Procès pour la saisie des terres au Québec : Trois hommes devant le jury

Amélie Leclerc
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J’ai passé les deux derniers jours à suivre un drame juridique extraordinaire qui se déroule dans notre province. Trois hommes accusés d’avoir tenté de s’emparer d’un terrain gouvernemental dans les Laurentides feront face à un jury après avoir rejeté un procès devant juge seul.

Les accusés – Serge Bourque, Guillaume Chaussé et Christian Lévesque – ont comparu au palais de justice de Saint-Jérôme hier, où ils ont fait ce choix procédural important. Ils font face à de graves accusations, notamment de méfait, d’introduction par effraction et de proférer des menaces, après avoir prétendument occupé un terrain provincial près de Mont-Tremblant l’été dernier.

Selon les documents judiciaires que j’ai consultés, les hommes seraient associés à un mouvement de citoyens souverains qui rejette l’autorité gouvernementale. Les procureurs affirment qu’ils ont tenté d’établir ce qu’ils appelaient un «territoire souverain» en érigeant des barrières et des structures sur des terres publiques en juillet 2023.

«Cette affaire représente une intersection préoccupante entre l’idéologie extrémiste et l’action directe», m’a expliqué Catherine Leclair, professeure de droit à l’Université McGill, lorsque je l’ai interrogée sur l’affaire. «Le jury devra distinguer entre la protestation politique légitime et l’occupation illégale».

L’enquête de la Sûreté du Québec a révélé que les hommes auraient affiché des panneaux déclarant la zone «territoire libéré» et émis des avertissements aux fonctionnaires qui tentaient d’accéder au terrain. Les documents judiciaires suggèrent qu’ils prétendaient établir une juridiction indépendante, libre des réglementations provinciales.

Ce qui rend cette affaire particulièrement remarquable, c’est son lien avec des mouvements anti-gouvernementaux plus larges. J’ai couvert des cas similaires à travers le Québec où des individus contestent l’autorité gouvernementale par des arguments juridiques inhabituels ou par confrontation directe.

Lorsque j’ai visité le site l’automne dernier après que la police ait sécurisé la zone, j’ai été frappé par l’emplacement isolé – une section de forêt magnifique mais isolée devenue un champ de bataille improbable sur des questions de souveraineté. Les résidents locaux que j’ai interviewés ont exprimé leur confusion quant aux raisons pour lesquelles quelqu’un choisirait cette zone particulière pour de telles actions.

«Nous respectons les opinions politiques diverses dans notre société démocratique», a déclaré le procureur de la Couronne Jean Tremblay lors d’un point presse. «Mais lorsque des individus prennent des mesures qui violent les lois conçues pour protéger les terres publiques, ils doivent faire face aux conséquences juridiques appropriées».

L’équipe de défense, dirigée par l’avocate Marie Dumont, a indiqué qu’elle contestera la caractérisation de leurs clients comme extrémistes. «Cette affaire implique des questions complexes sur les droits de propriété et l’abus de pouvoir gouvernemental», m’a-t-elle confié à l’extérieur du palais de justice. «Nous avons hâte de présenter nos arguments complets devant un jury».

Le procès devrait commencer au printemps prochain, et la sélection du jury s’annonce comme un processus long étant donné les dimensions politiques de l’affaire. Le tribunal a réservé trois semaines pour les procédures.

Pour notre communauté montréalaise, cette affaire soulève d’importantes questions sur les limites de la protestation, la nature de la souveraineté dans notre système démocratique, et comment nous équilibrons les droits individuels avec les responsabilités collectives.

Les accusés demeurent sous strictes conditions de libération sous caution, notamment l’interdiction de retourner dans la zone en question ou de se contacter entre eux. S’ils sont reconnus coupables, ils pourraient faire face à jusqu’à dix ans de prison pour les accusations les plus graves.

Je continuerai à suivre cette affaire de près car elle représente un défi inhabituel pour notre système juridique et les concepts de gouvernance que la plupart des Québécois tiennent pour acquis.

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