L’initiative montréalaise pour l’insécurité alimentaire s’associe à des groupes communautaires

Amélie Leclerc
6 Min Read

L’arôme des produits frais se mêle aux conversations animées au Marché Jean-Talon cette semaine alors que le plus grand marché public de Montréal lance un partenariat ambitieux pour lutter contre l’insécurité alimentaire dans toute la ville. Cette initiative associe l’abondance du marché aux organismes communautaires qui servent les populations vulnérables, créant un acheminement direct de nourriture nutritive vers ceux qui en ont le plus besoin.

« Nous avons toujours su que nos marchés pouvaient jouer un rôle plus important pour nourrir tous les Montréalais, » explique Isabelle Laliberté, directrice des Marchés Publics de Montréal. « Ce programme crée enfin l’infrastructure nécessaire pour que cela se produise de façon systématique plutôt que sporadique. »

L’initiative arrive à un moment critique. Les données récentes de Moisson Montréal montrent une augmentation de 39% de l’utilisation des banques alimentaires depuis 2019, avec près de 100 000 Montréalais qui dépendent maintenant des services alimentaires d’urgence chaque mois. Les enfants représentent environ un tiers de ces bénéficiaires.

Ce qui rend ce programme unique, c’est son accent sur les produits frais et locaux plutôt que sur les denrées non périssables généralement disponibles via l’aide alimentaire. Chaque semaine, les commerçants participants donnent des produits invendus de qualité avant la fermeture, qui sont immédiatement triés et distribués aux organismes partenaires comme Multicaf, Partageons l’Espoir et le Dépôt alimentaire NDG.

« La qualité est remarquable, » affirme Marcel Leduc, qui coordonne les programmes alimentaires chez Multicaf à Côte-des-Neiges. « Nos clients reçoivent les mêmes beaux produits vendus aux clients du marché quelques heures plus tôt. La dignité que cela apporte à l’expérience d’aide alimentaire est inestimable. »

J’ai été témoin de cette transformation. Mardi dernier, alors que les commerçants du marché commençaient à ranger, des bénévoles ont efficacement collecté des caisses de légumes colorés, de fruits et de produits artisanaux. En moins de deux heures, ces articles étaient distribués dans une cuisine communautaire à St-Henri, où les familles recevaient des cours de cuisine en plus des ingrédients.

L’initiative aborde également un autre problème pressant: le gaspillage alimentaire. Selon Second Harvest, plus de la moitié de la production alimentaire canadienne est gaspillée, représentant 35,5 millions de tonnes par an. Une grande partie de ce gaspillage se produit parce que des produits parfaitement comestibles mais légèrement imparfaits ne répondent pas aux normes de vente au détail.

« Certaines de mes plus belles laitues biologiques ne se vendent pas simplement parce qu’elles ne sont pas parfaitement symétriques, » explique Jeanne Tanguay, dont la famille cultive à Laval depuis trois générations. « Maintenant, au lieu de les composter, je sais qu’elles nourrissent des familles. »

Le projet a nécessité des mois de planification logistique. Le transport réfrigéré, les installations de stockage appropriées et la coordination entre des dizaines d’organismes ont présenté des défis importants. Le financement de la Fondation McConnell et de Centraide a aidé à surmonter ces obstacles.

Bien que des programmes similaires existent dans d’autres villes, la version montréalaise se distingue par son ampleur et son intégration aux systèmes alimentaires communautaires existants. L’initiative implique actuellement trois marchés publics—Jean-Talon, Atwater et Maisonneuve—avec des plans d’expansion vers les marchés de quartier plus petits l’année prochaine.

Christine Nguyen, coordonnatrice de la sécurité alimentaire à la Direction régionale de santé publique de Montréal, souligne l’impact potentiel du programme sur la santé. « L’insécurité alimentaire ne concerne pas seulement la faim—c’est un déterminant majeur de la santé. Lorsque les gens n’ont pas accès à des aliments frais et nutritifs, nous observons des taux plus élevés de diabète, de maladies cardiaques et d’autres affections chroniques. »

Les considérations climatiques occupent également une place importante. En s’approvisionnant localement et en réduisant les déchets, l’initiative aide à réduire l’empreinte carbone alimentaire. La plupart des produits parcourent moins de 100 kilomètres de la ferme au bénéficiaire, comparativement à la moyenne de 2 500 kilomètres pour les articles d’épicerie conventionnels.

Le partenariat reflète une reconnaissance croissante que la sécurité alimentaire nécessite des approches systémiques et collaboratives. Plutôt que de traiter la faim comme un simple problème personnel nécessitant de la charité, cette initiative aborde les problèmes structurels de notre système alimentaire.

En regardant les bénévoles charger les dernières caisses dans les camionnettes de livraison au Marché Jean-Talon, le contraste avec l’imagerie traditionnelle des banques alimentaires était frappant. Au lieu de boîtes anonymes d’aliments transformés, de vraies personnes partageaient directement l’abondance de la région avec leurs voisins dans le besoin.

« Il s’agit de construire un système alimentaire local plus résilient pour tous, » affirme Laliberté. « Lorsque nos marchés prospèrent et que tout le monde a accès à une alimentation saine, toute notre ville en bénéficie. »

L’initiative accueille la participation du public par le biais d’opportunités de bénévolat et de campagnes de dons. Les Montréalais peuvent contacter les marchés participants ou visiter leurs sites web pour obtenir des informations sur la façon de contribuer à cette approche prometteuse pour nourrir notre communauté.

Partager cet article
Laisser un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *