Accès à l’Éducation des Étudiants Sans-Papiers : Initiative du Conseil Scolaire d’Edmonton

Laura Tremblay
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Mardi dernier en soirée, une salle bondée a été témoin d’un moment émouvant mais crucial dans le paysage éducatif d’Edmonton. Les administrateurs du Conseil scolaire public d’Edmonton ont approuvé à l’unanimité une motion qui pourrait changer la vie de certains des enfants les plus vulnérables de notre ville.

La motion demande au gouvernement de l’Alberta de garantir à tous les enfants l’accès à l’éducation publique – y compris ceux dont les familles ne possèdent pas les documents d’immigration appropriés. C’est une démarche qui reconnaît une réalité que beaucoup d’Edmontoniens ignorent peut-être dans notre communauté.

« L’éducation est un droit fondamental pour chaque enfant, » m’a confié l’administratrice Julie Kusiek lorsque je l’ai rencontrée après la réunion. « Quand des familles se retrouvent dans des situations d’immigration difficiles, les enfants ne devraient pas en porter le fardeau en perdant l’accès à la scolarité. »

La question a émergé plus tôt cette année lorsque plusieurs familles ont approché les administrateurs avec des histoires déchirantes. Des enfants qui fréquentaient des écoles locales se sont soudainement heurtés à des obstacles lorsque leur statut de documentation a changé ou a été remis en question.

L’administrateur Saadiq Sumar, qui a présenté la motion aux côtés de Kusiek, a partagé un exemple particulièrement touchant. « Une famille nous a raconté que leur enfant s’épanouissait en 3e année, se faisait des amis et apprenait l’anglais rapidement. Puis des complications d’immigration sont survenues, et soudainement, cet enfant de huit ans se retrouvait à la maison, regardant son éducation lui échapper. »

Selon le Centre mennonite d’Edmonton pour les nouveaux arrivants, cette situation touche environ 200 à 300 enfants dans notre ville à tout moment. Ce ne sont pas que des statistiques – ce sont de vrais enfants d’Edmonton pris dans des limbes bureaucratiques.

La motion du conseil scolaire demande spécifiquement à la province de clarifier que la Loi sur l’éducation garantit l’accès à l’éducation pour tous les enfants résidant en Alberta, indépendamment de leur statut d’immigration ou de celui de leurs parents. Actuellement, la législation provinciale n’aborde pas explicitement cette situation.

Le ministre de l’Éducation, Demetrios Nicolaides, n’a pas encore répondu directement à la motion, mais son ministère a fourni une déclaration notant que « les décisions concernant l’inscription des élèves reviennent ultimement aux autorités scolaires. »

Cette approche crée un système disparate où certains districts pourraient accueillir des élèves sans papiers tandis que d’autres les refuseraient – une politique bien loin d’être cohérente et compatissante comme le souhaitent les administrateurs d’Edmonton.

Le conseil scolaire catholique de Calgary a mis en œuvre une politique formelle en 2015 garantissant que les enfants sans papiers puissent fréquenter leurs écoles. Les Écoles catholiques d’Edmonton ont confirmé qu’elles suivent des pratiques similaires, mais ne les ont pas codifiées dans une politique officielle.

Les défenseurs communautaires présents à la réunion de mardi ont exprimé à la fois du soulagement et un optimisme prudent. Marco Luciano de Migrante Alberta m’a confié : « C’est la première étape vers la reconnaissance que l’éducation ne devrait pas être un privilège basé sur des documents – c’est un droit fondamental. »

Pour Marta Rojas, enseignante à Edmonton qui travaille avec des élèves nouveaux arrivants, cette question la touche personnellement. « J’ai vu de première main l’anxiété que ces enfants éprouvent. Ils font déjà face à des barrières linguistiques, des ajustements culturels, et parfois des traumatismes liés à leur parcours jusqu’ici. Se voir refuser l’éducation amplifie exponentiellement ces défis. »

Des recherches de la Faculté d’éducation de l’Université de l’Alberta soulignent les conséquences à long terme lorsque les enfants manquent leur scolarité. « Même de brèves interruptions peuvent mener à d’importantes lacunes d’apprentissage, » explique Dr Sophie Yohani, dont le travail se concentre sur la réussite des élèves réfugiés et immigrants. « L’impact psychologique de l’exclusion se manifeste souvent par des problèmes émotionnels et comportementaux durables. »

La motion reflète également l’évolution d’Edmonton en tant que ville de plus en plus diverse. Avec plus de 30% de notre population née à l’extérieur du Canada, l’immigration façonne quotidiennement le tissu de notre communauté.

En se promenant à Mill Woods ou le long de la 118e Avenue, on entend des dizaines de langues, on sent des odeurs de cuisine du monde entier, et on voit la mosaïque culturelle vibrante qui définit l’Edmonton moderne. Pourtant, sous cette histoire de réussite multiculturelle se cache la réalité que certaines familles existent dans l’ombre, l’avenir de leurs enfants incertain.

En quittant la réunion du conseil scolaire, j’ai remarqué une famille qui remerciait discrètement les administrateurs, leur jeune fille serrant un sac à dos couvert d’autocollants de licornes étincelantes. Elle ne comprend pas le statut d’immigration ni les débats politiques – elle veut simplement apprendre, jouer et appartenir. La décision du conseil pourrait contribuer à rendre cela possible.

Le gouvernement provincial fait maintenant face à une demande claire du plus grand district scolaire d’Edmonton. Leur réponse révélera beaucoup sur nos valeurs collectives en tant qu’Albertains.

Dans une province qui se targue d’offrir des opportunités et de l’équité, la question semble simple : l’éducation d’un enfant devrait-elle dépendre de documents, ou l’apprentissage est-il un droit qui transcende la documentation?

Pour l’instant, les administrateurs scolaires d’Edmonton ont clairement pris position. Le prochain chapitre de cette histoire repose entre les mains des législateurs provinciaux et, ultimement, entre les nôtres en tant que membres d’une communauté qui doit décider quel type de ville nous voulons qu’Edmonton soit.

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