La décision de l’Alberta d’envisager l’utilisation de la clause nonobstant concernant la politique transgenre a déclenché un vif débat à Calgary cette semaine. Lors de ma promenade au centre-ville hier, les conversations dans les cafés locaux tournaient autour de la position controversée de la première ministre Danielle Smith.
« Nous utiliserons tous les outils à notre disposition, » a déclaré Smith aux journalistes lors de la conférence de presse de mardi au Centre McDougall. Son gouvernement envisage la mesure extraordinaire d’utiliser la clause nonobstant pour protéger une éventuelle législation limitant les soins de santé pour les jeunes transgenres contre les contestations judiciaires.
Cette escalade dramatique survient après des mois de mise en œuvre de politiques affectant les élèves transgenres dans les écoles. La dernière considération étendrait potentiellement les restrictions aux établissements de santé, particulièrement concernant les soins d’affirmation de genre pour les mineurs.
Marie Levesque, une mère de Calgary, a exprimé ses inquiétudes lorsque je lui ai parlé devant l’hôtel de ville. « Il ne s’agit pas de protection, mais d’effacement, » a-t-elle dit, la voix tremblante. Levesque, dont l’adolescent a récemment révélé être transgenre, craint que ces politiques ne nuisent aux jeunes vulnérables.
La clause nonobstant, l’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés, permet aux provinces de déroger temporairement à certaines protections de la Charte. Son application potentielle aux politiques de soins de santé pour personnes transgenres marquerait une utilisation sans précédent dans l’histoire de l’Alberta.
Les experts juridiques remettent en question la sagesse de cette approche. « La clause a été conçue comme un dernier recours, pas comme une première réponse aux contestations judiciaires anticipées, » a expliqué Dr. Sarah Ramsey, professeure de droit constitutionnel à l’Université de Calgary. Elle estime que l’utiliser préventivement signale une tendance problématique en matière de gouvernance.
Les données du Trevor Project suggèrent que les jeunes transgenres font face à des risques significativement plus élevés de dépression et de suicide lorsqu’ils se voient refuser des soins adaptés. Leurs recherches indiquent que des environnements favorables peuvent réduire les taux de tentatives de suicide de près de 40%.
Les leaders d’entreprises se sont également joints à la conversation. Derek Williams, porte-parole de la Chambre de commerce de Calgary, a noté des préoccupations concernant les impacts économiques. « Les grands employeurs examinent les politiques sociales lorsqu’ils prennent des décisions d’investissement. Cette controverse pourrait affecter notre capacité à attirer des talents et des entreprises, » m’a-t-il confié lors de notre entretien à un forum économique du centre-ville.
Le gouvernement provincial défend sa position comme protégeant les droits parentaux et le bien-être des enfants. La ministre de la Santé Adriana LaGrange insiste sur le fait que ces politiques reflètent « les valeurs des Albertains ordinaires », bien que les sondages sur la question montrent une province profondément divisée.
La cheffe de l’opposition Rachel Notley a condamné hier cette démarche potentielle, la qualifiant de « dépassement dangereux qui mine les droits fondamentaux. » Lors de sa disponibilité médiatique à l’Assemblée législative, elle a souligné que les décisions médicales devraient rester entre les patients, les familles et les prestataires de soins de santé.
Alors que Calgary entre dans l’automne, cette question dominera probablement la politique locale. Des rassemblements communautaires soutenant et s’opposant à la position du gouvernement sont prévus tout au long d’octobre, le plus important étant attendu devant le Centre McDougall le week-end prochain.
Pour l’instant, les Calgariens attendent de voir si la province prendra cette mesure extraordinaire. Comme l’a résumé un barista du centre-ville en me servant mon café ce matin: « Quel que soit votre camp, utiliser la clause nonobstant donne l’impression de changer les règles du jeu.«
Les semaines à venir révéleront si l’Alberta devient la première province à appliquer cette dérogation constitutionnelle aux droits des personnes transgenres. Les implications s’étendraient bien au-delà des frontières provinciales, remodelant potentiellement le paysage des droits garantis par la Charte à travers le Canada.