L’impôt sur les services numériques au Canada en 2024 avance malgré l’opposition des États-Unis

Sara Thompson
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La taxe sur les services numériques du Canada ira de l’avant malgré l’opposition croissante des États-Unis, a confirmé hier le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne. Cette taxe, qui cible les géants technologiques générant d’importants revenus au Canada, reste en voie d’être mise en œuvre cette année après des années de retard.

« Nous ne suspendrons pas la taxe sur les services numériques », a déclaré Champagne aux journalistes après une réunion du cabinet à Ottawa. « C’est une question d’équité pour les Canadiens. »

La taxe de 3 % s’applique aux grandes sociétés numériques dont les revenus mondiaux dépassent 750 millions d’euros et les revenus canadiens dépassent 20 millions de dollars. Des entreprises comme Meta, Google et Amazon seraient imposées sur les revenus générés par les services numériques canadiens, y compris les marchés en ligne, les plateformes de médias sociaux et la publicité.

Cette décision intervient dans un contexte de pression croissante de Washington. La représentante américaine au Commerce, Katherine Tai, a récemment averti de possibles mesures de rétorsion, qualifiant l’approche du Canada de « discriminatoire » envers les entreprises américaines. Plusieurs groupes d’affaires américains se sont joints au chœur d’opposition, la Chambre de commerce américaine exhortant le Canada à reconsidérer sa position.

« La résistance n’est pas surprenante », affirme Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d’Internet et du commerce électronique à l’Université d’Ottawa. « Mais la position du Canada reflète une frustration internationale croissante face à la façon dont les géants numériques opèrent au-delà des frontières tout en minimisant leur empreinte fiscale. »

La taxe est en préparation depuis des années. Initialement annoncée dans le budget fédéral de 2021, sa mise en œuvre a été reportée à plusieurs reprises alors que le Canada attendait qu’un accord fiscal mondial dirigé par l’OCDE se concrétise. Les négociations internationales s’étant enlisées, la ministre des Finances Chrystia Freeland a décidé d’aller de l’avant avec cette solution made in Canada.

Pour les résidents d’Ottawa, l’impact pourrait être indirect mais significatif. Les entreprises locales en concurrence avec les géants numériques se plaignent depuis longtemps de l’inégalité des règles du jeu.

« Les petites entreprises d’Ottawa paient leur juste part d’impôts tout en voyant les mastodontes technologiques utiliser des structures complexes pour minimiser les leurs », explique Karim Haggar, président de la Chambre de commerce d’Ottawa. « Cette taxe tente de remédier à ce déséquilibre. »

Selon les estimations du directeur parlementaire du budget, la taxe canadienne pourrait générer environ 320 millions de dollars par an. La perception rétroactive signifie que les entreprises pourraient faire face à des factures fiscales remontant à 2022.

Les critiques s’inquiètent des conséquences potentielles pour les consommateurs et les entreprises canadiennes. Si les sociétés numériques répercutent les coûts, les Canadiens pourraient voir augmenter les prix des services numériques. La menace de tarifs américains soulève également des préoccupations quant aux impacts économiques plus larges.

« Tout différend commercial pourrait affecter l’économie d’Ottawa, en particulier les secteurs dépendant du commerce transfrontalier », note Jennifer Holmes, professeure d’économie à l’Université Carleton. « Le gouvernement semble avoir calculé que les avantages l’emportent sur ces risques. »

Le Canada n’est pas seul dans cette approche. Des pays comme la France, l’Italie et le Royaume-Uni ont mis en œuvre des taxes similaires sur les services numériques en attendant une solution mondiale.

Malgré la controverse, l’opinion publique semble soutenir la position du gouvernement. Un récent sondage Angus Reid a montré que 67 % des Canadiens sont favorables à l’imposition des grandes entreprises technologiques, avec un soutien transcendant les lignes politiques.

Pour le secteur technologique d’Ottawa, les réactions sont mitigées. Si certains applaudissent les efforts visant à uniformiser les règles du jeu, d’autres s’inquiètent des répercussions potentielles sur l’écosystème technologique plus large.

« Nous devons nous assurer que toute nouvelle politique fiscale ne nuit pas par inadvertance à l’innovation canadienne », déclare Jamie Smith, directeur du programme d’accélérateur numérique d’Invest Ottawa. « Les détails de la mise en œuvre seront énormément importants. »

Alors que ce drame fiscal se déroule, les Ottaviens peuvent s’attendre à un débat continu sur l’équité numérique, la politique fiscale internationale et les relations canado-américaines. Ce qui reste clair, c’est que l’économie numérique du Canada évolue, et notre système fiscal est finalement en train de rattraper son retard.

Le gouvernement prévoit de publier des directives détaillées de mise en œuvre dans les semaines à venir. Pour l’instant, le Canada reste ferme dans son engagement à faire en sorte que les géants numériques contribuent équitablement à notre économie – même si cela signifie affronter quelques tempêtes internationales en cours de route.

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