Le programme ambitieux d’autobus scolaires électriques du Québec a connu un revers important cette semaine alors que Lion Électrique, le fabricant québécois de véhicules électriques, a annoncé un rappel touchant des dizaines de leurs autobus scolaires électriques actuellement en service dans les commissions scolaires de la région montréalaise.
Ce rappel survient après trois incidents signalés où des autobus ont connu des dysfonctionnements du système de batteries, dont un cas où un autobus a perdu sa puissance en transportant des élèves du primaire lors d’un retour d’excursion au Biodôme. Bien qu’aucune blessure n’ait été signalée, ces incidents ont relancé le débat sur le calendrier agressif de la province pour l’électrification de sa flotte de transport scolaire.
« Nous prenons ces incidents très au sérieux, » a déclaré Patrick Gervais, porte-parole de Lion Électrique, lors de la conférence de presse d’hier à leur installation de Saint-Jérôme. « La sécurité demeure notre priorité absolue, et ce rappel volontaire nous permettra d’implémenter des systèmes de gestion de batterie améliorés sur tous les véhicules concernés. »
L’initiative d’électrification de 250 millions de dollars de la province, lancée en 2022, vise à convertir 65% de la flotte d’autobus scolaires du Québec à l’électrique d’ici 2030. Montréal a été à l’avant-garde de cette transition, le Centre de services scolaire de Montréal exploitant la plus grande flotte d’autobus scolaires électriques de la province.
Pour des parents comme Marie-Claude Desjardins, dont les enfants fréquentent l’École Ahuntsic, le rappel soulève des inquiétudes. « Je soutiens les initiatives environnementales, mais pas au détriment de la fiabilité, » m’a-t-elle confié lors de la dépose matinale. « Mes enfants étaient justement dans cet autobus qui est tombé en panne près du Biodôme. Ils sont restés bloqués pendant près d’une heure. »
Les experts en transport suggèrent que ce rappel met en évidence les défis d’une électrification rapide. « Le calendrier du Québec a toujours été ambitieux, » note Dr. Antoine Belzile, chercheur en transport durable à Polytechnique Montréal. « Ce que nous voyons n’est pas inhabituel pour les technologies émergentes, mais cela souligne la nécessité d’une mise en œuvre progressive et d’une planification de redondance. »
Le rappel affecte environ 45 autobus dans la grande région de Montréal, soit environ 30% de la flotte d’autobus scolaires électriques de Lion actuellement en service. Les commissions scolaires ont reçu l’instruction de remplacer temporairement ces véhicules par des autobus conventionnels jusqu’à ce que les réparations soient terminées, ce que Lion estime prendre 4 à 6 semaines.
Lors de la réunion de la Commission scolaire d’hier, plusieurs parents ont exprimé leur frustration face à ce qu’ils perçoivent comme une planification d’urgence inadéquate. « On entend sans cesse parler du Québec comme leader en électrification, » a déclaré Jean-François Moreau, représentant des parents. « Mais le leadership signifie anticiper les problèmes, pas seulement y réagir. »
La ministre des Transports du Québec, Geneviève Guilbault, a défendu la stratégie d’électrification de la province tout en reconnaissant ce revers. « Chaque transition fait face à des obstacles, » a-t-elle affirmé. « Nous travaillons étroitement avec Lion Électrique pour nous assurer que ces problèmes soient résolus rapidement et définitivement. »
Pour les chauffeurs d’autobus montréalais comme Robert Tremblay, qui transporte des élèves depuis plus de vingt ans, la technologie nécessite encore des améliorations. « Les autobus électriques sont plus silencieux, les enfants semblent les apprécier, et je soutiens les avantages environnementaux, » a-t-il expliqué en attendant devant l’École Saint-Barthélemy. « Mais l’anxiété liée à l’autonomie est réelle, surtout en hiver. Et maintenant avec ces problèmes de batterie, c’est une préoccupation supplémentaire. »
Ce rappel survient à un moment particulièrement difficile pour Lion Électrique. L’entreprise basée à Saint-Jérôme connaît des difficultés financières, avec une chute de près de 40% de son action depuis janvier. Ce problème de sécurité pourrait compliquer davantage leur position alors qu’ils font face à la concurrence de plus grands fabricants qui entrent sur le marché des autobus scolaires électriques.
Les défenseurs des politiques climatiques maintiennent que des revers temporaires ne devraient pas faire dérailler les objectifs environnementaux à long terme. « La transition vers le transport électrique connaîtra des obstacles en cours de route, » a déclaré Andréanne Brazeau d’Équiterre. « Mais avec le transport représentant 43% des émissions du Québec, nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre d’abandonner ces initiatives. »
Pour les parents montréalais, la préoccupation immédiate reste la fiabilité et la sécurité. Sophie Létourneau, parent d’élève à l’École Saint-Germain, a résumé le sentiment partagé par beaucoup : « Je veux que mes enfants héritent d’une planète plus propre, mais j’ai aussi besoin de savoir qu’ils se rendront à l’école et reviendront à la maison en toute sécurité chaque jour. »
Lion Électrique a mis en place une ligne d’information dédiée pour les parents et administrateurs scolaires inquiets, promettant des mises à jour quotidiennes sur le processus de rappel. Pendant ce temps, l’entreprise accélère le développement de son système de gestion de batterie de nouvelle génération, qui, selon eux, résoudra les problèmes identifiés dans la flotte actuelle.
Alors que les températures automnales baissent et que l’hiver approche, la pression pour résoudre rapidement ces problèmes s’intensifie. Les conditions hivernales notoires de Montréal ont historiquement présenté des défis même pour les autobus conventionnels – ajouter des préoccupations de performance des batteries crée une autre couche de complexité.
En me promenant dans le quartier Villeray de Montréal ce matin, j’ai remarqué le retour des distinctifs autobus jaunes conventionnels sur des trajets habituellement desservis par les véhicules électriques de Lion. Pour l’instant, du moins, la révolution des autobus scolaires électriques du Québec a appuyé sur le bouton pause – un rappel que même les transitions environnementales les mieux intentionnées nécessitent patience, planification et peut-être une approche plus mesurée.