions qui affectent principalement les femmes.
Les prestataires de soins locaux soulignent des statistiques troublantes à l’appui de leur cause. Selon des données récentes de l’Agence de la santé publique du Canada, les femmes de la région d’Ottawa attendent en moyenne 18 mois de plus que les hommes pour des diagnostics précis de certaines conditions chroniques. De plus, les problèmes de santé spécifiques aux femmes ne reçoivent qu’environ 22 % du financement global de la recherche en santé, bien que les femmes représentent 50,4 % de la population canadienne.
« Ce n’est pas seulement une question de femmes—c’est une question familiale, communautaire et, en fin de compte, économique », explique Catherine Williams, présidente du Conseil pour l’équité en santé d’Ottawa. « Quand les femmes ne reçoivent pas des soins de santé adéquats, des ménages entiers et des milieux de travail en ressentent l’impact. »
Le moment choisi par la coalition semble stratégique, intervenant quelques semaines après que Statistique Canada a publié des résultats montrant que la participation des femmes à la population active a diminué de 3,2 % pendant la pandémie, les problèmes de santé étant cités comme un facteur important.
Le bureau de la ministre Freeland a accusé réception de la proposition mais ne s’est pas engagé sur des montants de financement spécifiques. Un porte-parole a noté que « la santé des femmes demeure une priorité pour ce gouvernement » et que toutes les soumissions budgétaires sont examinées attentivement.
La proposition a recueilli le soutien de plusieurs députés de la région d’Ottawa, dont Lisa MacLeod, qui a déclaré lors d’une réunion communautaire au Nepean Sportsplex que « la résolution des inégalités en matière de santé des femmes doit faire partie de notre stratégie de relance économique ».
Les professionnels médicaux locaux soulignent que le financement profiterait à des domaines spécifiques mal desservis. Le Dr James Morrison de L’Hôpital d’Ottawa cite la recherche sur l’endométriose comme exemple principal.
« Cette condition affecte environ une femme sur dix en âge de procréer, mais il faut en moyenne sept à dix ans pour un diagnostic correct », explique Morrison. « Avec un financement de recherche dédié, nous pourrions développer de meilleurs outils diagnostiques et traitements qui amélioreraient considérablement la qualité de vie. »
La réponse communautaire à l’initiative a été extrêmement positive. Une pétition soutenant la proposition a recueilli plus de 12 000 signatures de résidents d’Ottawa en seulement deux semaines.
Sarah Nguyen, une résidente d’Ottawa de 36 ans qui lutte depuis des années contre des problèmes de santé non diagnostiqués, représente de nombreuses femmes qui espèrent un changement. « J’ai dépensé des milliers de dollars à la recherche de réponses pour des douleurs chroniques que plusieurs médecins ont ignorées », partage-t-elle. « Si ce financement aide ne serait-ce qu’une femme à éviter ce que j’ai vécu, ça vaut chaque sou. »
La proposition de la coalition s’étend au-delà de la recherche pour inclure le financement de cliniques spécialisées dans la santé des femmes dans les communautés mal desservies. Le plan établirait trois cliniques pilotes dans la région d’Ottawa, offrant des soins complets pour des conditions allant de la périménopause à la dépression post-partum.
Les analystes économiques suggèrent que l’investissement pourrait en fait économiser des dollars en soins de santé à long terme. « Quand nous investissons dans les soins préventifs et le diagnostic précoce, nous évitons les coûts beaucoup plus élevés du traitement des conditions avancées », note Jasmine Singh, économiste de la santé à l’Université d’Ottawa.
La proposition intervient dans un contexte de reconnaissance croissante des préjugés sexistes dans les soins de santé. Une étude publiée dans le Journal de l’Association médicale canadienne le mois dernier a révélé que la douleur des femmes est prise moins au sérieux que celle des hommes dans les services d’urgence à l’échelle nationale, entraînant des temps d’attente plus longs et des traitements moins agressifs.
Alors que les délibérations budgétaires se poursuivent, la coalition prévoit plusieurs événements de sensibilisation dans tout Ottawa, y compris des séances d’information dans les centres communautaires et un rassemblement sur la Colline du Parlement prévu pour mardi prochain.
Bien que le contenu exact du budget fédéral reste confidentiel, de nombreux résidents d’Ottawa observent attentivement pour voir si la santé des femmes recevra l’attention que les défenseurs estiment qu’elle mérite. Le résultat pourrait avoir un impact significatif sur la prestation des soins de santé pour les femmes, non seulement dans la région de la capitale, mais dans tout le Canada.