Par Amélie Leclerc, chroniqueuse culturelle à Montréal depuis plus de 15 ans
Je me suis frayé un chemin à travers une mer de cosplayers colorés et de fans enthousiastes au Palais des Congrès de Montréal ce weekend pour vous rapporter cette couverture exclusive.
Le Comiccon de Montréal a pulvérisé tous les records d’affluence ce weekend, accueillant plus de 68 000 visiteurs malgré les tensions croissantes entre le Canada et les États-Unis qui ont affecté la participation de certains exposants américains. Cette célébration de trois jours dédiée à la culture pop a transformé le centre-ville de Montréal en une vitrine vibrante de créativité et de passion.
« Nous n’avons jamais vu de tels chiffres auparavant, » m’a expliqué Elizabeth Coulombe, directrice de la programmation du Comiccon, lors de notre conversation près de la scène principale bondée. « Malgré certains défis internationaux, les Montréalais se sont présentés en force, plusieurs amenant des amis et de la famille qui n’avaient jamais fait l’expérience du Comiccon. »
Le succès de la convention est d’autant plus surprenant dans le contexte des récents différends commerciaux. Plusieurs vendeurs américains ont signalé des difficultés avec les expéditions transfrontalières et une surveillance douanière accrue, forçant certains exposants réguliers à annuler leur présence.
Marc Trudeau, un bédéiste local qui a assisté à tous les Comiccon de Montréal depuis sa création, a remarqué ce changement. « On pouvait voir moins de kiosques américains cette année, mais la qualité des talents locaux qui ont comblé ces espaces était remarquable. Cela a donné une visibilité sans précédent aux créateurs québécois. »
L’impact économique sur Montréal a été substantiel. Tourisme Montréal estime que l’événement a généré environ 19,3 millions de dollars pour l’économie locale à travers les réservations d’hôtels, les visites de restaurants et les achats au détail. Les restaurants du secteur du Palais des Congrès ont rapporté quelques-unes de leurs journées les plus achalandées de l’année.
En parcourant le plancher d’exposition, j’ai remarqué une nette augmentation du contenu en français et des produits dérivés québécois. Jean-Philippe Chartrand, fondateur de Pixel Crush Studios basé à Montréal, a partagé son point de vue: « Il y a cinq ans, nous n’étions qu’un petit kiosque dans un coin. Cette année, nous sommes mis en avant avec notre nouvelle série de romans graphiques, et la réponse a été extraordinaire. »
La convention a également servi de plateforme pour discuter de l’évolution des relations entre les industries du divertissement canadiennes et américaines. Un panel réunissant des représentants des deux pays a abordé les défis et les opportunités présentés par le climat commercial actuel.
« L’échange culturel demeure vital, indépendamment des tensions politiques, » a souligné Sophia Williams, représentante de l’Association canadienne des producteurs médiatiques, lors du panel très fréquenté. « Des événements comme le Comiccon démontrent comment l’art et le fandom transcendent les frontières. »
Tout le monde ne partageait pas cette vision optimiste. Plusieurs participants ont exprimé leur déception face à l’absence de leurs artistes et vendeurs américains préférés. « J’économise toute l’année pour acheter des objets de collection spécifiques qui n’étaient pas disponibles cette année, » a déploré Louis Tremblay, 19 ans, impressionnant dans son costume de Deadpool. « Mais j’ai découvert des artistes locaux incroyables que j’aurais peut-être négligés autrement. »
L’accent accru de la convention sur les jeux vidéo s’est également avéré un succès, avec une forte représentation de l’industrie florissante du développement de jeux à Montréal. Ubisoft Montréal a présenté ses prochaines sorties à des foules enthousiastes, tandis que les studios indépendants ont signalé d’exceptionnelles opportunités de réseautage.
« L’écosystème du jeu vidéo de Montréal est unique à l’échelle mondiale, » m’a confié Isabelle Brodeur, responsable communautaire d’Ubisoft Montréal, alors que nous observions une file de fans impatients attendant pour essayer leur dernier titre. « Le Comiccon est devenu un point de connexion essentiel entre les développeurs et leur public. »
Pour l’avenir, les organisateurs planifient déjà l’édition 2025, avec des discussions préliminaires sur l’expansion de l’empreinte de la convention pour accueillir une affluence croissante. « Nous envisageons d’utiliser des espaces supplémentaires au sein du Palais et potentiellement d’étendre les heures de programmation, » a révélé Coulombe.
Lors de ma dernière tournée dimanche soir, en observant des familles fatiguées mais heureuses rentrer chez elles avec des sacs de marchandises et de souvenirs, la résilience de la communauté culturelle de Montréal était évidente. Malgré les tensions internationales, le Comiccon a non seulement survécu mais prospéré, offrant peut-être un modèle d’échange culturel en ces temps difficiles.
Pour Montréal, cette réussite va au-delà des chiffres d’affluence. Elle représente l’influence croissante de la ville dans la culture pop mondiale et sa capacité à s’adapter aux dynamiques internationales changeantes tout en célébrant la créativité dans les deux langues officielles.