Poursuite Contre un Salon Funéraire de Montréal pour Crémation Non Autorisée Par la Famille

Amélie Leclerc
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J’ai passé l’après-midi avec la famille Charbonneau, qui m’a partagé leur histoire de deuil transformé en choc lorsqu’ils ont découvert que leur mère avait été incinérée contre ses volontés explicites. Ce qui devait être des funérailles catholiques traditionnelles est devenu une erreur irréversible qui a laissé cette famille montréalaise dévastée et en quête de justice.

Lorsque Marie-Claire Charbonneau est décédée en novembre dernier à l’âge de 87 ans, ses enfants pensaient avoir clairement communiqué ses dernières volontés au salon funéraire auquel ils avaient fait confiance. « Ma mère était très traditionnelle, » explique Jean Charbonneau, son fils aîné. « Elle avait tout planifié, même acheté une concession funéraire à côté de notre père il y a des années. »

Pourtant, lorsque les membres de la famille sont arrivés pour rendre un dernier hommage, on leur a présenté une urne. Le salon funéraire, qui ne peut être nommé en raison de procédures judiciaires en cours, avait incinéré la dépouille de Madame Charbonneau – une pratique explicitement interdite dans les rites funéraires catholiques traditionnels qu’elle avait demandés.

« C’était un choc total, » raconte sa fille Louise Charbonneau, les émotions la submergeant. « On est restés figés. Comment peut-on accepter quelque chose d’aussi permanent qui n’aurait jamais dû se produire? »

La famille a déposé une poursuite la semaine dernière à la Cour supérieure du Québec, réclamant des dommages-intérêts pour détresse émotionnelle et violation de la liberté religieuse. Leur avocate, Maître Sophie Tremblay de Droit Familial Montréal, m’explique que ce cas met en lumière des lacunes préoccupantes dans les protocoles des services funéraires.

« Il ne s’agit pas seulement d’une compensation, » précise Tremblay. « C’est une question de responsabilité et de s’assurer que d’autres familles ne vivent pas ce genre d’erreur irréversible. »

Selon la Loi sur les activités funéraires du Québec, les salons funéraires doivent obtenir une autorisation écrite explicite avant de procéder à une crémation. La famille Charbonneau maintient qu’aucune autorisation de ce type n’a jamais été fournie.

Le salon funéraire a refusé de commenter directement l’affaire mais a émis un communiqué reconnaissant « une grave erreur administrative » et exprimant « de profonds regrets » à la famille.

Pour la communauté catholique importante de Montréal, cette affaire touche à des croyances profondément ancrées. Le Père Martin Lavoie de la paroisse Notre-Dame-de-Grâce explique que même si l’Église a modifié sa position sur la crémation en 1963, de nombreux catholiques traditionnels considèrent toujours l’inhumation comme la forme appropriée de disposition finale.

« Pour beaucoup de nos paroissiens plus âgés en particulier, l’inhumation représente leur compréhension de la résurrection et le respect du corps comme temple, » affirme le Père Lavoie. « Quand ces souhaits sont ignorés, cela cause une détresse spirituelle au-delà du processus de deuil déjà difficile. »

Ce cas n’est pas isolé. L’Association des services funéraires du Canada rapporte que les erreurs dans les services funéraires, bien que rares, créent des situations particulièrement traumatisantes pour les familles. Denis Desrochers, consultant dans l’industrie funéraire, suggère que davantage de formation et des protocoles de vérification renforcés pourraient prévenir de telles erreurs.

« La plupart des salons funéraires fonctionnent avec le plus grand professionnalisme, » note Desrochers. « Mais quand des erreurs surviennent dans cette industrie, elles ne peuvent tout simplement pas être défaites. »

La poursuite a déclenché une conversation sur la sensibilité culturelle et religieuse dans l’industrie funéraire diversifiée de Montréal. Yvette Saliba, qui enseigne l’éthique au programme de thanatologie de l’Université de Montréal, estime que les salons funéraires doivent renforcer leur formation en compétences culturelles.

« La diversité de Montréal signifie que les directeurs funéraires rencontrent quotidiennement diverses traditions religieuses, » explique Saliba. « Comprendre ces croyances profondément ancrées n’est pas optionnel – c’est essentiel pour offrir un service digne. »

Pour la famille Charbonneau, l’action en justice semble être leur seul recours, bien qu’ils reconnaissent que rien ne peut vraiment remédier à ce qui s’est passé. « Nous ne cherchons pas à punir qui que ce soit, » me confie Jean alors que nous terminons notre conversation. « Nous voulons simplement des comptes et nous assurer qu’aucune autre famille ne vive cela. »

En quittant la maison familiale à Rosemont, Louise m’a tendu une photo de sa mère – souriant largement lors de la célébration de son 80e anniversaire. « Souvenez-vous d’elle comme elle a vécu, » a-t-elle dit doucement, « pleine de joie et de dignité. »

La cour devrait entendre l’affaire plus tard cette année, et de nombreux acteurs de l’industrie funéraire montréalaise suivent le dossier de près. Quel que soit le résultat, la famille Charbonneau espère que leur douloureuse expérience pourrait mener à de meilleures protections pour les familles durant leurs moments les plus vulnérables.

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