L’air frais d’automne apporte plus que des feuilles qui tombent cette saison. Le long de la frontière Québec-New York, particulièrement à Roxham Road, nous observons une augmentation significative des demandeurs d’asile – un phénomène devenu de plus en plus familier pour les Montréalais ces dernières années.
En roulant le long de la Route 223 la semaine dernière, j’ai observé un flux constant de taxis déposant des migrants pleins d’espoir, rendant la dimension humaine des statistiques d’immigration cruellement évidente. Ce ne sont pas que des chiffres; ce sont des individus portant des rêves, des traumatismes et de l’incertitude.
« Nous voyons des chiffres comparables aux vagues importantes de 2017 et 2022, » explique Martin Bolduceau de l’Association des services frontaliers du Québec. « De nombreux arrivants sont des ressortissants haïtiens fuyant des conditions qui se détériorent, mais nous observons également une diversité significative dans les pays d’origine. »
La vague actuelle présente des défis complexes pour notre ville. Le réseau d’hébergement temporaire de Montréal, déjà sous pression en raison de la crise du logement, doit maintenant accueillir des centaines de nouveaux arrivants chaque semaine. Les organismes communautaires signalent que leurs ressources s’amenuisent de plus en plus.
Marie-Claude Gervais, directrice d’Accueil Montréal, m’informe que la capacité de leur refuge a atteint 93% d’occupation. « Nous gérons la situation, mais tout juste. L’hiver approche, et nous ne pouvons pas laisser des gens sans abri adéquat durant un hiver montréalais. »
La réalité sur le terrain reflète des tensions politiques plus larges. Le premier ministre François Legault a appelé à plusieurs reprises à l’aide fédérale, affirmant que le Québec assume une charge disproportionnée de la réponse canadienne en matière d’asile. Lors de ma conversation avec lui lors d’une récente conférence de presse, il a souligné la pression sur les ressources provinciales.
« Le Québec accueille des immigrants, mais nous avons besoin de soutien. Nos écoles, notre système de santé et nos infrastructures de logement ne peuvent pas absorber un nombre illimité sans aide fédérale, » a déclaré Legault.
Ce qui est particulièrement remarquable dans cet afflux actuel, c’est sa diversité. Alors que les vagues précédentes étaient principalement haïtiennes, les arrivées récentes incluent un nombre important de personnes de Colombie, du Venezuela, de Turquie et de plusieurs pays africains. Cela crée des complexités supplémentaires pour les fournisseurs de services qui gèrent plusieurs langues et contextes culturels.
Pour les Montréalais, cette situation soulève d’importantes questions sur notre identité en tant que métropole accueillante et diversifiée. Notre ville s’est historiquement enorgueillie d’intégrer avec succès les nouveaux arrivants, mais les systèmes nécessitent des ressources adéquates pour fonctionner efficacement.
Sarah Mazhero, arrivée du Zimbabwe pendant la vague de 2017 et qui travaille maintenant à aider d’autres nouveaux arrivants, offre une perspective unique. « Montréal m’a offert la sécurité quand j’en avais le plus besoin. Maintenant, j’aide les autres à naviguer dans le système qui m’a autrefois déroutée. Mais la vérité est que le système est débordé. »
Le gouvernement fédéral a récemment annoncé un financement supplémentaire pour les provinces gérant des flux accrus de demandeurs d’asile, mais les dirigeants municipaux soutiennent que ces mesures restent insuffisantes. La mairesse Valérie Plante a souligné à plusieurs reprises le fardeau qui pèse directement sur les infrastructures de Montréal.
En me promenant dans Parc-Extension le week-end dernier, j’ai remarqué la réponse au niveau communautaire qui rend notre ville spéciale. Des banques alimentaires locales, des programmes d’échange linguistique et des réseaux de bénévoles se mobilisent pour accueillir les nouveaux arrivants – c’est Montréal à son meilleur.
Cependant, la bonne volonté seule ne peut résoudre les défis structurels. Des experts du Centre de recherche sur les politiques d’immigration de l’Université McGill suggèrent que des approches plus coordonnées entre les niveaux de gouvernement sont urgemment nécessaires.
« Les réponses ponctuelles aux modèles de migration récurrents créent des inefficacités, » explique la professeure Hélène Dinovitzer. « Montréal a besoin de cadres durables plutôt que de mesures d’urgence. »
Pour ceux qui arrivent, le processus reste intimidant. Après avoir traversé la frontière, les demandeurs d’asile entrent dans un système juridique complexe tout en cherchant simultanément un logement, un emploi et des connexions communautaires – tout en traitant les circonstances qui les ont forcés à fuir leur foyer.
Alors que les températures baissent, les préoccupations s’intensifient. L’hiver approche, apportant des défis supplémentaires pour ceux qui sont dans des logements temporaires ou qui cherchent encore un logement stable. Les organismes communautaires collectent déjà des dons de vêtements chauds, se préparant pour les mois à venir.
Ce qui reste clair, c’est que cette situation reflète à la fois des défis et des opportunités. La force de Montréal a toujours été sa diversité, mais soutenir cette diversité nécessite des ressources, de la planification et de la compassion.
La question qui se pose à notre ville n’est pas de savoir si nous devrions accueillir ceux qui cherchent la sécurité, mais comment nous pouvons le faire efficacement tout en maintenant la qualité de vie qui rend Montréal spéciale pour tous les résidents – tant établis que nouvellement arrivés.
Alors que cette situation évolue, je continuerai à rendre compte de son impact sur nos quartiers et communautés. Derrière chaque statistique se cache une histoire humaine – des histoires qui façonnent collectivement le récit évolutif de notre ville.