Les propriétaires de bars et restaurants montréalais prennent position contre une inquiétante résurgence des tentatives d’extorsion liées au crime organisé—une ombre qui assombrit périodiquement la scène nocturne vibrante de notre ville depuis des décennies.
En tant qu’observateur de longue date du paysage culturel montréalais, j’ai vu notre industrie de l’hospitalité évoluer à travers de nombreux défis. Cette dernière menace semble particulièrement préoccupante alors que les propriétaires d’établissements se remettent encore des difficultés liées à la pandémie.
« Nous observons des schémas qui rappellent les années 1980 et le début des années 90, » m’a confié Pierre Thibault, président de l’Association des propriétaires de bars du Québec, lors de notre entretien dans un établissement bien connu du centre-ville. « Sauf que maintenant, les méthodes ont évolué avec la technologie. Ce qui n’a pas changé, c’est la peur. »
Selon les rapports policiers partagés avec les médias locaux, au moins 13 cas d’extorsion documentés ont été signalés depuis janvier, bien que Thibault estime que le nombre réel est nettement plus élevé. De nombreux propriétaires hésitent encore à se manifester, craignant des représailles ou des dommages à la réputation de leurs établissements.
Un restaurateur expérimenté du Plateau, s’exprimant sous couvert d’anonymat, a décrit avoir reçu des visites intimidantes exigeant des « paiements de protection » de 1 000 $ mensuels. « Ils présentent ça comme une assurance—une protection contre les ‘accidents’ qui pourraient survenir, » a-t-il expliqué, visiblement mal à l’aise même en abordant le sujet.
La police de Montréal (SPVM) a mis en place une équipe spéciale pour traiter ces incidents, mais les leaders communautaires soutiennent que davantage de ressources sont nécessaires. La mairesse Valérie Plante a reconnu la situation lors du point de presse d’hier, promettant une « action coordonnée » tout en encourageant les commerces touchés à signaler les incidents.
Le secteur de l’hospitalité montréalais emploie environ 76 000 personnes et contribue approximativement 4 milliards de dollars annuellement à notre économie locale, selon la dernière étude d’impact économique de Tourisme Montréal. Cette industrie vitale a traversé de nombreuses tempêtes—des fermetures pandémiques aux pénuries de main-d’œuvre—et fait maintenant face à cette pression supplémentaire.
La nouvelle vague de tentatives d’extorsion semble stratégiquement synchronisée au moment où les entreprises reconstruisent leur stabilité financière après la pandémie. Le gouvernement du Québec a récemment annoncé qu’il travaillerait avec les forces de l’ordre pour développer des mesures de protection renforcées pour les établissements vulnérables.
« Ces criminels sont calculateurs, » explique la criminologue Maria Mourani de l’Université de Montréal. « Ils ciblent des entreprises qu’ils savent avoir des réserves de trésorerie limitées après la pandémie mais qui montrent des signes de reprise. C’est un comportement prédateur exploitant la vulnérabilité économique. »
Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est la modernisation de ces opérations. Bien que les tactiques d’intimidation traditionnelles persistent, les suspects emploient désormais également le harcèlement numérique, des campagnes d’avis négatifs en ligne, et même le piratage des systèmes informatiques des entreprises pour faire pression sur les propriétaires.
Pour les quartiers emblématiques de la vie nocturne de notre ville—de la rue Crescent au boulevard Saint-Laurent—ces menaces risquent de saper des décennies de développement culturel qui ont fait la renommée internationale de Montréal pour sa scène hospitalière.
En me promenant hier soir dans le Quartier Latin, le contraste était frappant—des terrasses animées remplies de clients profitant de notre brève saison estivale, tandis que derrière les portes closes, certains propriétaires m’ont confié qu’ils sont aux prises avec des décisions difficiles concernant le paiement aux extorqueurs ou les risques de conséquences.
Les autorités provinciales ont proposé la mise en place d’un système de signalement anonyme spécifiquement pour les tentatives d’extorsion, ainsi qu’un soutien financier accru pour les entreprises qui coopèrent aux enquêtes. Cependant, les représentants de l’industrie soutiennent que les délais de mise en œuvre restent trop vagues.
« Nous avons besoin d’actions concrètes maintenant, pas seulement de promesses, » a souligné Thibault. « Chaque semaine de retard signifie plus d’entreprises confrontées à des choix impossibles. »
L’interconnexion profonde entre l’identité de notre ville et sa culture de l’hospitalité fait de cette affaire non seulement une question criminelle mais une menace pour le tissu culturel montréalais. Nos festivals de renommée mondiale, notre vie nocturne et notre scène culinaire dépendent tous d’un environnement prospère et sécuritaire pour les propriétaires comme pour les clients.
Après avoir couvert cette industrie pendant près de deux décennies, j’ai été témoin de la résilience de nos entrepreneurs locaux. Mais ce défi nécessite une réponse coordonnée de tous les paliers de gouvernement, des forces de l’ordre et du soutien communautaire.
Alors que cette situation évolue, LCN continuera de suivre à la fois les incidents et la réponse officielle. Pour les propriétaires d’entreprises qui subissent des intimidations, le SPVM a établi une ligne de signalement confidentielle au 514-280-2222.
Notre ville a déjà surmonté l’influence du crime organisé par le passé, et avec les ressources appropriées et la solidarité communautaire, nous pouvons garantir que ces ombres n’obscurciront pas à nouveau les lumières de la vie nocturne célébrée de Montréal.