J’ai passé les trois derniers jours à discuter avec des analystes du commerce de détail à travers Toronto au sujet de ce qui pourrait être le plus grand bouleversement commercial canadien de l’année. La décision de Canadian Tire de vendre Helly Hansen marque un virage stratégique important pour l’un des détaillants les plus reconnaissables de notre pays.
Canadian Tire Corporation a annoncé hier la vente de sa marque norvégienne de vêtements d’extérieur haut de gamme Helly Hansen à Kering, le groupe de luxe derrière Gucci et Balenciaga, dans une transaction évaluée à environ 1 milliard de dollars. Cette vente représente un revirement assez rapide après que Canadian Tire ait acquis la marque pour 985 millions de dollars il y a seulement six ans, en 2018.
« Il ne s’agit pas simplement de réduire les pertes, mais de se recentrer sur les forces fondamentales, » a expliqué Melissa Torres, directrice de stratégie de vente au détail chez Bay Street Partners, lors de notre entrevue à son bureau du centre-ville. « L’ADN de Canadian Tire a toujours été de servir les Canadiens ordinaires avec des solutions de vente au détail pratiques. »
En me promenant dans le magasin Canadian Tire de Yonge et Davenport hier, j’ai remarqué que la présentation de Helly Hansen semblait presque déconnectée des offres principales du magasin. Le positionnement haut de gamme ne s’est jamais vraiment aligné avec la proposition de valeur quotidienne du détaillant à laquelle les acheteurs torontois se sont habitués.
La vente s’inscrit dans le cadre du plan stratégique plus large « Better Connected » de Canadian Tire, visant à simplifier les opérations et à se concentrer sur son activité principale de vente au détail canadienne. Les documents financiers montrent que l’entreprise a récemment fait face à des vents contraires, avec des ventes comparables en baisse de 1,8 % au cours du dernier trimestre.
Jordan Patel, consultant en commerce de détail basé à Toronto, m’a confié : « La réalité est que gérer une marque internationale de vêtements haut de gamme nécessite une expertise opérationnelle complètement différente de celle requise pour gérer une entreprise canadienne de quincaillerie et d’automobile. Les synergies espérées ne se sont jamais pleinement concrétisées. »
Gregory Craig, directeur financier de Canadian Tire, a souligné dans le communiqué de presse d’hier que la vente renforcera considérablement le bilan de l’entreprise, offrant une flexibilité financière pour investir dans leurs opérations de vente au détail canadiennes et leurs efforts de transformation numérique.
Pour les acheteurs qui se demandent ce que cela signifie pour les produits Helly Hansen dans les magasins Canadian Tire, les représentants de l’entreprise m’ont confirmé que Canadian Tire maintiendra une relation de gros avec Helly Hansen. Cela signifie que vous trouverez toujours ces logos distinctifs rouge et blanc sur les vestes et équipements dans votre magasin local.
L’accord comprend également le maintien par Canadian Tire des droits de distribution de la marque au Canada, ce qui devrait assurer une continuité pour les clients fidèles de Helly Hansen qui comptent sur la qualité de la marque norvégienne pendant nos hivers torontois souvent impitoyables.
J’ai parlé avec plusieurs clients à l’extérieur du Canadian Tire de Leslie et Lakeshore au sujet de cette nouvelle. Diane Mendes, une cliente de longue date qui achetait des fournitures de jardinage, a partagé : « Je n’ai jamais vraiment compris pourquoi Canadian Tire avait acheté une marque de vêtements européenne chic. Je viens ici pour des choses pratiques, pas pour des vêtements d’extérieur de designer. »
Les analystes du commerce de détail notent que la stratégie d’acquisition initiale de Canadian Tire visait à tirer parti de la présence internationale et du positionnement haut de gamme de Helly Hansen. Cependant, les défis d’intégration de modèles d’affaires si différents se sont avérés plus difficiles que prévu.
Lisa Wu, professeure de gestion du commerce de détail à l’Université Ryerson, a expliqué lors de notre rencontre près du campus : « Ce que nous voyons est une correction naturelle. Les entreprises canadiennes se développent parfois à l’international sans apprécier pleinement les complexités de la gestion d’une marque mondiale. Revenir aux compétences de base est souvent la stratégie à long terme la plus sage. »
Le moment de la vente est particulièrement intéressant compte tenu des pressions économiques actuelles. Avec l’inflation et les taux d’intérêt affectant les dépenses des consommateurs, Canadian Tire semble se préparer à affronter d’éventuelles tempêtes commerciales à venir.
Pour les employés du siège social de Canadian Tire sur la rue Yonge, ce mouvement signale une concentration plus claire sur ce que l’entreprise fait le mieux. Comme me l’a confié un cadre intermédiaire sous couvert d’anonymat : « On a eu l’impression qu’on essayait d’être trop de choses pour trop de personnes. Revenir à l’essentiel semble être la bonne décision. »
L’action de Canadian Tire a réagi positivement à l’annonce, avec une hausse de 3,2 % à la Bourse de Toronto hier.
La transaction devrait être finalisée au premier semestre 2025, sous réserve des approbations réglementaires et des conditions de clôture habituelles.
En terminant cet article depuis mon café préféré sur Queen Street, j’ai remarqué un jeune professionnel portant une veste Helly Hansen. Lorsque j’ai mentionné la nouvelle concernant le changement de propriétaire de la marque, il a haussé les épaules. « Tant que la qualité reste la même, je me fiche de qui la possède. »
Cette réaction résume peut-être le mieux ce qui est en jeu : Canadian Tire parie que se recentrer sur son identité fondamentale renforcera sa relation avec les consommateurs canadiens, tandis que Helly Hansen poursuivra son parcours haut de gamme sous une nouvelle propriété mieux alignée avec son positionnement luxueux.
Dans le paysage commercial compétitif de Toronto, parfois, savoir exactement qui l’on est constitue la meilleure stratégie commerciale.