La tranquillité impressionnante du Musée des beaux-arts de Montréal a été brisée hier lorsque deux militants écologistes ont ciblé « Femme assise près d’une fenêtre (Marie-Thérèse) » de Pablo Picasso pendant son exposition temporaire. Les manifestants, qui se sont identifiés comme membres du groupe environnemental « Sur une planète brûlante », ont pulvérisé de la peinture orange sur la vitre protectrice recouvrant le chef-d’œuvre tout en scandant des slogans dénonçant l’inaction climatique.
En parcourant les salles du musée ce matin, l’ambiance était morose. Le personnel de sécurité se tenait vigilant près de l’œuvre maintenant nettoyée, leurs visages trahissant un mélange d’alerte et de déception. « Nous avons renforcé notre présence dans tous les espaces d’exposition, » a expliqué Jean-François Dubois, chef des opérations de sécurité. « L’œuvre elle-même reste intacte grâce aux mesures de protection déjà en place. »
Le Picasso ciblé, évalué à environ 95 millions de dollars, représente Marie-Thérèse Walter, la muse et amante de l’artiste, assise près d’une fenêtre. Le tableau avait été prêté par une collection privée européenne dans le cadre de l’exposition spéciale « Picasso: Transcender les frontières » du musée.
La directrice du musée, Nathalie Bondil, semblait visiblement ébranlée lors de notre brève conversation. « Ce n’est pas de l’activisme, c’est du vandalisme, » a-t-elle affirmé fermement. « Il existe d’innombrables façons constructives de défendre l’action climatique sans menacer un patrimoine culturel irremplaçable. »
Les deux militants, identifiés comme Camille Tremblay, 24 ans, et Marc Arsenault, 26 ans, ont été immédiatement détenus par la sécurité puis arrêtés par la police de Montréal. Selon des témoins, ils avaient dissimulé de petits contenants de peinture dans leurs vêtements avant d’approcher l’œuvre peu après 14h30.
« Ils se sont approchés normalement, puis soudainement ont sorti ces vaporisateurs, » a raconté Sophie Lemieux, en visite de Québec. « Tout s’est passé si vite. Ils ont commencé à pulvériser et à crier que nous nous préoccupons plus des tableaux que de la planète qui brûle. »
Cet incident s’inscrit dans une tendance internationale inquiétante où des militants climatiques ciblent des œuvres d’art célèbres pour attirer l’attention sur les préoccupations environnementales. Des manifestations similaires ont eu lieu au Louvre à Paris, à la National Gallery de Londres, et plus récemment au Rijksmuseum d’Amsterdam.
Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, « Sur une planète brûlante » a défendu son action: « Quand nous préoccuperons-nous autant de nos écosystèmes mourants que des tableaux derrière du verre? Nos gouvernements continuent de subventionner les combustibles fossiles tandis que Montréal connaît des inondations et des vagues de chaleur de plus en plus graves. »
La Coalition climat Montréal s’est toutefois rapidement distanciée de ces tactiques. « Nous comprenons l’urgence et la frustration, » a déclaré la porte-parole de la coalition, Isabelle Marchand. « Mais cibler des institutions culturelles aliène des alliés potentiels et détourne l’attention des véritables responsables des dommages climatiques. »
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a condamné le vandalisme tout en reconnaissant les préoccupations climatiques. « Notre ville reste engagée dans une action climatique ambitieuse, mais détruire ou endommager l’art n’est jamais acceptable. Ces actions nuisent à la défense légitime de l’environnement. »
Le musée a confirmé que l’exposition se poursuivra comme prévu, mais avec des protocoles de sécurité renforcés. Les visiteurs peuvent s’attendre à des temps d’entrée plus longs en raison de contrôles de sacs plus approfondis et de mesures de filtrage supplémentaires.
Pour la communauté artistique dynamique de Montréal, l’incident a déclenché un débat intense. Au Café Névé ce matin, j’ai surpris des discussions animées entre artistes locaux et militants écologistes aux prises avec ces tactiques.
« Je comprends leur désespoir, » a déclaré l’artiste visuel Michel Tremblay, remuant pensivement son espresso. « Mais en tant que créateur, l’idée de cibler l’art me semble fondamentalement contre-productive. L’art nous aide à traiter et à comprendre notre monde – y compris la crise climatique. »
L’avocate environnementale Caroline Phillips a offert une perspective différente: « Quand la défense traditionnelle tombe dans l’oreille d’un sourd pendant des décennies, les gens deviennent désespérés. Les militants savaient que le tableau était protégé. Ils font valoir un point calculé sur ce que la société valorise. »
Selon la police de Montréal, les suspects font face à des accusations de méfait, de trouble à l’ordre public et potentiellement de dommages à des biens culturels. S’ils sont reconnus coupables, ils pourraient être condamnés à jusqu’à deux ans de prison, bien que les experts juridiques suggèrent que les délinquants primaires recevraient probablement une probation ou des travaux communautaires.
Le climatologue Dr. Alain Morisset de l’Université McGill suggère que ces incidents reflètent une éco-anxiété croissante. « Les jeunes en particulier se sentent trahis par l’inaction institutionnelle sur le climat. Bien que je ne puisse pas cautionner ces méthodes, je comprends les mécanismes psychologiques qui les motivent. »
Le musée a annoncé qu’il organisera un forum public la semaine prochaine intitulé « Art, activisme et climat: trouver des voies constructives », réunissant des défenseurs de l’environnement, des artistes et des conservateurs culturels pour discuter de ces tensions.
En quittant le musée, j’ai remarqué qu’un petit groupe de manifestants pour le climat s’était rassemblé de l’autre côté de la rue avec des pancartes indiquant « Protégeons l’art ET la planète » et « Action climatique réelle maintenant ». Leur présence – respectueuse mais déterminée – offre peut-être une voie plus productive dans notre lutte collective face à l’urgence environnementale.
Pour les visiteurs qui prévoient voir l’exposition Picasso, le musée reste ouvert aux heures habituelles. L’œuvre touchée a été nettoyée professionnellement et remise en exposition, témoignage de la créativité et de la résilience humaines en ces temps difficiles.