J’ai observé ce conflit de travail chez Air Canada se dérouler avec un mélange d’intérêt professionnel et d’inquiétude personnelle. En tant que personne qui voyage régulièrement entre Montréal et Toronto pour des missions professionnelles, la perspective de perturbations généralisées des vols me touchait particulièrement.
Hier après-midi, le ministre du Travail Steven MacKinnon a annoncé la décision d’Ottawa d’émettre une ordonnance de retour au travail pour les quelque 3 000 employés du service à la clientèle et des ventes d’Air Canada qui ont commencé à faire grève en début de semaine. L’intervention du gouvernement fédéral est survenue après ce que MacKinnon a décrit comme des efforts de médiation « intenses mais finalement infructueux » entre la compagnie aérienne et l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale.
« Bien que nous respections le droit des travailleurs à la négociation collective, l’impact économique potentiel de perturbations prolongées des services de notre plus grand transporteur exigeait une action décisive, » a déclaré MacKinnon lors d’une conférence de presse organisée à la hâte.
Ma collègue Sophie Tremblay, qui couvre les transports pour Radio-Canada, a noté qu’il s’agit de la troisième fois en douze ans que le gouvernement fédéral intervient dans des conflits de travail chez Air Canada. « Un schéma se dessine, soulevant de sérieuses questions sur l’équilibre entre les services essentiels et le pouvoir de négociation des travailleurs, » m’a-t-elle confié.
Le syndicat a exprimé sa profonde déception. « Nos membres cherchaient une rémunération équitable après des années de concessions liées à la pandémie, » a déclaré le porte-parole de l’AIMTA, Jean Bouchard. « Cette intervention fait pencher significativement le pouvoir en faveur de l’employeur. »
Air Canada, quant à elle, a accueilli favorablement la décision, la porte-parole Marie-Claude Desgagné déclarant : « Cela nous permet de maintenir la continuité du service pour nos passagers tout en continuant à travailler vers un accord équitable. »
Les travailleurs en grève, qui s’occupent des réservations, de la billetterie et des opérations aux portes d’embarquement, réclamaient des augmentations salariales d’environ 15 % sur trois ans, soulignant la rentabilité récente de la compagnie aérienne après les pertes dues à la pandémie. Air Canada avait proposé des offres autour de 8 %, citant l’incertitude persistante dans l’industrie.
À l’aéroport Montréal-Trudeau hier, j’ai observé les réactions mitigées parmi les voyageurs. Claudette Fournier, qui voyageait pour rendre visite à sa famille à Vancouver, a exprimé son soulagement : « Je comprends la position des travailleurs, mais je planifie ce voyage depuis des mois. »
Selon les données de Transports Canada, Air Canada gère environ 48 % du trafic passagers intérieur, ce qui rend toute perturbation de service profondément impactante pour la mobilité canadienne. Les analystes économiques de Desjardins estiment que chaque jour de perturbation complète du service pourrait coûter environ 65 millions de dollars à l’économie canadienne.
La législation de retour au travail exige que les employés reprennent immédiatement leurs postes pendant que les procédures d’arbitrage obligatoire commencent. Les experts en relations de travail suggèrent que ce processus prend généralement de 60 à 90 jours pour aboutir à une résolution.
Jean-Martin Aussant, professeur de relations de travail à l’Université de Montréal, considère l’intervention du gouvernement comme problématique. « Cela retire effectivement le principal outil de levier du syndicat sans aborder les problèmes sous-jacents qui ont mené à la grève, » a-t-il expliqué. « Cela peut résoudre la crise immédiate mais potentiellement semer les graines de futurs conflits de travail. »
Pour les Montréalais, ce conflit est particulièrement significatif. Au-delà d’être le siège social d’Air Canada, notre ville dépend fortement de la connectivité aérienne tant pour le tourisme que pour les affaires. L’été dernier, j’ai couvert comment la vague de voyages post-pandémie a mis à rude épreuve l’infrastructure de l’aéroport Trudeau – beaucoup de ces mêmes travailleurs maintenant forcés de retourner à leurs postes étaient ceux qui aidaient à gérer ces conditions accablantes.
Alors que les vols reprennent leurs opérations normales au cours des prochaines 24 à 48 heures, la tension sous-jacente reste non résolue. Ce modèle d’intervention gouvernementale dans les conflits de travail d’Air Canada soulève des questions légitimes quant à la possibilité d’une négociation collective significative lorsque la législation de retour au travail limite à répétition les délais de négociation.
Debout dans le Terminal 1 hier après-midi, observant les passagers se précipitant pour modifier leurs réservations, je ne pouvais m’empêcher de me demander si nous ne faisons que reporter l’inévitable – un autre cycle du même conflit lorsque l’accord arbitré finira par expirer.
Pour l’instant, cependant, la crise immédiate semble évitée. Les voyageurs peuvent à nouveau compter sur l’horaire complet d’Air Canada, même si les travailleurs qui rendent cet horaire possible retournent à leurs postes avec leurs préoccupations fondamentales toujours non résolues.